Comment le vaccin contre la mpox a transformé les vies – et les esprits – à Kinshasa

Dans une capitale durement touchée, personne ne veut revivre l’angoisse du pire moment de l’épidémie.

  • 14 novembre 2025
  • 4 min de lecture
  • par Yanne Mbiyavanga
L’infirmier en chef Adelon Kweyinatabia discute avec un patient lors d’une consultation au centre de santé communautaire de Kinkenda, dans la zone de santé de Mbinza Météo, commune de Ngaliema, à Kinshasa. Crédit : Yanne Mbiyavanga
L’infirmier en chef Adelon Kweyinatabia discute avec un patient lors d’une consultation au centre de santé communautaire de Kinkenda, dans la zone de santé de Mbinza Météo, commune de Ngaliema, à Kinshasa. Crédit : Yanne Mbiyavanga
 

 

À Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, les souvenirs du pic de l’épidémie de mpox restent vifs. Dans certains quartiers, on se rappelle les cris, les visages marqués et les longues journées de peur.

Aujourd’hui, la situation s’est apaisée : les cas ont diminué et la vie a repris son rythme. Mais dans les centres de santé, les équipes poursuivent une mission essentielle, en administrant des doses du vaccin pour protéger les personnes les plus exposées.

« Je suis vaccinateur depuis plus de cinq ans, mais c’était la première fois que je travaillais sur une campagne contre la mpox », raconte Adelon Kweyinatabia Mondo, infirmier en chef de l’aire de santé Kinkenda/Camp Luka, dans la commune de Ngaliema à Kinshasa. La maladie s’est propagée suffisamment vite pour devenir sa propre campagne de sensibilisation, explique-t-il. « Malgré l’absence de mégaphones, de piles, et parfois même de vaccins, les gens ont accepté l’injection parce qu’ils avaient vu la maladie de leurs propres yeux. »

Une année de vaccination

Lancée le 14 novembre 2024, la campagne de vaccination contre la mpox, coordonnée par le Programme élargi de vaccination (PEV) avec le soutien du ministère de la Santé, de l’OMS, de Gavi, l’Alliance du Vaccin, de MSF et de l’UNICEF, a marqué une étape décisive dans la lutte contre la maladie.

Le vaccin, administré en une seule dose, ciblait trois groupes prioritaires : les contacts des cas confirmés, les agents de santé en première ligne et les communautés les plus à risque d’exposition.

Selon le PEV, plus de 454 000 personnes ont été vaccinées à Kinshasa.

Pour atteindre ce résultat, une large alliance a été nécessaire, incluant Gavi, qui a à la fois fourni les doses et financé les coûts liés à leur administration. Mais au final, la réussite a reposé sur la volonté de la population de se mobiliser.

La participation a été forte, malgré les rumeurs circulant autour du vaccin. « Ce qui a fait la différence, c’est la sensibilisation et le fait que les gens avaient vécu la maladie », souligne Adelon.

Aujourd’hui, la vaccination se poursuit, ciblant les zones et groupes les plus à risque, y compris les agents de santé, afin de consolider les progrès réalisés lors de la première phase. Les chiffres racontent une histoire encourageante, avec une baisse annoncée du nombre de cas.

De la peur à la confiance

Lorsque la mpox a frappé Kinshasa, Djack Efomi, un jeune entrepreneur, n’aurait jamais imaginé faire partie des patients. Il participait à une retraite dans une église évangélique locale lorsqu’il est tombé malade.

« J’étais dans la présence de Dieu… Puis quelqu’un m’a dit : “Regarde ton visage, il y a des boutons.” C’est là que j’ai compris que ce n’était pas juste une fièvre », se souvient-il.

Isolé pendant des semaines dans une structure de santé débordée, il se rappelle des conditions difficiles – le manque d’eau, de nourriture, et la peur constante de mourir.

« Chaque nuit, des gens mouraient. Vous dormiez à côté de quelqu’un, et le matin, il n’était plus là. Être en vie est une grâce », dit-il doucement. Entre 2024 et 2025, un total suspecté de 2 092 personnes sont mortes de la mpox en RDC, selon les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies.

Comme beaucoup de survivants, Djack a fait face à la stigmatisation après sa guérison. C’est une épreuve qu’il préfère ne jamais revivre. « Si ce vaccin peut éviter à quelqu’un de traverser ce que j’ai vécu, alors il doit le prendre. »

Promotional banner for the Public Health Bulletin DRC displayed at the entrance of the National Institute of Public Health (INSP) in Kinshasa. Credit: Yanne Mbiyavanga.
Bannière promotionnelle du Bulletin de santé publique de la RDC, affichée à l’entrée de l’Institut national de santé publique (INSP) à Kinshasa. Crédit : Yanne Mbiyavanga.

« Les gens ont vu le danger »

Partout dans la capitale, ce regain de confiance dans la vaccination – et pas seulement dans le vaccin mpox – devient visible dans les communautés.

« Les gens ont vu le danger, ils ont vu la maladie », explique un agent de santé du centre de santé La Croyance, à Mont-Ngafula. Ils ont aussi vu la différence qu’a fait le vaccin. « Même si notre clinique n’a administré que le vaccin contre le choléra, les gens écoutent désormais, ils se présentent, et les habitudes d’hygiène se sont améliororées. »

Le travail communautaire et les médias ont joué un rôle clé dans ce changement de perception, ajoute l’agent. Les habitants ne veulent plus revivre la peur de 2024.

Des accrocs logistiques

Pourtant, les équipes sur le terrain n’ont pas eu la tâche facile. Pénuries de vaccins, absence d’outils de communication, voire de piles pour les mégaphones – autant de détails qui ont ralenti les opérations, sans toutefois parvenir à faire dérailler la campagne.

« Comme le vaccin s’administre par injection, il nécessite une stratégie fixe et bien organisée », explique le vaccinateur Adelon Kweyinatabia Mondo. « Mais malgré tout, les gens se sont présentés. Ils voulaient être protégés. »

Ces difficultés ont mis en lumière un enjeu plus profond : la nécessité d’une coordination et d’un suivi durables. La stratégie actuelle, axée sur les doses de rappel et la protection du personnel soignant, traduit une évolution vers une réponse plus pérenne.

Selon le PEV, ces efforts visent à consolider les progrès et à éviter une résurgence. Les acteurs humanitaires, eux, insistent sur l’importance de maintenir la communication communautaire pour préserver la confiance et la vigilance. « Ce qui a changé, c’est la perception », résume un responsable du PEV. « Avant, les gens doutaient. Aujourd’hui, ils comprennent que la prévention sauve des vies. »

Une résilience silencieuse

« Ce que j’ai traversé, je ne peux pas tout raconter », confie Djack, la voix posée. À Kinshasa, la  mpox a laissé des cicatrices sur les esprits autant que sur les corps.

Pourtant, l’espoir s’est lentement reconstruit. Les agents de santé poursuivent leur mission, discrètement mais sûrement, tandis que les habitants, autrefois sceptiques, reconnaissent de plus en plus la valeur de la vaccination.

Au-delà des chiffres, la campagne de vaccination contre le mpox est devenue un symbole de résilience collective – et la preuve de la force d’un peuple qui, malgré les épreuves et la peur, choisit la vie.