Au Lesotho, la vaccination devient accessible en braille

Les parents malvoyants peuvent enfin prendre des décisions éclairées, en toute autonomie.

  • 4 décembre 2025
  • 7 min de lecture
  • par Pascalinah Kabi
À Quthing, plus de 200 enfants ont reçu le vaccin ROR lors du lancement de la campagne menée par la vice-Première ministre, Justice Nthomeng Majara. Crédit : Limpho Sello.
À Quthing, plus de 200 enfants ont reçu le vaccin ROR lors du lancement de la campagne menée par la vice-Première ministre, Justice Nthomeng Majara. Crédit : Limpho Sello.
 

 

En bref

  • Pour la première fois, le système de vaccination du Lesotho met à disposition des brochures d’information en braille
  • « Nous voulions que chacun puisse avoir accès à l’information… Que chaque personne puisse prendre des décisions éclairées fondées sur des faits », explique Tsepiso Mechele, responsable du Programme Élargi de Vaccination au ministère de la Santé
  • Des parents malvoyants saluent l’initiative et appellent à l’étendre à d’autres domaines de la santé

Lorsque Tlhokomelo Hlahla, 23 ans, mère lesothane malvoyante, est arrivée au centre de santé Qoaling Filter, aux portes du centre-ville de Maseru, son objectif était clair : « Je veux que mon enfant ait une bonne vue, car j’espère qu’un jour, il pourra m’aider, puisque je ne vois pas », confie-t-elle.

Son fils de dix mois fait partie des 110 733 enfants de moins de cinq ans ayant reçu, lors de la campagne nationale de vaccination contre la rougeole et la rubéole organisée du 20 au 24 octobre 2025, le vaccin contre la rougeole et la rubéole (RR), des gouttes contre la polio, des comprimés d’albendazole pour prévenir les vers intestinaux, ainsi que de la vitamine A pour favoriser une vision saine. Des campagnes comme celle du Lesotho ont sauvé la vue de milliers d’enfants chaque année : il y a à peine vingt ans, la rougeole associée à une carence en vitamine A était l’une des principales causes de cécité chez les enfants dans les pays à faible revenu.

Cette année toutefois, et pour la première fois dans l’histoire du pays, le Lesotho a pris des mesures pour inclure les parents malvoyants en distribuant des messages en braille avant la campagne. Hlahla salue l’initiative et y voit une avancée majeure.

Informés et autonomes

« Avoir des documents en braille est essentiel : lorsque vous dépendez de quelqu’un pour lire à votre place, la lecture peut ne pas être suffisamment claire pour que vous compreniez aussi bien que si vous la faisiez vous-même. Le braille nous aide à mieux comprendre et de manière plus autonome », confie Hlahla à VaccinesWork dans une récente interview.

Une porte-parole de l’UNICEF Lesotho explique que la mise à disposition de supports éducatifs en braille a permis de veiller à ce que « les enfants, les personnes qui en prennent soin et les communautés malvoyantes ne soient pas exclues des informations essentielles de la campagne RR ».

L’organisation ajoute que les personnes malvoyantes du pays rencontrent souvent des difficultés pour obtenir de l’information fiable en matière de santé, car les supports sont rarement produits dans un format accessible.

« Elles dépendent souvent de récits de seconde main, qui peuvent être incomplets ou inexacts, ce qui rend leur participation aux campagnes de vaccination plus difficile. En proposant des supports accessibles, la campagne a permis à chacun de prendre des décisions éclairées et d’accéder aux services de vaccination RR, qui sauvent des vies », expliquent les porte-paroles de l’UNICEF Lesotho dans un courriel.

Keketso Mangope, représentante de la Ligue nationale des personnes malvoyantes du Lesotho (LNLVIP), souligne que cette initiative est particulièrement utile pour les mères avec un handicap visuel, qui ont besoin d’informations fiables sur la vaccination RR pour leurs enfants.

« Le fait que le ministère de la Santé veille à la distribution de supports éducatifs dans des formats accessibles, notamment en braille et en audio, a beaucoup aidé.

« Pendant longtemps, l’accès à l’information a été un défi majeur pour les personnes présentant un handicap visuel. L’accès à l’information est un droit inscrit dans des textes de loi tels que la Loi sur l’équité des personnes handicapées et la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, à son article 9. L’inclusion de supports en braille et en audio vise à garantir que les personnes handicapées — en particulier celles ayant une déficience visuelle — soient atteintes, où qu’elles se trouvent », explique Mangope.

Mangope précise que les documents en braille contenaient des informations sur les signes de la rougeole et de la rubéole, les démarches à suivre si un enfant présente des symptômes, ainsi que les structures de santé à contacter pour obtenir de l’aide.

Cette initiative représente non seulement une avancée concrète pour les services de santé, mais aussi un changement dont les défenseurs des droits des personnes handicapées peuvent être fiers, ajoute Mangope. « C’est un réel succès, car auparavant, il n’y avait aucune mesure de ce type. Notre plaidoyer soutenu nous a conduits jusqu’ici, et cela démontre la volonté du ministère de la Santé d’inclure les personnes malvoyantes et de leur garantir un accès aisé à l’information en matière de santé », dit-elle.

L’inclusion, concrètement

Tsepiso Mechele, responsable du Programme élargi de vaccination (PEV) au ministère de la Santé, a indiqué à VaccinesWork que 400 documents d’information en braille avaient été imprimés en amont de la campagne contre la rougeole et la rubéole (RR).

Infirmière Lisebo Maropo, Qoaling Filter Clinic. Photo : Limpho Sello
Lisebo Maropo, infirmière, Qoaling Filter Clinic. Photo : Limpho Sello

« Nous voulions que chacun ait accès à l’information ; nous ne voulions laisser personne de côté. Ce n’est pas parce qu’une personne a un handicap visuel qu’elle doit être exclue de l’accès à l’information. Nous voulons que chaque individu puisse prendre des décisions éclairées, fondées sur des faits », déclare-t-elle.

Mechele ajoute que l’objectif était de permettre aux parents malvoyants d’obtenir directement une information fiable. « Nous ne voulions pas qu’ils en entendent parler par d’autres. Ce sont les parents qui décident au nom de leurs enfants de participer à cette campagne. Parfois, un interprète peut se tromper, mais lorsque tout le monde reçoit directement l’information, rien ne se perd en route », explique-t-elle.

Elle précise qu’aucune difficulté majeure n’a été rencontrée lors de l’élaboration des messages, car le ministère a travaillé avec des spécialistes de la communication en braille. Toutefois, elle souligne que la production de supports d’information, d’éducation et de communication (IEC) en braille est plus coûteuse que dans d’autres formats. « Nous avons dû faire appel à des experts en braille, alors que les autres supports coûtent moins cher », note-t-elle.

Interrogée sur le nombre d’enfants ciblés par cette initiative, Mechele indique qu’aucune donnée spécifique n’a été compilée. « Comme il s’agit d’une nouvelle initiative, nous pensons qu’à l’avenir, nous serons en mesure de recueillir ces données et de mesurer combien de parents malvoyants ont reçu des supports en braille », dit-elle.

Appels à reproduire cette démarche inclusive

Hlahla estime que la distribution de documents de santé en braille ne devrait ni commencer ni s’achever avec la récente campagne de vaccination contre la rougeole et la rubéole.

« Il n’est pas facile pour moi d’accéder aux services de santé en tant que personne malvoyante. J’ai toujours besoin d’être guidée, mais je pense qu’au cours de ma grossesse et après l’accouchement, j’ai réussi à suivre correctement toutes les procédures nécessaires.

« Actuellement, il n’existe aucun document en braille dans les services de santé en général. Je dois donc toujours demander aux gens de m’expliquer ce qui est écrit dans les brochures de la clinique. J’aimerais que ces brochures destinées aux personnes malvoyantes soient aussi disponibles en braille », explique-t-elle.

Une autre mère malvoyante, âgée de 27 ans et qui a souhaité rester anonyme parce que son église décourage la vaccination, estime que l’élargissement de cette démarche aux services de santé quotidiens permettrait aussi de mieux protéger leur vie privée.

« Lorsqu’on est une personne qui ne voit pas ou qui a un handicap, il y a des questions intimes que l’on veut garder pour soi. Mais on finit par demander à quelqu’un de lire les informations sur ses médicaments, révélant des données personnelles parce qu’on a besoin d’aide. De cette manière, la confidentialité n’est pas respectée.

« La communication en braille devrait véritablement faire partie du quotidien, et pas seulement être introduite pour une période limitée. Dans tous les services, il faudrait se souvenir qu’il existe des personnes handicapées, des personnes malvoyantes », ajoute-t-elle.

Mangope soutient ces propositions. « La santé est un domaine vaste, et la production de documents médicaux en braille devrait constituer un élément fondamental de la politique du ministère de la Santé. Tous les supports produits ou utilisés par le ministère pour informer le public devraient être inclusifs. Les personnes malvoyantes doivent se sentir intégrées et reconnues », affirme Mangope.

Interrogée sur l’intention du ministère de la Santé de reproduire cette initiative dans la communication sanitaire quotidienne, Mechele a répondu sans hésiter. « Nous ne l’avons pas budgétisé pour cet exercice financier, mais nous avons essayé, avec les moyens limités dont nous disposions, d’appliquer le principe d’inclusion — et nous y sommes parvenus. Nous prévoyons clairement de l’inscrire au budget à l’avenir. »

L’UNICEF Lesotho rappelle que l’inclusion doit être un choix délibéré. « Travailler avec des organisations de personnes handicapées et investir dans des formats comme le braille renforce la confiance, garantit la dignité et peut être facilement reproduit dans d’autres pays afin de rendre les campagnes de vaccination plus inclusives. »