Vaccin pilote RTS,S : une réduction de 13 % de la mortalité alimente l’espoir d’un contrôle du paludisme

Quatre ans après que les premiers enfants ont reçu le premier vaccin antipaludique au monde dans le cadre des programmes de vaccination systématique, d’importantes questions sur l’impact réel du vaccin antipaludique RTS,S/AS01 trouvent des réponses.

  • 28 novembre 2023
  • 6 min de lecture
  • par David Holmes
Millicent, mère de 7 enfants, avec son dernier-né Brighton, chez elle dans la région de Nyandhiwa, dans le comté de Homabay, au Kenya. 4 octobre 2023. Gavi/2023/Kelvin Juma
Millicent, mère de 7 enfants, avec son dernier-né Brighton, chez elle dans la région de Nyandhiwa, dans le comté de Homabay, au Kenya. 4 octobre 2023. Gavi/2023/Kelvin Juma
 

 

Une réduction substantielle du nombre de décès, toutes causes confondues, chez les enfants éligibles à la vaccination, un profil solide en matière d’innocuité et une absence de réduction perceptible quant au recours à d’autres interventions antipaludiques, ne sont que quelques-uns des points importants évoqués lors de la présentation des nouveaux résultats du premier projet pilote de mise en œuvre à grande échelle du vaccin antipaludique RTS,S/AS01.

Les données issues de l’évaluation de l’introduction du vaccin antipaludique RTS,S/AS01 en phase pilote révèlent que le vaccin a réduit la mortalité, toutes causes confondues, de 13 % chez les enfants de la tranche d’âge éligible à la vaccination.

Les résultats indiquent que le RTS,S/AS01 et le vaccin antipaludique similaire, le R21/MatrixM, peuvent sauver « des dizaines de milliers de vies chaque année » s’ils sont déployés à grande échelle, déclare Mary Hamel, responsable à l’OMS du Programme de mise en œuvre de vaccins contre le paludisme (MVIP, pour Malaria Vaccine Implementation Programme), qui a coordonné le projet pilote mené par les pays au Ghana, au Kenya et au Malawi.

Les données issues de l’évaluation de l’introduction du vaccin antipaludique RTS,S/AS01 en phase pilote révèlent que le vaccin a réduit la mortalité, toutes causes confondues, de 13 % chez les enfants de la tranche d’âge éligible à la vaccination.

Fait notable, la réduction de la mortalité a été obtenue au cours d’une période d’intensification de la vaccination, et par conséquent à un taux de couverture vaccinale que l’on pourrait qualifier de modeste – environ 65 à 70 % des enfants éligibles (âgés de cinq mois ou plus au moment de la première dose) ont reçu trois doses de vaccin, et moins de 50 % ont reçu la quatrième et dernière dose.

« Vous pouvez imaginer ce qui pourrait se passer si nous obtenions une couverture de 80 ou 90 %, comme c’est le cas pour d’autres programmes de vaccination », déclare John Bawa, responsable de la mise en œuvre du vaccin antipaludique pour l’Afrique de l’Ouest chez PATH. John Bawa a présidé le symposium au cours duquel les résultats ont été présentés dans le cadre de la Réunion annuelle de la Société américaine de médecine tropicale et d’hygiène (ASTMH, pour American Society of Tropical Medicine and Hygiene) à Chicago, aux États-Unis. « Cela signifie que davantage d’enfants échapperont à la mort en Afrique », note John Bawa.

Et les bonnes nouvelles ne s’arrêtent pas là

Outre la réduction significative de la mortalité toutes causes confondues, le vaccin a également permis de réduire de 22 % le nombre d’hospitalisations pour les formes graves de paludisme chez les enfants éligibles au vaccin, ce qui représente non seulement une réduction sensible de la souffrance des enfants et de leurs familles, mais aussi des économies considérables pour le système de soins de santé », note Mary Hamel.

« Gavi a approuvé le soutien à 18 pays pour l’introduction du vaccin à partir de 2024, et au moins 28 pays en Afrique prévoient d’introduire le vaccin. »

– Stephen Sosler, Directeur des Programmes de vaccins pour Gavi, l’Alliance du vaccin

Les premières conclusions du MVIP ont permis à l’OMS de prendre la décision historique de recommander l’utilisation du vaccin RTS,S/AS01 en octobre 2021, et les toutes dernières données renforcent ces conclusions initiales. L’introduction du vaccin n’a pas eu d’impact négatif sur l’adoption d’autres vaccins de routine, l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide ou les comportements en matière de santé.

Et la surveillance de l’innocuité du vaccin a permis dans une large mesure de renforcer la confiance dans le vaccin. Le MVIP comprenait une évaluation rigoureuse de l’innocuité du vaccin afin d’évaluer les « signaux d’innocuité » détectés lors d’un précédent et vaste essai de Phase 3 du vaccin sur plusieurs sites, mais qui étaient considérés comme des événements fortuits. Deux ans après l’introduction des vaccins pilotes et après l’administration de plus de deux millions de doses de vaccins, il est apparu que ces premiers « signaux d’innocuité » n’étaient pas liés au vaccin.

Les nouvelles données, après l’administration de plus de six millions de doses, renforcent cette conclusion. La demande pour le vaccin était forte de la part du personnel de santé au sein de la communauté et des parents, mais « les inquiétudes concernant l’innocuité des vaccins antipaludiques auraient perduré sans ce projet pilote », note Mary Hamel.

« En plus de répondre aux questions concernant l’impact réel du vaccin RTS,S/AS01 sur la santé publique, le projet pilote MVIP a permis d’établir les bases de l’introduction d’autres vaccins futurs contre le paludisme, tels que le R21/MatrixM », a déclaré Mary Hamel. Les données du MVIP ont été prises en compte dans le processus d’examen qui a abouti, début octobre, à la décision largement saluée de l’OMS de recommander le vaccin R21/MatrixM pour la prévention du paludisme chez les enfants, ce qui en fait le deuxième vaccin contre le paludisme à avoir franchi cet obstacle crucial.

La mise en œuvre pilote du vaccin RTS,S/AS01, dont le montant s’élève à 70 millions de dollars US, et qui s’achèvera fin 2023, est financée par Gavi, le Fonds mondial et UNITAID, et est coordonnée par l’OMS en collaboration avec les ministères de la Santé des pays pilotes, PATH, GlaxoSmithKline, l’UNICEF et des partenaires en charge de l’évaluation basés en Afrique.

« Gavi a approuvé le soutien à 18 pays pour l’introduction du vaccin à partir de 2024, et au moins 28 pays en Afrique prévoient d’introduire le vaccin », indique Stephen Sosler, responsable des Programmes de vaccins pour Gavi, l’Alliance du Vaccin. « Par ailleurs, les projets pilotes du MVIP ont permis de tirer des enseignements importants pour les pays qui planifient l’introduction de leurs propres vaccins et nous confortent dans l’idée que les vaccins antipaludiques peuvent constituer un nouvel outil puissant et efficace dès lors qu’ils sont introduits parallèlement à d’autres mesures de contrôle existantes dans le cadre d’une lutte et d’une prévention globales contre le paludisme », note-t-il.

La voie vers la mise en œuvre

« Constatant la forte demande et le potentiel d’impact élevé de la mise en œuvre à grande échelle des vaccins antipaludiques, l’OMS a rationalisé les processus afin de garantir l’examen par des experts des données relatives au vaccin R21/MatrixM dès qu’elles sont disponibles, sans pour autant faire de compromis sur l’évaluation de l’innocuité ou de l’efficacité », indique Mary Hamel. La prochaine étape importante, à la suite de la recommandation de l’OMS, est l’achèvement du processus de préqualification de l’OMS en cours pour permettre l’achat du vaccin par Gavi et l’UNICEF à l’échelle internationale.

« Si les pays sont en mesure d’adopter rapidement les vaccins antipaludiques RTS,S ou R21 au cours des prochaines années, cela signifie que davantage d’enfants y auront accès et que davantage de vies seront sauvées. »

– John Bawa, Directeur de la mise en œuvre du vaccin antipaludique pour l’Afrique de l’Ouest chez PATH

Au niveau national, explique John Bawa, les pays et les autorités réglementaires nationales doivent mener à bien leurs propres processus d’approbation et d’enregistrement, sans parler des processus détaillés et complexes de planification et de préparation de la formation, de la sensibilisation, de la coordination et de l’infrastructure de la chaîne du froid qui doivent être mis en place avant qu’un vaccin ne puisse être déployé au sein des communautés.

« Ce n’est pas simple »

« Ce qui est important, c’est que ce n’est certes pas facile, mais c’est possible », déclare John Bawa. « Il y a eu beaucoup d’efforts concertés, beaucoup de renforcement des capacités dans les pays pilotes, et les pays qui adopteront les vaccins à l’avenir peuvent bénéficier des leçons tirées de l’introduction des vaccins dans les trois pays pour avoir le même type d’impact que celui que nous observons dans le projet pilote. »

Pour John Bawa, la lutte contre le paludisme est profondément personnelle, puisqu’il a perdu l’un de ses jeunes frères et sœurs à cause de la maladie lorsqu’il était enfant. « En Afrique, un enfant meurt du paludisme presque chaque minute », indique-t-il, et il appelle à un soutien supplémentaire pour que les pays puissent accélérer l’introduction de vaccins contre le paludisme tout en renforçant le recours aux mesures existantes.

« Cela coûte de l’argent, c’est indéniable », déclare Mary Hamel, mais les vaccins représentent « une opportunité importante » de relancer les efforts de lutte contre le paludisme après plusieurs années de stagnation.

« Si les pays sont en mesure d’adopter rapidement les vaccins antipaludiques RTS,S ou R21 au cours des prochaines années, cela signifie que davantage d’enfants y auront accès et que davantage de vies seront sauvées », conclut John Bawa.