Mali : la vaccination contre le VPH s’ancre durablement, un an après son lancement
Un an après l’introduction du vaccin contre le papillomavirus humain (VPH), la dynamique est bien lancée au Mali. Dans la capitale comme dans les communes environnantes, les filles de 10 ans sont de plus en plus nombreuses à recevoir leur dose de protection contre le cancer du col de l’utérus. Malgré des défis persistants — réticences, rumeurs, contraintes logistiques — soignants, associations et familles saluent une avancée majeure pour la santé des femmes.
- 2 décembre 2025
- 5 min de lecture
- par Aliou Diallo
Ce jeudi 30 octobre, dans le quartier de Korofina à Bamako, une séance d’information réunit femmes et jeunes filles au centre d’état civil du quartier. Amin Dem, sage-femme, ouvre la discussion. « Au début, il y avait beaucoup de réticence. Les filles avaient peur, et les parents aussi. Mais avec la sensibilisation, les choses ont changé », explique-t-elle.
Crédit : Aliou Diallo
Selon elle, la principale inquiétude demeure le mythe selon lequel le vaccin rendrait les filles infertiles. « Quand on prend le temps d’expliquer, surtout dans leur langue, elles comprennent. »
Une avancée majeure dans la prévention
Introduit en novembre 2024, le vaccin contre le VPH constitue un véritable tournant pour le pays. Grâce au schéma à dose unique, qui offre désormais une protection complète, plus de 145 000 filles âgées de 10 ans ont pu être vaccinées entre janvier et septembre 2025. La majorité d’entre elles – un peu plus de 113 000 – sont scolarisées, tandis qu’environ 32 400 filles non scolarisées ont été atteintes. Les autorités reconnaissent toutefois qu’un effort supplémentaire est indispensable pour toucher davantage ce groupe, souvent le plus exposé au risque d’être laissé de côté.
Pour le Dr Ibrahima Téguété, gynécologue-obstétricien au CHU du Point G, cette avancée rapproche le Mali des objectifs 90-70-90 de l’OMS : vacciner 90 % des filles contre le VPH, dépister 70 % des femmes à deux âges clés, et assurer l’accès au traitement pour 90 % de celles qui présentent des lésions. « L’introduction du vaccin est une grande satisfaction. Elle nous permet enfin d’agir en prévention primaire », souligne-t-il. Il reste toutefois lucide sur les limites du système : « Nous n’avons qu’une seule unité de radiothérapie. Le dernier “90” sera encore difficile à atteindre. »
La mobilisation collective, un levier essentiel
Si la campagne s’appuie sur les structures de santé publique, la société civile y joue aussi un rôle déterminant. À Bamako, l’ONG Solidaris223 a multiplié les séances de sensibilisation depuis le lancement. « Nous sommes intervenus dans toutes les communes. Les mamans venaient nous demander où vacciner leurs filles », raconte sa présidente, Amina Dicko.
Crédit : Solidaris223
Au Centre Djiguiya, à Bamako également, une journée entière a été consacrée à la vaccination. « Soixante-dix filles internes ont reçu leur dose, et aucune n’a eu d’effet secondaire », assure la directrice, Mme Togo Mariam Sidibé.
Les adolescentes elles-mêmes en parlent avec leurs mots. Awa, 10 ans, confie : « J’avais peur de l’aiguille, mais c’est passé vite. Je suis contente, parce que ça nous protège pour plus tard. »
Haby, vaccinée à l’école, que nous retrouvons dans sa famille, ajoute : « La maîtresse nous a expliqué pourquoi c’est important. J’ai demandé à ma mère, elle m’a rassurée. Je suis fière d’être vaccinée. » Pour le Dr Téguété, ces initiatives montrent l’engagement des acteurs : « Les premières dotations ont été utilisées très rapidement. Cela prouve qu’il y a une volonté collective. »
Réticences en baisse, mais toujours présentes
Les rumeurs concernant la fertilité continuent d’alimenter une partie des résistances. « Certains font croire que le vaccin est un moyen de nous nuire. C’est totalement faux », insiste le Dr Téguété. Amin Dem le constate au quotidien : « aujourd’hui, certaines mamans viennent d’elles-mêmes demander le vaccin. Dès qu’on prend le temps d’expliquer, ça change tout. »
Crédit : Aliou Diallo
Fannata Dicko, mère d’une fille vaccinée, illustre ce basculement. « J’ai fait vacciner ma fille parce que le cancer du col de l’utérus est une maladie grave. Ma belle-mère en a été victime cette année et elle en est décédée. J’ai vu de mes propres yeux à quel point une femme peut souffrir lorsqu’elle en est atteinte. Alors j’ai préféré prévenir, pour que ma fille n’ait jamais à affronter cela plus tard. »
Malgré les progrès, le déploiement du vaccin n’est pas sans difficultés. « Entre Mopti et Gao, les déplacements sont parfois impossibles par la route », reconnaît le Dr Téguété. Pour contourner ces obstacles, certaines dotations sont acheminées par avion vers les chefs-lieux de région.
Pour aller plus loin
Le vaccin reste entièrement gratuit pour toutes les filles de 10 ans, une mesure maintenue grâce aux efforts conjoints de l’État et de ses partenaires techniques et financiers, notamment Gavi qui permet l’accès au vaccin à un cout réduit pour le pays. Cette gratuité garantit l’équité d’accès, même dans les zones les plus éloignées. « Si nous parvenons à maintenir cet effort pendant encore quelques années, nous aurons vacciné toutes les filles de 9 à 14 ans », estime le spécialiste.
Un horizon d’espoir, malgré les défis
Les efforts de prévention ne datent pas d’hier. Entre 2016 et 2022, le programme Weekend 70 a permis de faire passer le taux de dépistage du cancer du col de 15 % à plus de 70 % dans le district de Bamako. Mais la désinformation reste un obstacle majeur. « Ce que les gens ne savent pas, ils le redoutent. Il faut continuer à expliquer, informer, parler », insiste le Dr Téguété.
Il salue également l’implication des leaders religieux. « Leur soutien a énormément rassuré les familles. » À Bamako, les résultats sont visibles, les parents sont plus confiants, les filles plus nombreuses à recevoir le vaccin. « Bamako n’est pas le Mali, mais c’est un bon indicateur de ce que nous pouvons accomplir ensemble. »
Amin Dem partage cet optimisme. « Avant, on nous demandait pourquoi on parlait du cancer ici. Aujourd’hui, les gens viennent chercher des réponses. »
Pour les professionnels comme pour les associations, le vaccin contre le VPH marque le début d’une transformation profonde de la santé des femmes au Mali. Et comme le rappelle le Dr Téguété, « Derrière chaque fille vaccinée, c’est une femme sauvée. »
Davantage de Aliou Diallo
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