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Mpox en Sierra Leone : un test grandeur nature des leçons d’Ebola et du COVID-19

Ebola avait pris de court le système de santé sierra-léonais, mais une décennie plus tard, soignants et décideurs politiques se disent confiants dans leur capacité à gérer une nouvelle vague virale.

  • 7 février 2025
  • 6 min de lecture
  • par Saidu Bah
Un homme observe une affiche d'information sur le mpox en Sierra Leone. Crédit : Saidu Bah
Un homme observe une affiche d'information sur le mpox en Sierra Leone. Crédit : Saidu Bah
 

 

Les agents de santé en Sierra Leone s’appuient sur l’expérience acquise lors des épidémies passées d’Ebola et de COVID-19 pour faire face à la flambée de mpox.

Depuis la déclaration de l’urgence sanitaire le 13 janvier, 20 cas ont été enregistrés à l’échelle nationale. Dix patients infectés par le virus ont jusqu'à présent guéri, et aucun décès n’a été signalé.

Une réponse d’urgence rapide

Le pays a immédiatement mis en place des centres de traitement au niveau tertiaire, où les cas de mpox peuvent être isolés et pris en charge avec un soutien médical et psychosocial. Des installations de dépistage ont également été activées dans trois grands laboratoires de la capitale, Freetown, ainsi que dans un centre de dépistage supplémentaire dans la région orientale du pays.

L’épidémie s’étend actuellement à sept districts. Davantage d’infections ont été signalées chez les hommes que chez les femmes, et la plus forte concentration de cas se trouve dans les zones urbaines de la Western Area, c'est-à-dire à Freetown. Les autorités sanitaires, y compris l’Africa CDC, surveillent plus de 200 contacts étroits des cas confirmés.

« Mon cousin est actuellement hospitalisé à l’unité des maladies infectieuses de l’hôpital Connaught pour le virus mpox après avoir été testé positif », raconte Joseph Sesay, un habitant de Freetown.

« Il avait des croûtes sur tout le corps, et nous pensions qu’il s’agissait d’une simple éruption cutanée ou de la varicelle jusqu’à ce que nous l’emmenions à l’hôpital. »

« Nous n’avons pas le droit de lui rendre visite, et les agents de santé surveillent constamment notre maison, de peur que d’autres foyers ne soient infectés. »

« J’ai eu peur quand j’ai vu l’ambulance et les soignants en combinaison de protection : cela m’a rappelé l’épidémie d’Ebola qui a tué des milliers de personnes, dont trois membres de ma famille », confie-t-il. « Nous prions pour son rétablissement rapide avec l’aide des médecins. »

« Nous faisons tous les efforts possibles pour contenir la propagation et prévenir toute transmission supplémentaire grâce à une réponse de santé publique axée sur le traçage des contacts, la sensibilisation et la prise en charge des personnes infectées. »

- Professeur Foday Sahr, Directeur exécutif de l’Agence nationale de santé publique de Sierra Leone (NPHA)

Un envahisseur viral

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le mpox, anciennement connu sous le nom de variole du singe, est une maladie virale causée par le virus du mpox, appartenant au genre Orthopoxvirus. Il existe deux clades distincts du virus : le clade I (avec les sous-clades Ia et Ib) et le clade II (avec les sous-clades IIa et IIb).

Une recrudescence des cas en République démocratique du Congo et dans d’autres pays, principalement due aux clades Ia et Ib, inquiète fortement les experts de la santé. Par ailleurs, une épidémie mondiale du clade IIb a débuté en 2022 et se poursuit encore aujourd’hui, y compris dans certains pays africains.

Le Professeur Foday Sahr, Directeur exécutif de l’Agence nationale de santé publique de Sierra Leone (NPHA), a indiqué que le séquençage des infections récentes dans le pays a identifié le clade IIb du virus.

« Nous faisons tous les efforts possibles pour contenir la propagation et prévenir toute transmission supplémentaire grâce à une réponse de santé publique axée sur le traçage des contacts, la sensibilisation et la prise en charge des personnes infectées », a-t-il déclaré.

Il s’agit de la quatrième occurrence du mpox en Sierra Leone. Le pays a enregistré son premier cas en 1970, suivi d’une deuxième flambée en 2014. Un cas isolé avait également été signalé à Pujehun, dans le sud du pays, en 2017, selon l’OMS.

Prêts à agir

L’état d’urgence de santé publique nationale a également permis la réactivation des Centres d’opérations d’urgence de district (DEOC), afin de garantir le respect de tous les protocoles nécessaires à la réponse sanitaire. Des sessions de formation et des exercices pratiques sont en cours pour tester leur niveau de préparation.

« L’objectif est de renforcer les DEOC dans les districts afin qu’ils puissent répondre efficacement à toute urgence qui pourrait survenir », a déclaré le Professeur Foday Sahr.

« Nous travaillons actuellement en collaboration avec le Ministère de la Santé pour obtenir des vaccins contre le mpox auprès de l’Organisation mondiale de la santé, afin de vacciner la population et les travailleurs de première ligne cruciaux. »

L’état d’urgence de santé publique nationale a également permis de mettre en place un système de surveillance basé sur les événements aux niveaux national et district, afin de garantir une réponse rapide à tout nouveau cas et de coordonner les efforts pour contrôler efficacement l’épidémie.

Au sein de l'unité des maladies infectieuses

« Lors de mon interaction avec trois patients atteints de mpox confirmés au centre d’isolement de l’hôpital Connaught, j’ai constaté des lésions au niveau génital chez tous les hommes infectés, ce qui était à la fois alarmant et difficile à gérer, d’autant plus que certains présentaient aussi des ulcères syphilitiques », a déclaré un soignant de l’hôpital de référence de Freetown.

« Cette expérience m’a rappelé l’importance du respect strict de l’utilisation des équipements de protection individuelle (EPI), des protocoles de contrôle des infections et du maintien du professionnalisme dans des situations délicates. Elle a également mis en lumière le besoin d’empathie et de communication efficace avec les patients pour soulager leur inconfort et garantir une prise en charge appropriée », a poursuivi le soignant, qui a souhaité rester anonyme pour des raisons de confidentialité.

Le Dr Mark Kapuwa, responsable des soins à l’hôpital Connaught, a expliqué à VaccinesWork, lors d’une visite des nouvelles installations de l’hôpital, que les 20 cas nationaux signalés sont désormais sous contrôle et bénéficient d’un traitement adapté.

« Lors de l’épidémie d’Ebola, nous n’étions pas prêts. Elle nous a pris de court. Mais avec la pandémie de COVID, nous étions préparés et nous avons fait un excellent travail, mieux que d’autres pays de la sous-région », a-t-il souligné.

Entre 2014 et 2016, la Sierra Leone a été l’épicentre d’une épidémie d’Ebola dévastatrice qui a fait environ 4 000 morts, dont près de 7 % des agents de santé du pays. Depuis, d'importants progrès ont été réalisés en matière de prévention et de gestion des maladies infectieuses. L'année dernière, la Sierra Leone est devenue le premier pays à lancer une campagne de vaccination préventive contre Ebola, ciblant 20 000 travailleurs de première ligne.

« Le mpox peut se transmettre par contact physique. Nous avons des médecins spécialisés en maladies infectieuses, hautement formés et qualifiés pour y répondre. La principale plainte des patients concerne les éruptions cutanées sur tout le corps », a-t-il ajouté.

« Nous avons des agents de surveillance à l’hôpital qui travaillent avec les médecins et les cliniciens pour identifier les cas suspects et les isoler dans le centre de prise en charge. Des échantillons sont prélevés et envoyés au laboratoire pour analyse. Si un cas est confirmé, le patient est immédiatement admis à l’unité des maladies infectieuses pour recevoir un traitement approprié. »

Au laboratoire

Les laboratoires de référence bien équipés du pays jouent un rôle clé dans la riposte à l’épidémie, en fournissant des services de diagnostic complets, notamment le dépistage des maladies infectieuses, la surveillance de routine et l’investigation des flambées épidémiques, a expliqué Doris Harding, responsable des Laboratoires de référence intégrés de santé publique.

Ces laboratoires assurent des tests rapides et précis pour détecter et surveiller la propagation des maladies, ce qui permet une réponse efficace et un meilleur contrôle de l’épidémie. Un élément crucial lorsqu’il s’agit de devancer un virus en pleine expansion, a-t-elle souligné.

Un soutien essentiel des partenaires

« Nous avons reçu un lot de kits de dépistage de l’organisation camerounaise à but non lucratif Health and Development in Action (HEADA). Leur contribution est essentielle dans nos efforts pour contrôler la propagation du mpox et protéger la santé de nos communautés », a-t-elle ajouté.

HEADA apporte également une expertise et des formations pour renforcer les capacités de réponse en santé publique du pays.

Par ailleurs, l’organisation internationale Save the Children a lancé une campagne de prévention et de sensibilisation sur le mpox, ciblant plus d’un million d’enfants et leurs familles en Sierra Leone.

L’objectif est d’améliorer la compréhension du public sur la transmission, la prévention et la gestion de la maladie, en distribuant des livrets et d’autres supports d’information dans les écoles et les établissements de santé.

L’organisation a averti que les enfants sont particulièrement vulnérables à cette nouvelle souche du mpox, avec un risque de décès près de quatre fois plus élevé que chez les adultes. Les enfants malnutris vivant dans des zones où l’assainissement est insuffisant et l’accès aux soins limité sont les plus exposés.