La rougeole est l’une des maladies infectieuses les plus mortelles et les plus contagieuses. Elle est aussi l’une des plus faciles à prévenir

Un pédiatre et médecin en prévention explique comment les vaccins contre la rougeole sont devenus victimes de leur propre succès et le risque que l'augmentation des épidémies fait peser sur tout le monde.

Les jeunes enfants, les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées sont parmi les plus vulnérables à la rougeole. (CHBD/E+ via Getty Images)
Les jeunes enfants, les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées sont parmi les plus vulnérables à la rougeole. (CHBD/E+ via Getty Images)
 

 

« On ne compte pas ses enfants tant que la rougeole n’est pas passée. »

Le Dr Samuel Katz, l’un des pionniers du premier vaccin contre la rougeole à la fin des années 1950 et au début des années 1960, entendait régulièrement cette déclaration tragique de la part de parents vivant dans des pays où le vaccin contre la rougeole n’était pas encore disponible. Ils étaient en effet habitués à voir des enfants mourir à cause de cette maladie.

Je suis pédiatre et expert en médecine préventive et j’observe avec inquiétude l’augmentation du nombre de cas de rougeole dans le monde. Les taux de vaccination ont chuté depuis les premiers jours de la pandémie de Covid-19 en raison des perturbations de l’accès aux vaccins, et de la diffusion d’informations erronées sur eux.

Rien qu’en 2022, il y a eu plus de 9 millions de cas de rougeole et 136 000 décès dans le monde, soit une augmentation de 18 % et 43 % par rapport à l’année précédente, respectivement. L’Organisation mondiale de la santé a averti que plus de la moitié des pays du monde courent un risque élevé d’épidémies de rougeole cette année.

Les États-Unis sont en voie de connaître l’une des pires années de rougeole depuis 2019, année où les Américains ont connu la plus grande épidémie de rougeole en 30 ans. À la mi-février 2024, au moins 15 États ont signalé des cas de rougeole et de multiples flambées en cours, non maîtrisées.

Au Québec, une dizaine de cas ont été confirmés ces derniers jours, et la Santé publique est sur un pied d’alerte.

La rougeole est à nouveau en augmentation aux États-Unis, bien qu’elle ait été éliminée en 2000.

Tandis que les foyers d’épidémie se multiplient, les taux de vaccination aux États-Unis sont à leur plus bas niveau depuis 10 ans. Au Canada, les taux demeurent élevés, mais ils sont inférieurs au niveau requis pour atteindre l’immunité communautaire dans certaines régions, dont Montréal.

La diffusion de fausses informations et de désinformation par des militants anti-vaccins, notamment sur les réseaux sociaux, renforce l’idée erronée que la rougeole n’est pas une menace sérieuse pour la santé et que la vaccination n’est pas essentielle.

Pourtant, les faits sont clairs : la rougeole est extrêmement dangereuse pour tout le monde, en particulier pour les jeunes enfants, les femmes enceintes et les personnes dont le système immunitaire est affaibli. Mais il existe des outils simples et efficaces pour la prévenir.

La rougeole est une maladie grave

La rougeole est l’une des maladies infectieuses les plus meurtrières de l’histoire de l’humanité. Avant qu’un vaccin ne soit disponible en 1963, environ 30 millions de personnes étaient infectées par la rougeole et 2,6 millions de personnes mouraient de la maladie chaque année dans le monde. Aux États-Unis, la rougeole a été responsable d’environ 3 à 4 millions d’infections. Parmi les cas déclarés, on compte 48 000 hospitalisations, 1 000 cas d’encéphalite (gonflement du cerveau) et 500 décès chaque année.

La rougeole est également l’une des maladies infectieuses les plus contagieuses. Selon les Centers for Disease Control and Prevention, jusqu’à 9 personnes sur 10 exposées à une personne infectée le deviendront si elles ne sont pas protégées par les vaccins. Le virus de la rougeole peut rester dans l’air et infecter d’autres personnes jusqu’à deux heures après qu’une personne contagieuse a quitté la pièce. La rougeole peut également demeurer silencieuse chez une personne pendant une à deux semaines et parfois jusqu’à 21 jours avant que les symptômes ne se manifestent. Les personnes infectées peuvent propager la rougeole jusqu’à quatre jours avant l’apparition de l’éruption cutanée caractéristique, et jusqu’à quatre jours après.

Gros plan de l’abdomen avec éruption rouge de la rougeole
L’un des symptômes caractéristiques de la rougeole est une éruption cutanée qui s’étend du visage au reste du corps.
Crédit CDC/Heinz F. Eichenwald, MD
Les premiers symptômes de la rougeole sont similaires à ceux de nombreuses autres maladies virales courantes : fièvre, toux, écoulement nasal et yeux rouges. Plusieurs jours après le début des symptômes, de minuscules taches blanches caractéristiques se développent à l’intérieur de la bouche et une éruption cutanée, qui débute au niveau du visage, s’étend au reste du corps.

Bien que les symptômes s’atténuent dans la plupart des cas, un enfant non vacciné sur cinq sera hospitalisé, un sur mille développera un gonflement du cerveau pouvant entraîner des lésions cérébrales, et jusqu’à 3 sur mille en mourront. Pour les femmes enceintes non vaccinées, l’infection par la rougeole peut entraîner une fausse couche, une mortinaissance, une naissance prématurée et un faible poids à la naissance.

Le risque de complications graves dues à la rougeole persiste même après la guérison. Dans de rares cas, les personnes atteintes peuvent souffrir d’une maladie cérébrale appelée panencéphalite sclérosante subaiguë qui se développe sept à dix ans après l’infection. Elle entraîne des pertes de mémoire, des mouvements involontaires, des crises d’épilepsie, la cécité et, finalement, la mort.

Au-delà de ces effets individuels sur la santé, le coût financier pour la société, lorsqu’elle doit endiguer des flambées de rougeole, est important. Par exemple, on estime qu’une épidémie de rougeole survenue en 2019 dans l’État de Washington a coûté 3,4 millions de dollars. Les efforts nécessaires pour lutter contre les épidémies de rougeole mobilisent des millions de dollars de ressources qui ne sont pas consacrées à d’autres fonctions essentielles de la santé publique, telles que la sécurité alimentaire, la prévention des blessures et des maladies chroniques, et la réponse aux catastrophes.

Les vaccins protègent contre la rougeole

Pourquoi mettre les communautés en danger et provoquer de tels coûts alors que des outils efficaces et sûrs sont disponibles pour protéger tout le monde ?

Les vaccins contre la rougeole ont été si efficaces, offrant une protection à vie à plus de 97 % des personnes qui ont reçu deux doses de vaccin, qu’ils sont victimes de leur propre succès. La vaccination généralisée contre la rougeole a permis de réduire de 99 % le nombre de cas par rapport à la période précédant la mise à disposition du vaccin. Par conséquent, la plupart des Nord-Américains ne sont pas conscients de la gravité de cette maladie.

Personne regardant la fiche d’information de Florida Health sur la rougeole et le vaccin ROR
La rougeole est une maladie hautement évitable. 
Crédit : Paul Hennessy/NurPhoto via Getty Images

Malgré le succès des programmes de vaccination très efficaces en Amérique du Nord, n’importe qui peut encore entrer en contact avec la rougeole dans sa communauté. La rougeole est le plus souvent introduite en Amérique du Nord par des voyageurs non vaccinés qui rentrent chez eux, et parfois par des visiteurs étrangers. Pour les personnes qui voyagent à l’étranger, le risque d’exposition à la rougeole est encore plus grand, des flambées épidémiques se produisant dans de nombreuses destinations de voyage.

Les responsables de la santé publique qui adoptent et encouragent la vaccination et appliquent des mesures simples et éprouvées d’endiguement des maladies infectieuses peuvent contribuer à prévenir la propagation de la rougeole. Chaque maladie, complication, hospitalisation ou décès évitable dû à la rougeole est un cas de trop.The Conversation


Auteur

David Higgins, Chercheur et instructeur en pédiatrie, University of Colorado Anschutz Medical Campus


The Conversation

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Déclaration d'intérêts

David Higgins est affilié à Immunize Colorado, une organisation à but non lucratif qui œuvre pour protéger les familles, les écoles et les communautés du Colorado contre les maladies évitables par la vaccination (membre bénévole non rémunéré du conseil d'administration) et à l'American Academy of Pediatrics (représentant bénévole non rémunéré de la vaccination pour le chapitre Colorado).

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