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Comment un vaccin a relancé l'économie d'une ville frontalière zambienne

L’annonce d’une épidémie de choléra a mis à l’arrêt le commerce à la frontière nord-est de la Zambie. Une campagne de vaccination rapide a agi comme un massage cardiaque sur l’économie locale.

  • 2 juin 2025
  • 5 min de lecture
  • par Tsitsi Bhobo
Vaccination contre le choléra à Nakonde. Crédit : Ministère de la Santé de Zambie.
Vaccination contre le choléra à Nakonde. Crédit : Ministère de la Santé de Zambie.
 

 

En janvier, les moyens de subsistance des marchands ambulants ont été durement touchés lorsque le choléra a commencé à se propager à Nakonde, une ville zambienne située à la frontière avec la Tanzanie.

Le déploiement rapide des vaccins a permis de maîtriser l’épidémie, et les habitants constatent aujourd’hui que les voyageurs étrangers s’arrêtent à nouveau dans cette ville-frontière, dépensant leurs devises si précieuses pour l’économie locale. Pour des commerçants comme Hillary Mwale, ce répit est arrivé juste à temps.

« C’était terrible. Je vendais dix poulets grillés par jour aux passagers et aux équipages des bus étrangers, mais dès que le choléra a frappé, plus personne ne s’est arrêté. J’ai dû fermer mon stand de street food », raconte-t-il.

Épidémie

Le ministère zambien de la Santé a déclaré une épidémie de choléra à Nakonde après l’apparition des premiers cas en décembre 2024. Fin février, neuf personnes étaient décédées et 269 avaient été infectées.

Comme beaucoup de villes frontalières, Nakonde — qui compte environ 200 000 habitants — connaît une forte mobilité de population : quelque 800 camions y transitent chaque jour, sans compter les chauffeurs de voiture de location et les bus de commerçants venus du Zimbabwe, du Botswana ou du Congo, en route vers ou depuis le port tanzanien de Dar es Salaam. Ce va-et-vient constant accroît les risques de flambées épidémiques.

Mais c’est aussi le socle de l’économie locale. Pour de nombreux habitants — commerçants comme Mwale, ou gérants de motels — les voyageurs étrangers sont très recherchés, car ils paient en dollars américains, courants au Zimbabwe, en pulas botswanais ou en rands sud-africains, des devises plus fortes que le kwacha local.

L’arrivée du choléra a mis un coup d’arrêt au mouvement comme au commerce. « Les voyageurs étrangers ont soudain cessé de s’arrêter à Nakonde. Ils allaient directement se reposer et manger du côté tanzanien de la frontière, de peur d’attraper la maladie ici », se souvient Mwale.

« Désolé, mais nous n’avons pas de choléra au Botswana ; nous pourrions en transporter depuis Nakonde », explique Nico Modimeng, un chauffeur contractuel botswanais qui passe par Nakonde une fois par mois pour récupérer des voitures pour ses clients débarquant au port de Dar es Salaam.

Pris de panique, Mwale a bradé l’intégralité de son stock — d’une valeur de 54 000 kwachas (environ 2 000 dollars US) — avec une remise de 70 %.

 

Cholera vaccination Nakonde. Credit: Zambia Ministry of Health
Vaccination contre le choléra à Nakonde.
Crédit : Ministère de la Santé de Zambie.

Agir vite

Lorsque l’épidémie a été déclarée, les Zambiens savaient à quoi s’attendre. En 2023, des milliers de personnes avaient déjà été infectées par le choléra, lors de l’une des pires flambées de l’histoire du pays.

Pour contenir la propagation rapide de la bactérie, les autorités sanitaires ont dû réagir sans tarder. Heureusement, des vaccins étaient déjà disponibles dans le pays. Début 2024, la Zambie avait fait une demande de doses auprès du stock mondial de vaccins anticholériques oraux (OCV), un stock d’urgence soutenu par Gavi et géré par le Groupe international de coordination pour la fourniture de vaccins. Cette demande avait été approuvée, et comme toutes les doses n’avaient pas été utilisées à l’époque, certaines étaient encore disponibles au moment où l’infection bactérienne a commencé à se propager à Nakonde.

200 000 doses ont été rapidement envoyées vers cette ville frontalière. Le 7 janvier 2025, la campagne de vaccination a débuté, ciblant les habitants âgés d’un an et plus.

« Nous avons travaillé rapidement avec la Croix-Rouge zambienne, en adoptant une approche multifacette pour identifier les zones sensibles, cartographier les cas — et vacciner les communautés touchées », explique Philip Munkonge, directeur de la santé pour le district de Nakonde.

L’objectif était d’atteindre rapidement au moins 190 000 personnes parmi les plus exposées au risque d’infection, précise-t-il. L’intervention comprenait aussi le traitement de 781 puits peu profonds situés dans les quartiers informels et les villages.

« Certains d’entre nous, commerçants mis au chômage technique, se sont portés volontaires pour accompagner les équipes mobiles de vaccination, rue après rue, car on voulait que la maladie disparaisse et que nos marchés revivent », raconte Mwale. Le 15 janvier, la campagne touchait à sa fin. Les agents de santé et bénévoles mobilisés sur le terrain avaient atteint leur objectif de vaccination dans la ville.

Le retour au calme

Aujourd’hui, le choléra recule à Nakonde : aucun nouveau cas n’a été signalé depuis avril, indique Philip Munkonge. Tous les patients ont été guéris et sortis de l’hôpital, précise-t-il.

Et la peur a disparu des marchés de street food, affirme Shylet Thabethe, mère de deux enfants, qui vend des épis de maïs grillés aux routiers et passagers des bus en route vers ou depuis la Tanzanie.

« Les bus et les camions s’arrêtent à nouveau, et les passagers n’ont plus peur de toucher à notre nourriture », se réjouit-elle.

Comme Mwale, Thabethe a été durement frappée par l’épidémie. Son commerce s’est effondré du jour au lendemain : elle passait de 50 épis vendus par jour à… aucun. « Tout le monde disait que le maïs portait des traces de choléra », explique-t-elle. Pendant plusieurs semaines, elle n’a plus pu payer les frais scolaires, et ses enfants ont dû arrêter l’école, raconte-t-elle.

L’activité a quasiment retrouvé son niveau normal, y compris dans les motels où se reposent les chauffeurs de voiture et de camion étrangers à Nakonde. Pendant un temps, raconte Mwale, « les clients étrangers avaient peur même de dormir dans nos motels locaux, affirmant qu’ils pouvaient attraper le choléra à travers les couvertures ». Aujourd’hui, ils y passent à nouveau la nuit, et mangent ce qu’ils trouvent sur place — « même si je remarque que certains hésitent encore à boire l’eau locale, préférant l’eau en bouteille du côté tanzanien de la frontière », observe-t-il.

Charles Sichitima, conseiller municipal à Nakonde, souligne que les maladies infectieuses à propagation rapide comme le choléra ne sont pas seulement des urgences épidémiologiques : elles peuvent aussi provoquer une catastrophe financière pour les budgets municipaux. Et si cette municipalité est un carrefour régional, comme Nakonde, une épidémie peut devenir une crise sanitaire internationale en quelques jours.

Il est logique que les pays voisins cherchent à se protéger — mais le protectionnisme a toujours un coût. « Nous sommes juste à côté de la Tanzanie. S’ils n’ont pas de choléra de leur côté, ce sont leurs villes qui en profitent à nos dépens », explique-t-il, en insistant sur la nécessité pour Nakonde de rester vigilant face aux risques futurs.

« Nous sommes confiants qu’il n’y aura plus de choléra », affirme Mwale. Mais si une nouvelle flambée devait survenir et durer plus longtemps, les vendeurs de rue pourraient ne jamais s’en remettre.