Comment la vaccination a presque éliminé l’hépatite B chez les enfants en Ouzbékistan

Depuis l’introduction du vaccin contre l’hépatite B en 2001, le pays enregistre aujourd’hui l’un des taux d’infection infantile les plus faibles de la région.

  • 3 juillet 2025
  • 4 min de lecture
  • par Linda Geddes
Dans un hôpital en Ouzbékistan, un médecin tient un bébé dans ses bras pendant que la mère, allongée sur son lit, les regarde. Crédit : Gavi/2013/Thomas Kelly
Dans un hôpital en Ouzbékistan, un médecin tient un bébé dans ses bras pendant que la mère, allongée sur son lit, les regarde. Crédit : Gavi/2013/Thomas Kelly
 

 

En 2001, peu de gens auraient parié que l’Ouzbékistan deviendrait un modèle régional pour l’élimination de l’hépatite B chez les enfants. À l’époque, le pays faisait face à des taux d’infection élevés et à un système de santé fragmenté. Pourtant, un peu plus de vingt ans plus tard, une enquête nationale révèle que la prévalence du virus de l’hépatite B chez les enfants ouzbeks est tombée à seulement 0,2 % — atteignant non seulement l’objectif fixé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour le contrôle de l’hépatite B, mais plaçant également l’Ouzbékistan parmi les neuf seuls pays de la région européenne à avoir atteint ce jalon.

Un virus furtif

L’hépatite B est une infection du foie causée par le virus de l’hépatite B. Certaines personnes ne présentent que des symptômes légers pendant quelques semaines ; d’autres ne ressentent rien du tout et guérissent sans séquelles. Mais une minorité peut tomber gravement malade et mourir peu après l’infection.

Il existe également un risque de développer une infection chronique, à vie, qui peut évoluer silencieusement pendant des années vers une insuffisance hépatique ou un cancer du foie. Ce risque est particulièrement élevé chez les nourrissons, dont le système immunitaire, encore immature, peine à reconnaître et à combattre efficacement le virus.

Heureusement, trois doses de vaccin contre l’hépatite B offrent une protection de 98 à 100 %, qui dure au moins vingt ans — et probablement toute la vie. C’est pourquoi l’OMS recommande d’administrer le vaccin à tous les nouveau-nés dès que possible après la naissance, idéalement dans les 24 heures, puis deux ou trois doses supplémentaires espacées d’au moins quatre semaines.

L’Ouzbékistan a introduit la vaccination systématique contre l’hépatite B en octobre 2001, avec un financement de 4,5 millions de dollars de Gavi jusqu’à fin 2008. Le programme proposait une première dose à la naissance avec un vaccin monovalent, suivie de deux doses supplémentaires.

En 2009, le pays est passé au vaccin pentavalent — qui protège contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et l’Haemophilus influenzae de type B — tout en maintenant la dose de naissance avec le vaccin monovalent contre l’hépatite B. Cette approche élargie a été soutenue par 32 millions de dollars supplémentaires de Gavi au cours de la décennie suivante.

Depuis 2002, la couverture vaccinale contre l’hépatite B reste élevée, généralement au-dessus de 95 %. Pourtant, jusqu’à récemment, l’impact de la vaccination et les progrès vers les objectifs régionaux et mondiaux d’élimination de l’hépatite B n’avaient pas encore été évalués.

Infections chroniques

Pour évaluer la situation, la Dre Nino Khetsuriani, des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) aux États-Unis, ainsi qu’une équipe de chercheurs basés en Ouzbékistan ont mené une enquête transversale à l’échelle nationale. Ils ont mesuré un marqueur clé des infections chroniques, appelé antigène de surface de l’hépatite B (HBsAg), chez les enfants.

En 2022, ils ont prélevé des échantillons sanguins auprès de 3 753 enfants, tout en vérifiant leur carnet de vaccination pour connaître le nombre de doses de vaccin contre l’hépatite B reçues.

L’étude, publiée dans la revue Vaccine, a révélé que seulement 0,2 % des enfants du CP au CE2 (équivalents des classes en France) étaient porteurs de cet antigène — bien en dessous du seuil de 0,5 % fixé par la cible régionale européenne de l’OMS. Cela démontre, selon Khetsuriani et ses collègues, « l’impact profond de plus de vingt années de vaccination systématique réussie contre l’hépatite B en Ouzbékistan ».

« Avec une couverture vaccinale élevée maintenue dans la durée, la prévalence globale dans la population générale d’Ouzbékistan continuera probablement de diminuer à mesure que les générations vaccinées atteignent l’âge adulte. Le fardeau de l’hépatite B se concentrera de plus en plus sur les groupes d’âge nés avant l’introduction du vaccin », ajoutent-ils.

Un modèle de vaccination

L’Ouzbékistan est sorti complètement du soutien principal de Gavi en 2022. Son programme national de vaccination est désormais considéré par de nombreux experts comme l’un des plus efficaces de la région : 99 % des enfants reçoivent une troisième dose de vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche — un bon indicateur de la couverture vaccinale de routine dans son ensemble.

Jan-Christopher Castilhos França, responsable principal des pays à revenu intermédiaire chez Gavi, déclare :

« L’Ouzbékistan est aujourd’hui un modèle d’excellence en matière de vaccination après avoir quitté le soutien de Gavi. En finançant entièrement son programme national, le pays fait preuve d’un engagement sans faille et de résultats remarquables, établissant une norme élevée pour les pays actuellement ou anciennement soutenus par Gavi. »

« Un audit mené par Gavi fin 2024 a confirmé la solidité du système vaccinal ouzbek, saluant le dévouement des professionnels de santé nationaux et l’efficacité impressionnante du programme, y compris face à des ressources limitées. »

Objectif d’élimination

Si le programme de vaccination de l’Ouzbékistan a permis de poser des bases solides pour éliminer la maladie, les progrès dans d’autres domaines — tels que le dépistage à grande échelle, l’accès aux traitements antiviraux, et le renforcement de la prévention et du contrôle des infections dans les établissements de santé — ont été plus lents, en raison de ressources limitées.

En 2017, toutefois, le gouvernement a fait de l’hépatite virale une priorité nationale de santé publique, et a fixé l’année suivante des objectifs concrets en matière de prévention et de traitement. Depuis, un programme pilote à Tachkent a expérimenté une approche simplifiée de dépistage et de traitement. En 2022, les autorités ont annoncé des plans ambitieux : dépister jusqu’à un million de personnes par an pour les hépatites B et C, créer un registre électronique national des maladies chroniques du foie, et proposer la vaccination contre l’hépatite B aux professionnels de santé exposés au sang.

« La finalisation du plan stratégique national pour l’élimination des hépatites virales, actuellement en cours d’élaboration, permettra d’identifier des approches innovantes et de garantir la poursuite de l’élargissement de ces efforts à l’échelle du pays », concluent Khetsuriani et ses collègues.