Un vaccin contre le chikungunya pourrait prévenir des millions de cas, selon une étude mondiale

Le tout premier vaccin contre le chikungunya commence à être déployé. Marquera-t-il un tournant dans la lutte contre cette maladie transmise par les moustiques ?

  • 5 août 2025
  • 3 min de lecture
  • par Priya Joi
Crédit: JComp/Freepik
Crédit: JComp/Freepik
 

 

Un vaccin contre le chikungunya pourrait permettre d’éviter des millions de cas de cette maladie transmise par les moustiques, largement répandue dans les Amériques, en Afrique et en Asie du Sud-Est. C’est ce que révèle une étude publiée dans Nature Medicine, qui évalue l’impact potentiel de la vaccination.

Un vaccin contre cette maladie transmise par le moustique Aedes était attendu depuis des décennies. Deux produits sont désormais autorisés : IXCHIQ, développé par Valneva, et Vimkunya, conçu par Bavarian Nordic. Tous deux ont été approuvés par l’Agence américaine des médicaments (FDA) et l’Agence européenne des médicaments (EMA). IXCHIQ bénéficie du soutien de la Coalition pour les innovations en préparation aux épidémies (CEPI).

Si le chikungunya entraîne rarement des décès – environ 1 cas sur 1 000 – ses effets peuvent être durables. Jusqu’à 50 % des personnes touchées souffrent de douleurs articulaires persistantes pendant des mois, affectant fortement leur qualité de vie.

Avec le changement climatique, les moustiques Aedes élargissent leur zone de présence, rendant les épidémies de plus en plus probables dans de nouvelles régions, notamment en Europe du Sud et dans les Amériques.

Quel impact pour le vaccin ?

Les chercheurs ont analysé les tendances du chikungunya dans 180 pays et constaté que 104 d’entre eux connaissaient une transmission active ou sporadique du virus. Environ 2,8 milliards de personnes vivent dans des zones à risque, et l’on estime que le virus infecte chaque année quelque 35 millions de personnes.

Bien que les flambées épidémiques surviennent en moyenne tous les 6,2 ans, l’étude montre que, certaines années, près de 8 % des populations sensibles peuvent être infectées.

À partir de simulations, les auteurs ont évalué l’impact d’une stratégie de vaccination réactive reposant sur le vaccin IXCHIQ, récemment autorisé. Leur modèle se fonde sur des estimations consensuelles établies par un panel d’experts issus du monde académique, de l’OMS, de la CEPI et de Gavi, concernant les caractéristiques du vaccin : une protection de 70 % contre la maladie, 40 % contre l’infection, et une durée moyenne de protection estimée à cinq ans.

Selon l’étude, atteindre une couverture vaccinale de 50 % dans les zones touchées par une épidémie nécessiterait en moyenne 132 millions de doses par an. Près d’un quart de cette demande viendrait de l’Inde, où le virus est endémique.

À ce niveau de vaccination, les chercheurs estiment que l’on pourrait éviter chaque année 5,8 millions d’infections, 168 000 cas chroniques, 450 décès et environ 22 900 années de vie ajustées sur l’incapacité (DALYs).

Des données encore trop limitées

Le déploiement d’un vaccin financé par des bailleurs repose généralement sur un dossier d’investissement vaccinal, qui quantifie l’impact attendu en termes d’infections, de cas et de décès évités.

Dans le cas du chikungunya, un obstacle majeur demeure : la charge réelle de la maladie reste mal connue à l’échelle mondiale. Les symptômes du chikungunya sont proches de ceux de la dengue ou du Zika, ce qui complique le diagnostic et rend difficile l’estimation précise du nombre de personnes infectées. La surveillance insuffisante du virus dans de nombreux pays empêche également de savoir clairement où il circule, ce qui freine l’élaboration de dossiers d’investissement solides.

Comme le rappellent les auteurs, même si le développement des vaccins constitue une avancée importante, l’organisation Gavi – qui soutient l’achat de vaccins pour les pays à revenu faible ou intermédiaire – a inscrit les vaccins contre le chikungunya à son programme d’observation (Learning Agenda), afin de collecter suffisamment de données pour éclairer ses décisions. Les vaccins ne sont pas encore approuvés par l’OMS, une étape pourtant indispensable pour qu’ils puissent être déployés dans les pays avec le soutien de Gavi.

Les chercheurs appellent à la réalisation d’études de long terme, afin de mieux comprendre la durée réelle de la protection conférée, son impact sur la transmission du virus, et l’efficacité des différentes stratégies de déploiement en conditions réelles.