Dans les zones rurales du Zimbabwe, 20 kilomètres deviennent une question de vie ou de mort

Quatre nouveaux postes de santé construits avec le soutien de Gavi ont « tout changé », en rapprochant les soins des communautés isolées.

  • 28 juillet 2025
  • 6 min de lecture
  • par Enos Denhere
L'infirmier en soins primaires Richard Vherukayi en consultation avec un patient au centre de santé de Nyamatsito. Crédit : Enos Denhere
L'infirmier en soins primaires Richard Vherukayi en consultation avec un patient au centre de santé de Nyamatsito. Crédit : Enos Denhere
 

 

À Nyamatsito, une zone rurale du district de Gokwe North au Zimbabwe, les parents devaient autrefois marcher pendant des heures, portant leurs enfants sur le dos, pour accéder aux services de santé de base pour la petite enfance, notamment la vaccination. Beaucoup de familles manquaient leurs rendez-vous à cause de la distance et de l’état des routes, laissant ainsi leurs enfants exposés à des maladies évitables. Aujourd’hui, la situation a changé.

Nyamatsito est l’un des quatre sites où des postes de santé ont été construits avec le soutien de Gavi, l’Alliance du Vaccin, pour rapprocher les soins des communautés difficiles d’accès. Les mères n’ont plus besoin de quitter leur domicile avant le lever du soleil pour consulter une infirmière. Elles peuvent désormais parcourir une courte distance pour faire vacciner leurs enfants à temps, les protégeant ainsi contre des maladies évitables.

« Cet endroit a changé ma vie »

L’infirmier en soins primaires Richard Vherukayi témoigne : 

« Chaque jour, nous recevons plus de 50 patients pour des vaccinations, des soins maternels et des traitements de base qui étaient auparavant difficiles d’accès.

Avant la construction de ce poste de santé, les habitants devaient marcher entre 15 et 20 kilomètres jusqu’à la clinique de Gumunyu, ce qui était pénible et parfois dangereux. Aujourd’hui, ce centre a considérablement rapproché les services de santé, facilitant l’accès aux soins pour de nombreuses familles et améliorant la santé dans toute la région. »

Au poste de santé de Nyamatsito, Mhofu, un habitant venu récupérer son traitement antirétroviral (ARV), raconte à quel point sa vie a changé depuis l’ouverture de la structure.

« Avant, je devais aller jusqu’à la clinique de Gumunyu pour obtenir mes médicaments contre le VIH », explique-t-il. « Si je ne trouvais pas de charrette tirée par un âne (scotch cart), la marche était longue et douloureuse, et il m’arrivait de manquer mes traitements. »

Aujourd’hui, grâce à la proximité du poste de santé, Mhofu ne manque plus aucun rendez-vous mensuel. « Cet endroit a changé ma vie. Je m’assure de venir chercher mes ARV chaque mois. Le fait d’avoir la clinique tout près m’a aidé à prendre conscience de l’importance de ma santé et à mieux m’occuper de moi », ajoute-t-il.

 

Nyamatsito health post and on the left the small solar plant. Credit: Enos Denhere
Le poste de santé de Nyamatsito, avec à gauche la petite installation solaire.
Crédit : Enos Denhere

Choisir les bons sites pour maximiser l’impact

La décision de construire les quatre nouveaux postes de santé à Nyamatsito, Murunguziva, Nyaurungwe et Zvanaka visait à répondre aux besoins des communautés les plus éloignées des structures de soins. Tous les postes ont ouvert en septembre 2024, et ont commencé à transmettre leurs propres données dès février 2025.

Le Dr Mary Muchekeza, directrice médicale de la province des Midlands, explique que la priorité a été donnée aux zones où de larges groupes de population vivaient très loin des cliniques — parfois entre 25 et 40 kilomètres.

« Lors de nos campagnes mobiles, ces communautés montraient déjà une forte demande, avec plus de 100 personnes se présentant pour recevoir des soins », raconte-t-elle. « Construire des postes de santé permanents dans ces zones facilite l’accès aux soins pour les familles et soutient la santé des enfants ainsi que d’autres services essentiels. »

« Nous avons pris en compte plusieurs critères clés », poursuit-elle. « D’abord, la distance : la plupart des habitants devaient parcourir environ 25 kilomètres pour atteindre la clinique la plus proche. C’était trop loin, surtout pour les femmes enceintes et les jeunes enfants. »

La taille de la population était également un facteur important.

« Nous avons ciblé des zones densément peuplées afin que les nouveaux postes profitent au plus grand nombre. Ces postes ont été construits à des points de relais où nos actions de vaccination rencontraient déjà une forte adhésion de la part des communautés », précise le Dr Muchekeza.

« Le fait de les rendre permanents a permis d’améliorer les taux de vaccination dans tout le district. »

« Plus près de ceux qui ont le plus besoin de nous »

Au poste de santé de Nyaurungwe, la sage-femme Majority Mlambo partage les mêmes constats que ses collègues de Nyamatsito :

« Avant l’ouverture de ce poste, les habitants devaient parcourir près de 25 kilomètres pour se rendre à la clinique de Tsungai », explique-t-il. « C’était particulièrement difficile pour les femmes enceintes et les jeunes enfants. »

Désormais, de nombreux services sont accessibles à proximité du domicile.

« Nous proposons des vaccinations, des soins prénatals, le planning familial, des tests et du conseil en matière de VIH, le traitement antirétroviral, ainsi que des soins pour les maladies courantes », précise Mlambo.

Le poste de santé de Nyaurungwe dessert de nombreux villages, y compris des zones minières de Gokwe North et certaines parties du Mashonaland Ouest, situées près des rivières Munyati et Mupfure.

« Nous recevons plus de 40 personnes chaque jour, principalement des mères venant faire examiner leurs bébés », ajoute-t-il.

Des soins d’urgence et un système de référencement sont également en place, avec des cliniques mobiles organisées chaque jeudi pour atteindre les zones les plus isolées.

« Nos activités du jeudi nous permettent de rapprocher les soins de ceux qui en ont le plus besoin », souligne Mlambo.

La communauté de Nyaurungwe comprend des familles réinstallées lors des réformes agraires des années 1980 et 2000, ainsi que de nombreux mineurs artisanaux. Paradzai Mukombe, l’un d’eux, s’est rendu à la clinique avec sa femme enceinte pour un contrôle de maternité.

« Ma femme effectue désormais tous ses examens ici », raconte Mukombe. « Quand notre première fille, Mukudzei, est née, elle a dû accoucher à la maison parce que la clinique était trop loin. Nous avons dû nous en remettre aux prières de notre église apostolique, ce qui était risqué. »

Il conclut : « Grâce à ce centre de santé, nos familles ont désormais une chance de vivre dans de meilleures conditions, plus sûres et plus saines. »

Sa femme ajoute : « Je n’ai plus peur des complications liées à la grossesse, car je suis suivie régulièrement — ce qui était un vrai défi auparavant. »

 

Tasiiwa David Nyamawu Gokwe North Rural District CEO. Credit Enos Denhere
Tasiiwa David Nyamawu, directeur général du conseil de district rural de Gokwe North.
Crédit : Enos Denhere

Un modèle pour les districts difficiles d’accès

Les avancées observées à Gokwe North offrent un exemple concret pour d’autres districts difficiles d’accès au Zimbabwe. L’infirmier-chef provincial, Diamond T. Matiyenga, explique :

« En implantant davantage de postes de santé aux bons endroits et en les dotant des équipements nécessaires, nous pouvons réellement améliorer les services de santé. »

Il poursuit :

« Nous constatons une hausse de la fréquentation pour les vaccinations de routine, une détection et un traitement plus précoces du paludisme lors de la dernière flambée, et un nombre croissant de femmes enceintes qui prennent rendez-vous plus tôt pour des soins prénatals — ce qui permet de repérer et de gérer les complications plus tôt. »

Tasiiwa David Manyawu, directeur général du conseil de district rural de Gokwe North, confirme que le conseil est prêt à reproduire ce succès :

« Ces postes de santé ont tout changé », affirme-t-il. « Avant, les habitants devaient parcourir de longues distances pour accéder aux soins — certains ont même perdu la vie en tentant de rejoindre la clinique la plus proche. Aujourd’hui, grâce à ces centres de proximité, nous espérons réduire les décès, notamment chez les nouveau-nés nés à domicile. Les premiers soins et traitements de base peuvent désormais être dispensés sur place, avant un éventuel transfert vers une clinique ou un hôpital. »

Il conclut :

« Le conseil s’appuie sur ce modèle et prévoit de construire d’autres postes de santé. »

« Un changement immense, surtout pour les femmes »

La conseillère du Ward 18, Makanyara Chitiga, exprime sa joie face à l’ouverture des nouveaux postes de santé à Gokwe North, en particulier celui de sa propre communauté, à Zvanaka :

« En tant que mère et cheffe communautaire, je suis plus que ravie », déclare-t-elle. « Ce poste de santé a fait une énorme différence, surtout pour les femmes. »

Elle se souvient de la situation avant son ouverture :

« Beaucoup de femmes finissaient par accoucher à domicile et évitaient complètement les cliniques. Mais aujourd’hui, avec des soins accessibles à proximité, davantage de vies sont sauvées. »

La conseillère Chitiga souligne toutefois que des défis subsistent :

« Mon souhait, c’est de voir ces postes de santé reliés par de vraies routes à notre hôpital principal de Gokwe. Le réseau téléphonique reste faible et doit être renforcé, et l’accès à l’eau potable doit s’améliorer. Mais malgré ces obstacles, ces postes de santé ont redonné le sourire et l’espoir à notre population. »

Le journaliste chevronné Chrispen Tabvura, qui a couvert la région de Gokwe North, partage cette appréciation :

« Les nouveaux postes de santé changent la donne — ils redonnent espoir à de nombreuses personnes. Ce qu’il faut maintenant, c’est améliorer la route vers l’hôpital général de Gokwe et renforcer la couverture du réseau mobile pour soutenir ces nouvelles infrastructures. »