19 000 enfants libanais, syriens et palestiniens déplacés protégés contre des maladies évitables en cinq mois

Au Liban, un programme de vaccination financé par Gavi protège les communautés les plus marginalisées contre les maladies évitables.

  • 31 juillet 2025
  • 6 min de lecture
  • par Sara Matar
Vaccinations infantiles de routine de Gavi pour les enfants vulnérables au Liban – Croix-Rouge libanaise. Crédit : IFRC
Vaccinations infantiles de routine de Gavi pour les enfants vulnérables au Liban – Croix-Rouge libanaise. Crédit : IFRC
 

 

Vingt ou trente tentes en bâche se blottissent sur une terre brûlée, au sommet d’une colline isolée et sans arbres. C’est l’un des nouveaux camps installés dans la région de Hermel, au nord-est du Liban, aujourd’hui refuge temporaire pour environ 280 réfugiés.

Il n’y a ni eau courante ni électricité. Les eaux usées à ciel ouvert augmentent le risque de contamination de l’eau potable et de cuisson, et les maladies infectieuses se propagent comme souvent au sein des populations déplacées et vulnérables — ajoutant crise sur crise. C’est un endroit difficile pour quiconque, mais plus encore pour les enfants.

Batoul Jardo, 8 ans, qui a fui Homs en Syrie il y a quelques mois avec sa famille, a les larmes aux yeux lorsqu’elle demande : « Comment sommes-nous censés vivre au milieu de cet enfer ? » Baneel Kazem Hammoud, 7 ans, également originaire de Syrie, confie à VaccinesWork qu’elle rêve de rentrer chez elle, tout en se grattant les bras : elle a contracté une infection cutanée tenace.

Au moins, cette infection n’est pas mortelle. Mais même de légères perturbations des services de santé peuvent créer les conditions propices à l’apparition d’épidémies évitables. Dans des environnements aussi exposés, la vaccination constitue un bouclier indispensable.

Boucliers levés

Entre décembre 2024 et avril 2025, une initiative financée par Gavi a permis d’immuniser 19 000 enfants libanais, syriens et palestiniens vivant dans des communautés à risque, comme celle de ce camp.

Mis en œuvre par la Croix-Rouge libanaise (LRC), en coordination avec la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) et le ministère libanais de la Santé publique, le programme visait à protéger les enfants les plus vulnérables et les plus difficiles à atteindre dans quatre gouvernorats : Mont-Liban, Baalbek-Hermel, Bekaa et Akkar.

Le soutien de Gavi

Une enveloppe supplémentaire de 15,5 millions de dollars US de financement Gavi a été approuvée pour l’année courant jusqu’en juin 2026 afin de soutenir le ministère libanais de la Santé publique dans la restauration et le renforcement de la vaccination de routine.

Cet argent servira à :

  • Acheter des vaccins
  • Fournir une expertise technique (via les partenaires de Gavi)
  • Financer les activités de sensibilisation et de vaccination auprès des populations déplacées

« Compte tenu des déplacements, de l’accès difficile aux soins de santé primaires et des crises que traverse encore le Liban, ce programme – en coopération avec nos partenaires – nous a permis d’atteindre les plus vulnérables, de vacciner ces enfants et de les réintégrer dans le système de vaccination de routine », explique Tasneem Obeid, responsable principale de la vaccination à la FICR. « D’où l’importance d’un soutien qui contribue à sensibiliser et à fournir des vaccinations au sein des communautés mal desservies. »

Gavi routine childhood vaccinations for vulnerable children in Lebanon - Lebanese Red cross
Vaccinations infantiles de routine de Gavi pour les enfants vulnérables au Liban.
Crédit : FICR

Ces dernières années, le Liban a traversé une succession de crises qui se sont entremêlées. Une économie en chute libre, fragilisée par une grave crise de liquidités, a été frappée de plein fouet par la pandémie mondiale. Ses effets ont vite été éclipsés – puis dramatiquement aggravés – par l’explosion du port de Beyrouth en août 2020. Depuis, plus d’un conflit armé a débordé sur le pays. Autant d’épreuves qui créent et amplifient les risques pour la santé publique. Résultat : le taux de vaccination des enfants1 est tombé de 76 % en 2019 à seulement 55 % en 2023.

Dans ce contexte, la Croix-Rouge libanaise (CRL) – forte de plus de 12 000 volontaires, de systèmes de données solides et d’une longue expérience du terrain – a fait de la protection de la population sa priorité. En tant qu’auxiliaire des autorités publiques, elle soutient notamment le ministère de la Santé pour étendre l’accès à la vaccination, en particulier depuis la crise du COVID‑19.

La pandémie a freiné à la fois la demande de vaccination et la confiance envers les vaccins. Les rumeurs anti-vaccins circulaient largement lorsque, en octobre et novembre 2021, la CRL a lancé une vaste campagne de rattrapage. Trente-trois cliniques mobiles ont alors sillonné certaines des communautés les plus pauvres du pays, apportant non seulement des vaccins essentiels, mais aussi des informations vitales pour la santé.

Qassem Shaalan, directeur de l’Unité de réduction des risques de catastrophe de la Croix-Rouge libanaise, explique que le récent projet financé par Gavi a considérablement renforcé la capacité de son organisation à mener son travail. « D’octobre 2021 à avril 2025, la CRL a vacciné plus de 700 000 enfants libanais, syriens et palestiniens, » indique-t-il. « Le financement récent de Gavi a permis d’atteindre 19 000 enfants en seulement cinq mois – un résultat essentiel face aux besoins urgents des personnes déplacées dans les abris après la récente guerre avec Israël. »

Avec le soutien de Gavi, poursuit-il, « nous avons ajouté cinq équipes mobiles, portant leur nombre total à douze, contre seulement sept auparavant en raison du manque de financements », confie-t-il à VaccinesWork. « Ces équipes ont été réparties en fonction des besoins, notamment dans les régions vulnérables et surpeuplées comme Akkar (nord du Liban), la Bekaa (est du Liban) et Baalbek-Hermel (nord-est du Liban). »

Gavi routine childhood vaccinations for vulnerable children in Lebanon. Credit: IFRC
Vaccinations infantiles de routine de Gavi pour les enfants vulnérables au Liban.
Crédit : FICR

Stimuler la demande de vaccination

Parmi ces lieux vulnérables et surpeuplés figure un camp de réfugiés à Zahlé, dans le gouvernorat de la Bekaa, qui accueille principalement des réfugiés syriens, dont environ 200 enfants. Sur place, une équipe de la Croix-Rouge libanaise – composée d’un médecin directeur superviseur, d’une infirmière en chef, d’un spécialiste de la saisie des données, d’un chef d’équipe et de deux volontaires – œuvre pour réduire le risque d’épidémies évitables.

Dans ce camp, VaccinesWork a rencontré Rabea’a Al‑Hussein, mère de cinq enfants, qui vit ici depuis plus de dix ans, après avoir été contrainte de quitter son domicile en 2014.

Les plus jeunes de ses enfants ont été vaccinés par les équipes mobiles de la CRL, raconte‑t‑elle, et aujourd’hui, elle est fière de pouvoir, à son tour, contribuer à leurs efforts. Al‑Hussein circule entre la clinique et les tentes pour prévenir les autres mères de l’arrivée de l’équipe de vaccination et rassurer leurs enfants inquiets après que l’infirmière en chef leur a administré la précieuse injection. Ce qu’elle apprécie, explique‑t‑elle, ce n’est pas seulement l’acte médical en lui‑même, mais aussi l’attention que portent les équipes de la CRL à apaiser « les craintes des parents ».

À Fakiha, dans le district de Baalbek, à une trentaine de kilomètres plus au nord, une autre mère partage le même sentiment. Nermine Waleed Hussein est une citoyenne libanaise déplacée, mère de deux jeunes enfants. « Les séances de sensibilisation ont aidé des mères comme moi à comprendre à quel point les vaccins sont essentiels, » confie‑t‑elle à VaccinesWork. « Je suis attentivement les messages que nous recevons sur nos téléphones pour m’assurer que mes deux enfants sont vaccinés, et je suis reconnaissante pour tous les efforts humanitaires qui sont déployés. »

Le gouvernorat de Baalbek‑Hermel compte 150 abris. Certains sont de petite taille – comme le groupe de tentes au sommet d’une colline où vivent Batoul Jardo et Baneel Kazem Hammoud. D’autres sont plus grands. Au total, ces abris accueillent quelque 89 500 personnes déplacées. Les équipes sur place indiquent que les crises récentes ont provoqué l’apparition de certaines épidémies de rougeole et d’hépatite parmi cette population.

Gavi routine childhood vaccinations for vulnerable children in Lebanon. Credit: IFRC
Vaccinations infantiles de routine de Gavi pour les enfants vulnérables au Liban.
Crédit : FICR

Toutes deux sont des maladies évitables grâce à la vaccination, mais maîtriser la propagation rapide de ces agents pathogènes dans des populations aussi défavorisées n’est pas chose aisée. Malgré tout, la file d’enfants attendant leur injection est encourageante, et les infirmières affirment que la participation est toujours élevée ici.

Pour Hala Hasan Jardo, la mère de Batoul Jardo, la seule présence du personnel de terrain de la CRL est déjà une rare lueur d’espoir. « Nous avons fui Homs il y a cinq mois, » raconte‑t‑elle à VaccinesWork. « Personne ne nous a aidés, sauf la CRL, qui nous a apporté vaccins, médicaments, sensibilisation – des soins de santé. »
 


1 Plus précisément, avec la troisième dose du vaccin contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos, qui sert traditionnellement d’indicateur de référence pour la couverture vaccinale globale.