L’épidémie de choléra en Angola a fait des centaines de morts – mais grâce aux vaccins, le pays riposte

La pire épidémie de choléra depuis une génération a rassemblé une coalition composée de médecins, de responsables de la santé, de partenaires internationaux et de jeunes survivants devenus militants.

  • 21 mars 2025
  • 6 min de lecture
  • par Gaspar Micolo
Les autorités sanitaires angolaises avec des représentants locaux de l’OMS. Crédit : OMS
Les autorités sanitaires angolaises avec des représentants locaux de l’OMS. Crédit : OMS
 

 

Début janvier de cette année, la tragédie a frappé la famille de Joaquim Nando. Résident du quartier Paraíso, dans la banlieue de Cacuaco à Luanda, ce jeune homme de 25 ans a vu ses neveux tomber gravement malades du choléra.

De violents vomissements et diarrhées ont conduit à la mort des enfants – une perte brutale que de nombreuses familles de cette région du pays ont également subie depuis la réapparition du choléra début janvier.

Nando lui-même a contracté la maladie après avoir été en contact avec ses neveux malades, au point de devoir être hospitalisé. Il a survécu grâce au traitement, mais a quitté l’hôpital avec la douloureuse prémonition que d’autres vies seraient encore perdues avant que l’épidémie ne soit maîtrisée.

Il n’a pas fallu longtemps pour que la situation s’aggrave. Ce qui avait commencé à Cacuaco, une zone de la capitale angolaise souffrant de graves carences en assainissement, s’est désormais étendu à 13 des 21 provinces du pays.

Entre le début de l’épidémie et le 11 mars, 6 651 cas ont été enregistrés à l’échelle nationale, dont 240 décès. La province de Luanda à elle seule représente plus de la moitié des cas recensés, avec un total de 3 477 cas.

L’Angola contre-attaque

Face à la résurgence de la maladie, l’Angola a décidé de réactiver sa commission multisectorielle nationale, chargée de piloter le plan de contingence national pour répondre à l’épidémie.

Les mesures prises, en coordination avec d’autres institutions, incluent la désinfection des zones contaminées, l’identification et le traçage des contacts des patients atteints de choléra, ainsi que des enquêtes épidémiologiques et des analyses en laboratoire pour confirmer les cas suspects. Avec le soutien de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les autorités sanitaires renforcent la surveillance de la maladie et les activités de réponse dans les zones à haut risque situées le long des frontières avec la Zambie et la République démocratique du Congo.

La directrice nationale de la santé publique, Dr Helga Freitas, a assuré le public que plusieurs ministères, partenaires et communautés locales sont impliqués dans les efforts de lutte contre le choléra. Plusieurs centres de traitement du choléra (CTC) ont été ouverts dans différents quartiers de Luanda et dans d'autres provinces. Ces centres représentent une ligne de défense essentielle pour garantir que les personnes infectées reçoivent un traitement d’urgence au plus près de chez elles.

Équipés de solutions de réhydratation orale, de médicaments essentiels et de matériel médical adéquat, les CTC ont été installés de manière stratégique dans les zones les plus touchées, notamment à Cacuaco, afin de réduire la mortalité et de faciliter l’accès rapide aux soins.

One of the Cholera Treatment Centers (CTC) in Luanda. Credit: Ministry of Health, Angola
L’un des centres de traitement du choléra (CTC) à Luanda.
Crédit : Ministère de la Santé, Angola

Les vaccins arrivent en première ligne

Aníbal Kambundu est médecin dans l’un des trois centres répartis à travers Luanda. Il explique que, plusieurs mois après le début de l’épidémie, de nombreux patients arrivent encore à l’hôpital dans un état critique. « Chaque patient qui guérit est une victoire, mais nous savons qu’il reste encore beaucoup à faire. La prévention est aussi cruciale que le traitement », souligne-t-il, en ajoutant que l’assainissement de base demeure l’un des grands défis de l’Angola.

« Des initiatives telles que les campagnes de sensibilisation, la distribution de kits d’hygiène et la chloration des sources d’eau montrent l’engagement du gouvernement à lutter contre la maladie, en impliquant directement les communautés locales dans ce processus essentiel », commente Kambundu.

La campagne de vaccination a débuté le 3 février à Cacuaco, berceau et épicentre de l’épidémie. En seulement quelques jours, cette initiative lancée par le gouvernement angolais, avec le soutien de l’OMS, de l’UNICEF, de Gavi et de la Banque mondiale, a permis de vacciner et de protéger plus de 940 000 personnes. Les vaccins provenaient du stock financé par Gavi. Toutefois, en tant que pays à revenu intermédiaire, l’Angola est responsable du remboursement de la valeur des vaccins.

Les bénéficiaires incluaient les habitants des zones les plus touchées ainsi que les professionnels de santé en première ligne dans la lutte contre la maladie. Le vaccin utilisé, l’Euvichol-S, est administré par voie orale et peut être donné en une seule dose à toutes les personnes âgées d’un an et plus.

Le spécialiste de santé publique Jeremias Agostinho a déclaré à VaccinesWork : « [La campagne de vaccination] était la mesure la plus appropriée pour contenir l’épidémie à court terme. Autrement dit, pour freiner l’augmentation du nombre de cas et des décès. Nous observons un grand nombre de morts au quotidien : entre cinq et six décès en moyenne par jour. C’est un chiffre élevé. »

Il ajoute qu’il faudra davantage de vaccins – notamment pour les autres provinces où les cas commencent à augmenter. Si l’épidémie n’est pas maîtrisée, il existe un risque qu’elle franchisse les frontières vers les pays voisins. « La transmission ralentit grâce à la vaccination, mais le risque d’une recrudescence dans d’autres provinces demeure. »

Il souligne enfin que le problème de fond persiste : le manque d’assainissement de base.

La mortalité commence à reculer

Fin février, la Dre Freitas a révélé que le taux de létalité – c’est-à-dire la proportion de décès par rapport au nombre total de cas – était passé de 9 % à 4 %. Un recul significatif, mais le chiffre reste bien supérieur au seuil de référence de moins de 1 % recommandé par l’OMS, un objectif jugé atteignable avec un traitement rapide et approprié.

La Dre Freitas attribue cette diminution du nombre de décès au travail mené par le ministère de la Santé et ses partenaires. Elle souligne notamment la mise en place de centres de traitement du choléra, la vaccination, la distribution de matériel d’hygiène et d’eau potable, ainsi que la formation d’agents communautaires.

À Cacuaco, un survivant devenu militant

Joaquim Nando, l’un des premiers à avoir subi les conséquences de cette épidémie, est aujourd’hui devenu un militant engagé contre la maladie au sein de sa communauté. À Cacuaco, il s’est joint à ses amis Paulo Gomes, 23 ans, et Jovito Leonel, 25 ans, pour distribuer des affiches et du matériel de sensibilisation.

« L’assainissement de base est essentiel et urgent, mais je pense que ces actions de sensibilisation aident à garantir le respect des mesures de protection dont nous avons toujours besoin », explique Leonel, qui s’est engagé dans cette cause depuis que son ami a survécu à la maladie.

Gomes, quant à lui, affirme que la maladie a eu un impact majeur sur la municipalité de Cacuaco, soulignant la souffrance de nombreuses familles ayant perdu des proches. Lors de la campagne de vaccination, il a été l’un des premiers à montrer l’exemple dans sa communauté. « L’implication de la communauté est essentielle pour le succès de la campagne. Chaque personne vaccinée contribue à protéger la communauté, à freiner la propagation de la maladie et à sauver des vies », explique ce jeune diplômé en soins infirmiers.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Angola a été confronté à de nombreuses épidémies de choléra tout au long de son histoire. Après une période sans épidémie entre 1995 et 2000, le pays a connu une flambée importante en 2011, avec 2 284 cas et 181 décès, puis une autre en 2013, encore plus étendue, avec plus de 5 600 cas et 190 décès. La dernière épidémie, survenue entre 2016 et 2017, a touché les provinces de Cabinda, Luanda et Zaire, avec un total de 252 cas et 11 décès.

Alors que la maladie connaît un regain au niveau mondial, l’épidémie actuelle en Angola surpasse de loin celles dont les populations se souviennent.