Ambition et vaccination : comment éradiquer le choléra à l’horizon  2030

  • 12 octobre 2017
  • 5 min de lecture
Ambition and immunisation: how to end cholera by 2030
Ambition and immunisation: how to end cholera by 2030

Après le lancement la semaine dernière de l’initiative « Ending Cholera: a Global Roadmap to 2030 » (éradiquer le choléra : une feuille de route mondiale pour l’horizon 2030), nous avons échangé avec Allen Maina, cadre supérieur de la santé publique au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), sur les difficultés que rencontre la lutte contre le choléra parmi les populations déplacées et l’importance de cet appel mondial à l’action.

À quel point cet objectif d’éradiquer le choléra à l’horizon 2030 est-il ambitieux ? Selon vous, quels seront les principaux obstacles ?

Le sentiment actuel est que, à première vue, il s’agit d’un objectif ambitieux, mais réalisable parce qu’il existe une ferme volonté de mettre fin au choléra. L’impact est visible et les solutions pour l’éradication du choléra sont également connues. Les preuves sont très avancées et d’autres ont été rapidement publiées au cours de la dernière année. Je pense qu’avec ce genre d’élan, il est possible d’atteindre l’objectif d’éradication du choléra à l’horizon 2030. Toute personne capable de politiser le projet « Éradiquer le choléra » sera logée au rang des principaux obstacles du projet. Quand on le voit tel qu’il est (c’est-à-dire destiné à sauver des vies), je pense qu’il sera très réalisable. Le principal obstacle sera d’obtenir l’engagement politique nécessaire à sa mise en œuvre. 

Comment les déplacements dus aux conflits et aux catastrophes naturelles affecteront-ils l’incidence du choléra ?

Cela dépend de l’endroit où le déplacement se produit. Dans de nombreux pays d’Afrique, par exemple, et dans certains milieux asiatiques, l’endémicité du choléra constituerait une grave préoccupation. En parlant de l’exemple actuel, le Bangladesh, c’est principalement parce que les gens vivent dans des logements surpeuplés. Il est difficile de mettre en place des installations sanitaires appropriées dans des situations d’urgence complexes associées à de grands mouvements. Les normes d’urgence sont difficiles à atteindre, même en ce qui concerne de simples latrines. Par conséquent, la surpopulation et les mauvaises conditions d’assainissement à un stade aigu d’un déplacement sont des préoccupations majeures.

En quoi cela compliquera-t-il l’éradication du choléra ?

Quand on ne répond pas rapidement à une situation d’extrême urgence dans un contexte où le risque d’épidémie de choléra est élevé, celle-ci finit par se déclencher. Elle devient alors très difficile à contenir. La chose importante à garder à l’esprit est que le choléra doit être contrôlé, non seulement dans les camps de réfugiés, mais également dans les communautés hôtes. On ne peut pas simplement se concentrer sur un camp de réfugiés sans inclure sa communauté hôte et le district au sens large, y compris les marchés, où le choléra peut se propager.

Quel rôle joueront les vaccins dans l’atteinte de cet objectif ?

Les vaccins joueront un important rôle dans la réduction de la morbidité et de la mortalité liées au choléra. Il existe des preuves pour le démontrer. Quand on fait immédiatement vacciner la population dès le début d’une urgence comme mesure préventive, en cas d’épidémie de choléra, celle-ci est rapidement maîtrisée. C’est parce qu’on possède déjà une immunité collective, ce qui signifie que la plupart de la population est déjà protégée par le biais de la vaccination. Cela laisse suffisamment de temps pour mettre en place des installations adéquates d’approvisionnement en eau et d’assainissement et ainsi sensibiliser la communauté en matière d’hygiène. 

Par conséquent, le vaccin oral contre le choléra joue un rôle important et est facile à mettre en œuvre dans les situations d’urgence impliquant des réfugiés. Il est encore plus facile d’atteindre les gens quand ils sont installés dans un camp. S’ils vivent dans des villages, cela rend les choses plus difficiles, mais c’est toujours faisable – nous l’avons déjà fait auparavant.

Pouvez-vous nous donner un exemple ?

Je peux vous en donner deux : un dans lequel nous sommes intervenus pour prévenir une épidémie de choléra et un autre dans lequel nous avons utilisé le vaccin oral contre le choléra pour la contenir.

Tout d’abord, en 2014, un afflux de réfugiés provenant du Sud-Soudan s’est installé dans la région de Gambella en Éthiopie. À l’époque, aucun cas de choléra n’avait été signalé depuis des années à Gambella, mais nous savions que le choléra sévissait dans le Sud-Soudan. Avec l’aide de MSF, de l’OMS et du partenaire national de la santé (ARRA), nous avons pu plaider en faveur d’une vaccination des populations réfugiées et des communautés hôtes environnantes avec le vaccin oral contre le choléra. Si le choléra venait à se déclarer, il pourrait alors être maîtrisé – nous voulions nous assurer une certaine avance. Grâce à un bon plaidoyer conjoint avec des partenaires et des donateurs, nous avons pu faire approuver cette initiative et obtenir le soutien du ministère de la Santé. Nous l’avons mise en œuvre et aucun cas de choléra n’a été signalé pendant cette urgence extrême.

Le deuxième exemple a pour contexte la Tanzanie, où s’était déclarée une épidémie de choléra. Il s’agissait d’une situation d’urgence apparue en 2015, impliquant des réfugiés venant du Burundi, et aggravée par l’apparition d’une épidémie de choléra autour du lac Tanganyika. Cette dernière se répandait très vite. Nous avons mené une campagne de vaccination orale des réfugiés et des communautés environnantes contre le choléra. Le choléra a été maîtrisé en un mois. L’incidence a été réduite de façon spectaculaire et les décès ont diminué. 

Pourquoi pensez-vous qu’il n’y a jamais eu d’appel à l’action comme celui-ci ?

Voilà une bonne question. Je ne sais pas. Je pense que cela est davantage lié au fait que nous disposons désormais de solutions efficaces qui nous permettent de prendre de l’avance, en particulier le vaccin oral contre le choléra. Il constitue un élément supplémentaire déterminant pour la lutte contre le choléra. Cette année, nous disposons de toutes nouvelles preuves montrant l’impact considérable de la vaccination orale contre le choléra. Je pense que grâce à cet élan, on peut affirmer ce qui suit : « Salut, les gars, il est en fait possible de maîtriser le choléra. Lançons un appel mondial à l’action pour poursuivre sur cette lancée ». 


Pour en savoir plus sur les efforts de Gavi pour soutenir les vaccins oraux contre le choléra, cliquez ici ou consultez les informations relatives à la Feuille de route mondiale pour l’éradication du choléra à l’horizon 2030. En savoir plus sur le travail du HCR ici.