Au Malawi, frappé par une épidémie de rougeole, la vaccination progresse grâce à l’implication des parents

Dans une région particulièrement touchée, 93 % des enfants éligibles ont été vaccinés. Les soignants saluent la mobilisation des familles, convaincues que « les vaccins sauvent des vies ».

  • 1 juillet 2025
  • 4 min de lecture
  • par Charles Pensulo
Maganga avec les enfants de ses voisins ayant reçu le vaccin à Namame. Crédit : Charles Pensulo
Maganga avec les enfants de ses voisins ayant reçu le vaccin à Namame. Crédit : Charles Pensulo
 

 

Lorsque le ministère de la Santé du Malawi a récemment lancé un appel invitant les parents d’enfants âgés de neuf mois à neuf ans à faire vacciner leurs enfants contre la rougeole, Heart Chateka a immédiatement saisi l’urgence de la situation. Lorsque la couverture vaccinale passe sous le seuil nécessaire à la protection collective, la rougeole peut se propager plus rapidement que n’importe quel autre virus connu chez l’humain. Un tel appel traduisait un risque épidémique sérieux.

Chateka, qui est nutritionniste, a pris un court congé et a parcouru 35 kilomètres depuis Bvumbwe, dans le district de Thyolo, jusqu’au centre de santé de Limbe, à Blantyre, pour s’assurer que son fils de trois ans reçoive le vaccin combiné contre la rougeole et la rubéole.

« J’ai compris qu’il est essentiel pour lui de recevoir le vaccin contre la rougeole — sans quoi il pourrait tomber malade », a-t-il déclaré en serrant tendrement son fils dans les bras, juste après la vaccination. « Nous vivons dans une culture où le recours aux soins pour les enfants est souvent laissé aux femmes. Il est grand temps que des hommes comme moi prennent aussi leurs responsabilités », a-t-il confié à VaccinesWork.

Lizzie Banda and her colleagues at Namame where they were delivering the vaccine. Credit: Charles Pensulo
Lizzie Banda et ses collègues à Namame, où ils administraient le vaccin.
Crédit : Charles Pensulo

Maîtriser une épidémie

La campagne s’est déroulée pendant la semaine du 6 juin 2025 dans six districts du pays touchés par une épidémie prolongée de rougeole : depuis le début de la flambée, le 18 octobre 2024, 653 cas confirmés et un décès avaient été enregistrés.

En plus du vaccin contre la rougeole et la rubéole, les enfants recevaient un supplément de vitamine A, un nutriment essentiel qui aide l’organisme à se défendre contre les formes graves de la maladie. Dans tous les centres de santé concernés — y compris celui de Limbe — mais aussi dans les écoles, les marchés et jusqu’au pas des portes, les équipes de santé ont redoublé d’efforts pour atteindre chaque enfant éligible.

« Parallèlement à la campagne, le ministère va également intensifier la sensibilisation des communautés à l’importance de la vaccination de routine pour tous les enfants », indiquait un communiqué du Dr Samson Mndolo, secrétaire à la Santé.

Lizzie Banda, assistante en surveillance sanitaire, a déclaré avoir atteint pas moins de 880 enfants sur un site de vaccination temporaire qu’elle et ses collègues avaient installé en face de l’école primaire de Namane, à une trentaine de minutes à pied du centre de santé de Limbe.

« Puisque des cas ont déjà été identifiés, la seule façon de limiter la propagation est de vacciner ceux qui ne sont pas encore infectés et de traiter ceux qui le sont », a-t-elle expliqué.

Rex Tsamikuta, Environmental Health Officer for Limbe. Credit: Charles Pensulo
Rex Tsamikuta, agent de santé environnementale à Limbe.
Crédit : Charles Pensulo

« Les vaccins sauvent des vies »

Sarah Mukuthe, mère de deux enfants, raconte que l’un d’eux a contracté la rougeole pendant l’épidémie. Elle est désormais déterminée à s’assurer qu’ils soient tous deux protégés. Sa voisine, Naomi Maganga, explique quant à elle que ses enfants, aujourd’hui âgés de 21 et 10 ans, avaient reçu l’ensemble des vaccins contre la rougeole dès leurs premières années, conformément au calendrier vaccinal, et qu’elle se sent confiante quant à leur capacité à résister à la contagion.

Chrissy Banda, responsable de la promotion de la santé au sein du conseil de district de Blantyre, indique que le district a atteint 93 % de son objectif de vaccination, fixé à 433 309 enfants. Elle se dit frappée par le fait que les parents et les aidants semblent comprendre « que les vaccins sauvent des vies ».

« Au Malawi, nous avons un calendrier de vaccination pour les enfants de moins de cinq ans, les filles, et même les adultes. Nous avons des vaccins de routine qui doivent être administrés à des âges précis… Il est donc très important de renforcer l’immunité des enfants », a déclaré Banda lors d’un entretien.

Victor Mithi, président de la Société des médecins du Malawi, a souligné que le système de santé du pays comportait des fragilités — ce qui rend la prévention d’autant plus cruciale. « Notre principal atout est de pouvoir contenir les maladies et empêcher leur propagation dans le pays », a-t-il déclaré. « C’est pourquoi la vaccination de routine est essentielle pour réduire la charge de la maladie, voire l’éliminer totalement au Malawi. »

Se mobiliser pour stopper la transmission du virus

Charles Shey, responsable des maladies évitables par la vaccination au bureau régional de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’Afrique, affirme que le vaccin contre la rougeole est sûr, efficace et capable d’interrompre la transmission du virus si 95 % des enfants reçoivent deux doses. En mai 2025, selon lui, 88 pays dans le monde avaient éliminé la transmission de la rougeole grâce à ce vaccin.

« Dans la région africaine, de nombreux pays présentent une couverture vaccinale contre la rougeole insuffisante dans le cadre de la vaccination infantile de routine. Pour combler ces lacunes en immunité, l’OMS recommande donc la mise en œuvre de campagnes de vaccination massives périodiques, visant à atteindre les enfants non vaccinés », a-t-il expliqué. Entre 2000 et 2023, on estime que 21 millions de décès liés à la rougeole ont été évités grâce à ces efforts de vaccination à travers la région.

« En réponse aux flambées épidémiques, des campagnes de vaccination réactives sont organisées de manière ciblée pour limiter la circulation du virus de la rougeole, qui a tendance à se propager plus rapidement et plus largement que notre capacité à le contenir. Les campagnes préventives bien préparées et bien financées sont généralement très rentables pour protéger les populations vulnérables, contrairement aux campagnes réactives précipitées, qui n’atteignent souvent pas le niveau de couverture nécessaire pour interrompre complètement la transmission », a-t-il ajouté.