COVAX expliqué
Pour mettre fin à cette crise sanitaire mondiale, nous n'avons pas seulement besoin de vaccins contre la COVID-19, nous devons également nous assurer que tout le monde dans le monde y ait accès.
- 3 septembre 2020
- 11 min de lecture
- par Dr Seth Berkley
Dès le début de cette pandémie, il est apparu que, pour mettre fin à cette crise mondiale, il fallait non seulement disposer de vaccins contre la COVID-19, mais aussi en garantir l’accès universel. Les dirigeants mondiaux ont alors cherché les moyens d’accélérer le développement et la production de vaccins, de diagnostics et de traitements, et d’en assurer un accès rapide, juste et équitable aux populations de tous les pays. C’est ainsi qu’a été créé, en avril dernier, le dispositif visant à accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID-19 (Accélérateur ACT, ou ACT-A), fruit d'une collaboration mondiale extraordinaire et unique. Organisé autour de quatre grands axes, ou ‘‘piliers’’ (diagnostic, traitements, vaccins et renforcement des systèmes de santé), l'accélérateur ACT réunit des gouvernements, des scientifiques, des entreprises, des organisations de la société civile, des organismes philanthropiques et des organisations mondiales œuvrant dans le domaine de la santé.
Qu'est-ce que COVAX ?
COVAX est le pilier Vaccins de l'Accélérateur ACT. Fruit d'une collaboration mondiale extraordinaire et unique, avec la participation de plus des deux tiers de la planète, COVAX dispose du portefeuille de vaccins contre la COVID-19 le plus important et le plus diversifié au monde et représente à ce titre le meilleur espoir de mettre rapidement un terme à la phase aiguë de cette pandémie. C’est la seule solution véritablement mondiale à la pandémie, car c'est la seule initiative visant à assurer, lorsqu’ils seront disponibles, l’accès aux vaccins contre la COVID-19 dans le monde entier, tant pour les pays à revenu élevé que pour les pays à faible revenu.
Coordonné par Gavi, l'Alliance du Vaccin (Gavi), la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI, pour Coalition for Epidemic Preparedness Innovations) et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), COVAX constitue une plateforme de soutien à la recherche, au développement et à la fabrication d'une large gamme de candidats vaccins contre la COVID-19. C’est également COVAX qui sera chargé d’en négocier le prix une fois qu’ils seront commercialisés. Tous les pays participants, quel que soit leur niveau de revenu, auront ainsi un accès égal aux vaccins qui auront été développés. L'objectif initial est de disposer de 2 milliards de doses d'ici à fin 2021, ce qui devrait permettre de protéger les personnes vulnérables ou à haut risque, ainsi que le personnel de santé de première ligne.
Pour les nations à faible revenu qui, sans financements extérieurs, seraient incapables de se procurer ces vaccins (pays bénéficiant d’une aide financière ou ‘‘pays financés’’) ainsi que pour un certain nombre de pays à revenu plus élevé, capables de financer eux-mêmes l’achat de leurs vaccins (pays autofinancés), mais qui n'ont pas passé d'accords bilatéraux avec les fabricants, COVAX constitue littéralement véritablement une planche de salut ; c’est, pour leurs citoyens, le seul moyen fiable d'avoir accès aux vaccins contre la COVID-19. Pour les pays autofinancés les plus riches, dont certains peuvent également négocier des accords bilatéraux avec les fabricants de vaccins, COVAX constitue la garantie de pouvoir protéger leurs citoyens à deux niveaux, à la fois directement, en augmentant leurs chances d'obtenir des doses de vaccin, et indirectement, en garantissant l’accès des autres pays aux doses de vaccin et en réduisant ainsi le risque de résurgence du virus.
Pourquoi nous avons besoin de COVAX
Nous avons besoin de COVAX. Sans COVAX, la majorité de la population mondiale risque de ne pas pouvoir se protéger contre le SARS-CoV-2, ce qui permettrait au virus de continuer à se propager sans relâche, avec de lourdes conséquences. COVAX a été créé pour maximiser nos chances de réussir à développer des vaccins contre la COVID-19 et de les produire en quantité suffisante pour mettre fin à cette crise, tout en s’assurant que la solvabilité des pays ne soit pas un obstacle à leur accès.
Pour cela, il nous faut tout d'abord disposer de vaccins contre la COVID-19 qui soient à la fois sûrs et efficaces, ce dont nous ne sommes pas certains. Plus de 170 vaccins candidats sont actuellement en cours de développement, mais il n’est pas exclu que la grande majorité d’entre eux soient voués à l’échec. D’après l’expérience acquise, les chances de réussite des vaccins au stade des essais précliniques sont d’environ 7 %, tandis que celles des vaccins parvenus au stade des essais cliniques sont d’environ 20 %. Pour augmenter les chances de succès, COVAX a créé le portefeuille de vaccins le plus important et le plus diversifié au monde, avec neuf vaccins candidats déjà en cours de développement et neuf autres en cours d'évaluation.
COVAX a été créé pour maximiser nos chances de réussir à développer des vaccins contre la COVID-19 et à en produire suffisamment pour mettre fin à cette crise.
En adhérant à COVAX, les pays autofinancés, de même que les pays financés, auront accès aux vaccins figurant dans ce portefeuille, dès qu'ils se seront avérés sûrs et efficaces. Les pays autofinancés seront assurés d’obtenir suffisamment de doses pour protéger une certaine proportion de leur population, définie en fonction du montant de leur participation. Sous réserve de la disponibilité des financements, les pays financés recevront un nombre suffisant de doses pour vacciner à terme jusqu'à 20 % de leur population. Étant donné qu'au départ, la demande risque d'excéder l'offre, la répartition des doses de vaccin entre les pays se fera en fonction du nombre de doses disponibles et augmentera au fur et à mesure de leur disponibilité.
Pour la mise en place opérationnelle de ce projet, Gavi a créé la Facilité COVAX, mécanisme de groupement des achats pour les nouveaux vaccins contre la COVID-19, auquel peuvent participer aussi bien les économies autofinancées que les économies financées. Les économies à faible revenu quant à elles, pourront y participer et accéder aux vaccins contre la COVID-19 grâce à un mécanisme de financement tout à fait distinct, la garantie de marché (AMC) COVAX de Gavi. L’ensemble de ces mécanismes permet la participation de tous les pays, quelle que soit leur capacité de paiement.
Pour aller plus loin : COVAX / COVID-19 / Soutien aux vaccins / A propos de Gavi
Qu'est-ce que la Facilité COVAX ?
La Facilité COVAX a pour but essentiel d’assurer aux pays participants l’accès à des vaccins sûrs et efficaces contre la COVID-19, et ceci le plus rapidement et le plus équitablement possible. En adhérant à la Facilité, les pays et économies ont accès à son portefeuille de vaccins contre la COVID-19, le plus important et le plus diversifié qui soit. Qui plus est, ce portefeuille est géré de façon active. La Facilité suit en permanence ce qui se passe au niveau de la recherche et du développement des vaccins contre la COVID-19, de façon à identifier les candidats les plus prometteurs tant sur le plan scientifique que sur leurs chances de pouvoir être produits à grande échelle. C’est pourquoi elle travaille également avec les fabricants pour les inciter à accroître leurs capacités de production avant même que leur vaccin ait obtenu les autorisations réglementaires.
Normalement, les fabricants hésitent à prendre le risque d’investir dans la construction ou l’agrandissement d’unités de production de vaccins avant d'avoir obtenu leur homologation. Mais dans le contexte de la pandémie actuelle, qui coûte chaque mois 375 milliards de dollars à l'économie mondiale, cela entraînerait inévitablement un retard important et des pénuries de vaccins dès le lendemain de leur homologation. Pour éviter cela, la Facilité se mobilise auprès des fabricants, et leur propose des incitations, notamment financières, pour les aider à être prêts à produire les doses dont nous avons besoin dès l’approbation de leur vaccin. La Facilité, qui regroupe le pouvoir d'achat d'un grand nombre de pays, sera par ailleurs bien placée pour négocier des prix compétitifs auprès des fabricants, et en faire bénéficier les participants.
La Facilité suit en permanence ce qui se passe au niveau de la recherche et du développement des vaccins contre la COVID-19, de façon à identifier les candidats les plus prometteurs, tant sur le plan scientifique que sur leurs chances de pouvoir être produits à grande échelle.
Les pays et économies autofinancés participant à la Facilité peuvent commander suffisamment de doses de vaccin pour vacciner entre 10 et 50 % de leur population. Le montant qu'ils versent à la Facilité correspond au nombre de doses demandées. Pour ces pays, la Facilité constitue une véritable police d'assurance qui leur permet d’augmenter considérablement leurs chances d'obtenir des vaccins, même en cas d’échec de leurs accords bilatéraux. En mettant leurs ressources en commun par le biais de la Facilité, les pays et les économies participants augmentent avant tout les chances du monde entier d'obtenir, le plus rapidement possible, des quantités suffisantes de vaccin contre la COVID-19.
Même si nous n’avons aucune garantie de réussite des candidats vaccins contre la COVID-19, l'adoption de cette approche mondiale et le partage des risques par le biais de la Facilité constituent notre meilleure chance de vaincre le SARS-CoV-2, en permettant d’en répartir les bénéfices sur toute la planète.
Au moment où nous écrivons ces lignes, 78 pays et économies à revenu élevé ont confirmé leur intérêt à participer à la Facilité COVAX, et d'autres vont probablement suivre. C’est la preuve que la Facilité COVAX est désormais opérationnelle et suscite l'intérêt espéré, partout à travers le monde. Les pays ont maintenant jusqu'au 18 septembre pour confirmer leur engagement par des accords juridiquement contraignants ; ils devront alors effectuer un premier paiement envers la Facilité avant le 9 octobre 2020.
Achat ferme ou optionnel
Les pays autofinancés qui rejoignent la Facilité COVAX peuvent y participer de deux manières, par soit par un engagement d’achat ferme soit par une option d'achat.
Les pays autofinancés qui optent pour un engagement ferme devront fournir des garanties pour l’achat d’un certain nombre de doses par le biais de la Facilité. En échange de quoi, le paiement initial qui leur sera demandé sera plus faible, soit 1,60 dollar US par dose (15 % du coût total par dose). Dans le cadre de ce type d'accord, les participants s'engagent effectivement à acheter un nombre déterminé de doses qui, une fois disponibles, seront réparties de manière juste et équitable entre les participants. Les pays auront toutefois la possibilité de renoncer à l'achat du vaccin si son prix est au moins deux fois plus élevé que prévu.
Dans le cas de l’option d’achat, les participants ont le choix de refuser un vaccin donné, sans compromettre leur capacité à recevoir leur part complète de doses des autres candidats vaccins, sous réserve de leur disponibilité. Ce type d'accord peut être plus intéressant pour les participants qui ont déjà conclu des accords bilatéraux avec les fabricants, grâce auxquels ils peuvent déjà avoir obtenu des doses suffisantes d’un vaccin particulier.
Ces participants, qui bénéficieront ainsi d’un plus grand choix, devront en contrepartie payer d'emblée une proportion plus élevée du coût total par dose, soit un acompte de 3,10 dollars par dose plus 0,40 dollar par dose au titre de garantie de partage des risques, ceci pour protéger la Facilité contre toute poursuite résultant de la décision des participants de ne pas acheter un candidat vaccin particulier pour lequel elle aurait déjà conclu un contrat avec le producteur. Mais aussi, ces pays doivent savoir qu’en renonçant aux vaccins qui leur ont été alloués, ils devront attendre qu’un autre vaccin soit disponible. Ils risquent ainsi inévitablement de ne recevoir la totalité du volume de vaccins promis qu’avec retard. u final, le coût total des vaccins sera le même quelle que soit l’option choisie. En utilisant la Facilité comme intermédiaire, les participants paieront le montant négocié par la Facilité, plus une « prime de vitesse », investissement servant à accélérer le passage à la production à l'échelle industrielle, ainsi qu'une contribution très faible pour le fonctionnement du mécanisme. Certains fabricants fourniront des vaccins à prix fixes, tandis que d'autres appliqueront des prix échelonnés en fonction des niveaux de revenus.
Qu'est-ce que l’AMC COVAX de Gavi ?
L'AMC COVAX de Gavi a pour principal objectif de s'assurer que les 92 pays à revenu faible et intermédiaire qui n’ont pas les moyens de se payer eux-mêmes des vaccins contre la COVID-19 puissent y accéder de la même façon et en même temps que les pays à revenu élevé. Le financement de l'AMC COVAX de Gavi est entièrement distinct de celui de la Facilité COVAX : l'AMC n'est en aucun cas subventionnée par les fonds des participants autofinancés. Elle sera financée essentiellement par l'aide publique au développement (APD), ainsi que par les contributions du secteur privé et de la philanthropie.
L’AMC s’est fixé comme objectif initial de constituer un capital de départ de 2 milliards de dollars US à fin 2020, dont 700 millions de dollars US ont déjà été collectés à ce jour [[septembre 2020]]. Ainsi, les donateurs souverains devront non seulement décider de la manière dont ils participent à la Facilité, mais aussi déterminer la hauteur de leur participation et les montants qu’ils souhaitent affecter à l’APD, et ceci dans les plus brefs délais. Sachant que personne n'est en sécurité tant que tout le monde ne l'est pas, seule l'AMC COVAX de Gavi permettra à tous les pays d'avoir un accès égal et équitable aux vaccins contre la COVID-19.
Comment les doses de vaccin seront-elles allouées ?
Une fois que l'un des vaccins du portefeuille COVAX aura passé avec succès les essais cliniques et prouvé son innocuité et son efficacité et qu'il aura reçu l'approbation réglementaire, les doses disponibles seront allouées au même rythme à tous les pays participants, proportionnellement à la taille de leur population. Une petite fraction d'environ 5 % du nombre total de doses disponibles sera mis de côté pour constituer un stock « tampon » pour faire face aux urgences épidémiques et soutenir les organisations humanitaires, par exemple pour vacciner les réfugiés qui, autrement, n'auraient pas accès à ces vaccins.
Même si les participants capables de financer leurs vaccins peuvent demander suffisamment de doses pour vacciner entre 10 et 50 % de leur population, aucun pays ne recevra suffisamment de doses pour vacciner plus de 20 % de sa population tant que tous les pays faisant partie du même groupe de financement n'auront pas reçu cette quantité. La seule exception concerne les pays qui auront choisi de recevoir de quoi vacciner moins de 20 % de leur population.
Et maintenant ?
Le fait que la communauté internationale soit allée aussi loin et aussi vite, et qu’elle ait pu élaborer une solution universelle aussi complète et efficace pour lutter contre cette pandémie constitue déjà en soi une réussite remarquable. Mais il faut maintenant mettre en œuvre ce programme. Tout est suspendu à l'adhésion rapide des pays à la Facilité COVAX, de façon à pouvoir procéder tout de suite aux investissements les plus urgents.
Le fait qu'un si grand nombre d'économies autofinancées aient décidé de rejoindre la Facilité COVAX représente un énorme pas en avant : nous pouvons maintenant commencer à signer des accords formels avec ceux qui développent et produisent les vaccins, et à réserver des doses. COVAX va pouvoir ainsi augmenter nos chances d’arriver à développer des vaccins contre la COVID-19, mais aussi nous permettre de disposer des capacités de production nécessaires pour fabriquer les doses dont nous avons besoin, dès qu'un vaccin sera prêt.
Il faut en outre que les pays pallient de toute urgence le manque de financement dont souffrent encore la recherche et le développement des vaccins contre la COVID-19. La CEPI gère la R&D des vaccins faisant partie du portefeuille de COVAX, et soutient déjà neuf candidats vaccins, dont huit sont déjà en phase d'essais cliniques. Les gouvernements ont déjà engagé 1,4 milliard de dollars US dans cet effort, mais il faut encore un milliard de dollars US supplémentaire pour continuer à soutenir la R&D des vaccins inclus dans le portefeuille de COVAX.
Il faut également que l'AMC COVAX de Gavi puisse arriver à réunir au moins 2 milliards de dollars US d'ici la fin de l'année 2020 ; il faut qu'elle continue à expliquer en détail aux économies éligibles à l'AMC en quoi consiste leur participation et les bénéfices qu’elles pourront en tirer. C’est indispensable si l’on veut éviter que la solvabilité ne devienne un obstacle à l'accès aux vaccins contre la COVID-19, situation qui laisserait sans protection la plus grande partie de la planète et qui permettrait à cette pandémie de se poursuivre bien plus longtemps que nécessaire.