Au Nigeria, impliquer les hommes pour donner un coup d’accélérateur à la vaccination de routine

Sensibiliser les hommes de Lagos à l'importance de la vaccination pour protéger la santé de leurs enfants améliore la couverture vaccinale.

  • 10 juin 2022
  • 5 min de lecture
  • par Adesewa Adelaja
Mohammed Idris. Crédit : Adesewa Adelaja
Mohammed Idris. Crédit : Adesewa Adelaja
 

 

Ayant grandi dans le nord du Nigeria, Zainab Abiodun Hassan a vu à quel point il était difficile pour les agents de santé d'amener les villageois à faire vacciner leurs enfants. Hassan, directrice adjointe des services de santé communautaires, dans la région du gouvernement local d'Ijede dans l'État de Lagos, déclare que « bien que de nombreuses mères souhaitent que leurs enfants reçoivent leur vaccination de routine, elles ont besoin de l'autorisation de leur mari, ce qui n'est pas toujours le cas ».

Zainab Abiodun Hassan
Zainab Abiodun Hassan

Hassan s'est rendu compte que c'était la même situation à Lagos et s'est donnée pour mission de s'assurer que les hommes soient bien éduqués sur l'importance de la vaccination.

« Depuis que ma femme est enceinte, je viens avec elle à l'hôpital. Le premier jour où nous sommes allés à l'hôpital général d'Ikorodu pour des soins prénatals, j'ai rencontré l'infirmière Olayinka, qui m'a parlé de la vaccination. Elle m'a montré la zone de l'hôpital où l'on fait la vaccination. Elle m'a dit pourquoi il est important que mon bébé soit vacciné. »

« Rassembler les hommes en un seul endroit est très difficile. Ce qui a bien fonctionné au cours de ces années de discussions communautaires, c’est d’aller là où se trouvent les hommes. Avec un groupe de collègues, nous nous rendons régulièrement dans les gares routières, les brasseries et les terrains de football pour leur parler. Nous prenons ensuite leurs coordonnées et faisons un suivi pour les inviter à des dialogues communautaires où nous parlons des vaccins et des avantages de la vaccination des enfants. Je m'assure également de leur parler dans leur langue. Si je ne parle pas leur langue, j'ai un interprète », ajoute Hassan.

Le suivi est important. « Cela ne s'arrête pas aux échanges. Nous visitons régulièrement les communautés pour leur rappeler les dates et heures de vaccination. Je veille toujours à organiser la vaccination en porte-à-porte, ce qui est devenu plus facile car les hommes sont déjà conscients des bénéfices de la vaccination. »

Hassan raconte l'histoire d'un homme qui avait assisté aux discussions et, lorsqu'il est allé demander un visa pour un prochain voyage, l'ambassade a demandé la carte de vaccination de ses enfants, qu'il a immédiatement fournie. Ceux qui n'en avaient pas étaient renvoyés. Il est maintenant devenu un ambassadeur de la vaccination dans la communauté.

Mohammed Idris, un homme de 39 ans qui a participé à une discussion sur l'éducation à la vaccination, a finalement emmené son bébé pour le faire vacciner au centre de santé et a s’est chargé d'emmener également les enfants de son voisin pour les faire vacciner.

"Avant que les travailleurs de la santé viennent à notre rencontre, je ne me souciais pas beaucoup de la vaccination. Je ne savais pas si c'était bien ou pas. Après avoir assisté aux discussions, j'ai réalisé que la vaccination protège non seulement mon bébé contre les maladies, mais aussi les autres enfants, et me permet même d'économiser de l'argent car elle réduit les frais médicaux généraux. J'ai même entendu parler du vaccin contre la COVID-19. Je ne savais pas que je serais à l'avant-garde de la prédication de la vaccination à mes pairs. On dit qu’un nouveau vaccin contre le paludisme arrive. J'ai l'intention de me porter volontaire et de rejoindre Madame Hassan pour ses échanges sur la vaccination », déclare Idris.

Elizabeth Olayinka John, infirmière à l'hôpital général d'Ikorodu à Lagos, est un autre agent de santé qui se consacre à éduquer les hommes sur l'importance de la vaccination systématique.

Elizabeth Olayinka John, infirmière
Elizabeth Olayinka John, infirmière

Elle explique : « J'ai remarqué que nous avions un nombre élevé de perdus de vue. Lorsque j'ai demandé, certaines femmes se sont plaintes que leurs maris n'approuvaient pas la vaccination. J'ai commencé à parler avec des hommes qui viennent à l'hôpital, pour leur expliquer l'importance de la vaccination. »

« Au début, ils sont souvent réticents à en parler », explique-t-elle. « Je leur demande leur numéro, je les appelle et leur envoie régulièrement des SMS, partageant des informations sur les différents vaccins et les maladies comme la rougeole, la poliomyélite et la carence en vitamine A. J'insiste sur la nécessité de recevoir les doses complètes de vaccination. »

John explique également le risque pour les autres enfants lorsque les enfants ne sont pas vaccinés et ajoute : « Avec toutes ces informations, ils deviennent plus ouverts à permettre à leurs femmes d'amener les bébés. Certains viennent maintenant avec leur femme pour amener leurs enfants à la clinique. Je m'assure également qu’il y ait un suivi jusqu'à ce que l'enfant ait reçu des doses complètes. Le nombre de perdus de vue diminue. »

Bannière de la clinique de vaccination à l'hôpital général d'Ikorodu. Photo credit: Adesewa Adelaja
Bannière de la clinique de vaccination à l'hôpital général d'Ikorodu.
Photo credit: Adesewa Adelaja

Gbenga Ayeni, père d'un jeune enfant, raconte : « Depuis que ma femme est enceinte, je viens avec elle à l'hôpital. Le premier jour où nous sommes allés à l'hôpital général d'Ikorodu pour des soins prénatals, j'ai rencontré l'infirmière Olayinka, qui m'a parlé de la vaccination. Elle m'a montré la zone de l'hôpital où l'on fait la vaccination. Elle m'a dit pourquoi il est important que mon bébé soit vacciné. Quand mon bébé est né, je suis allée directement à la zone de vaccination sans tarder. Nous nous assurerons d'amener notre bébé jusqu'à ce qu'elle ait terminé sa vaccination de routine. »

Pour l'infirmière Olayinka, c'est une passion et une vocation. Elle dit, avec un sourire sur son visage : « Parfois, c'est difficile parce que je dois prendre de l'argent que je gagne pour acheter des cartes d'appel et prendre de mon temps pour parler à ces hommes. Certains sont insultants et raccrochent, mais ça ne va pas m'arrêter. C'est ma vocation. Les vaccins sauvent des vies. Je continuerai à les éduquer, un homme après l’autre. »