Le cofinancement, pilier de la durabilité des programmes de vaccination soutenus par Gavi
Les pays prennent une part financière croissante dans les programmes de vaccination soutenus par Gavi et contribueront bientôt à hauteur de 25 % de leur coût. VaccinesWork a interrogé Emmanuel Bor, directeur par intérim du Financement de la vaccination et de la durabilité chez Gavi, pour comprendre l’importance de ce mécanisme de cofinancement.
- 26 mai 2025
- 6 min de lecture
- par Priya Joi

En 2024, les pays ont contribué à un niveau record au cofinancement des vaccins soutenus par Gavi, et ce chiffre continue de croître – qu’est-ce qui explique cette augmentation ?
Oui, en 2024, les pays ont contribué à hauteur de 255 millions de dollars US, et ce montant devrait encore augmenter de 22 %, pour atteindre environ 311 millions d’ici la fin de l’année 2025. Cette hausse s’explique principalement par trois facteurs.
uilles vaccinaux dans les pays : à mesure qu’ils introduisent de nouveaux vaccins, ils doivent en financer une part, ce qui accroît mécaniquement les ressources nationales nécessaires.
Le deuxième facteur est lié à la politique de Gavi, selon laquelle le niveau de cofinancement exigé des pays dépend de leur revenu national brut (RNB) par habitant, un indicateur utilisé pour évaluer leur capacité à contribuer au coût des vaccins.
Cette politique vise à garantir une transition progressive vers un financement intégral par les pays eux-mêmes, leur donnant une pleine souveraineté sur leurs programmes de vaccination, dans une logique de pérennité. Ainsi, à mesure que le revenu des pays augmente, leur capacité à financer leurs vaccins s’accroît également – le Bangladesh, par exemple, est aujourd’hui très proche de financer entièrement ses programmes de vaccination.
Un troisième facteur est lié à la croissance démographique dans les pays soutenus par Gavi, ce qui implique davantage de doses de vaccin chaque année pour immuniser les nouvelles cohortes de naissance.
Par ailleurs, certains pays peuvent voir leur contribution augmenter à mesure que leur couverture vaccinale progresse : plus de vaccins sont alors nécessaires, et donc davantage de financement.
Depuis quand le cofinancement est-il une politique clé de Gavi ?
Depuis assez tôt dans l’histoire de Gavi. Le mécanisme a été introduit en 2008 – cela fait donc déjà 17 ans. Cette approche a permis à 19 pays de passer au financement intégral de leurs programmes de vaccination de routine.
C’est une démarche assez unique : peu d’organisations de santé mondiale accompagnent réellement les pays dans une transition vers l’autonomie. L’objectif du modèle de cofinancement de Gavi est justement que les pays puissent, à terme, soutenir eux-mêmes leurs programmes de vaccination de base.
Une des raisons pour lesquelles ce modèle fonctionne, c’est que les investissements des pays sont concrets et ont un rendement énorme : le cofinancement ne consiste pas à verser de l’argent à Gavi, mais à payer directement l’achat de doses de vaccins. Tout le monde peut donc voir très clairement où va l’argent.
Il existe d’ailleurs des données solides montrant qu’un dollar investi dans la vaccination génère environ 54 dollars de bénéfices. Les gouvernements – et en particulier les ministres des Finances – perçoivent donc de plus en plus ces vaccins cofinancés comme un investissement, et non comme une dépense.
L’idée principale est-elle que les pays soient autonomes, engagés et responsables de leurs programmes de vaccination ?
Absolument. Et j’ajouterais un mot essentiel : pérennité. Il s’agit avant tout de construire des programmes durables.
Ces dernières années, 100 % des pays ont honoré leurs obligations de cofinancement, à l’exception de quelques-uns confrontés à des crises humanitaires.
La transition vers un financement autonome des programmes de vaccination ne peut pas se faire du jour au lendemain. C’est pourquoi nous avons mis en place un processus progressif, dans lequel Gavi réduit progressivement son soutien, pendant que les pays augmentent de façon graduelle les ressources qu’ils consacrent à la vaccination.
On imagine que cela aide aussi qu’un pays puisse augmenter progressivement une ligne budgétaire existante, alors qu’il est bien plus difficile de créer une nouvelle enveloppe à partir de rien ?
Oui, exactement. Dans la plupart des cas, les progrès en matière de budgétisation nationale passent par des hausses progressives des financements. Il est bien plus difficile d’ouvrir une ligne budgétaire entièrement nouvelle avec un financement complet dès le départ.
Le Conseil d’administration de Gavi a d’ailleurs pris en compte les contraintes budgétaires auxquelles font face les pays. En 2022, il a décidé d’allonger la période de transition accélérée, la faisant passer de cinq à huit ans. L’objectif était de garantir que la trajectoire vers une pleine appropriation des programmes et un financement intégral par les pays eux-mêmes se fasse de manière durable.
Dans le passé, cette transition s’étalait sur cinq ans, ce qui a permis à des pays à revenu plus élevé – notamment en Amérique latine ou en Asie – de réussir leur sortie du soutien de Gavi. Mais les pays qui s’approchent aujourd’hui de cette étape ont, pour la plupart, un revenu national brut par habitant plus faible, et auront besoin de davantage de temps pour augmenter leur cofinancement d’année en année.
Et que se passe-t-il si un pays ne peut pas – ou ne veut pas – honorer ses engagements en matière de cofinancement ?
Ces dernières années, 100 % des pays ont honoré leurs obligations de cofinancement, à l’exception de quelques-uns confrontés à des crises humanitaires.
Cela témoigne d’un engagement fort des pays soutenus par Gavi en faveur du financement durable de leurs programmes de vaccination. Bien sûr, Gavi prend en compte les situations exceptionnelles : en cas de crise humanitaire, des dérogations au cofinancement peuvent être accordées.
Lorsqu’un pays ne respecte pas ses engagements de paiement, aucun nouveau soutien de Gavi n’est approuvé, et les programmes existants sont suspendus si les arriérés ne sont pas régularisés dans un délai d’un an.
Dans un article que nous venons de publier sur le cofinancement, les données montrent que nous avons réussi à limiter ces exceptions à des situations extrêmes : les dérogations représentent moins de 4 % du cofinancement annuel total.
Nous réexaminons régulièrement notre modèle afin de nous assurer que les règles sont adaptées aux réalités, notamment en ce qui concerne la marge de manœuvre budgétaire des pays, tout en soutenant leurs efforts pour protéger et prioriser les dépenses de santé. Le cofinancement des programmes soutenus par Gavi représente, dans la grande majorité des cas, moins de 2 % des dépenses publiques de santé.
Gavi prend le partenariat avec les pays très au sérieux. Cela signifie que le soutien accordé s’accompagne de responsabilités, et que des conséquences existent en cas de non-paiement du cofinancement.
Lorsqu’un pays ne respecte pas ses engagements de paiement, aucun nouveau soutien de Gavi n’est approuvé, et les programmes existants sont suspendus si les arriérés ne sont pas régularisés dans un délai d’un an. Bien qu’il y ait eu, par le passé, quelques cas de défauts de paiement, nous avons toujours pu nous accorder avec les pays concernés sur un plan de remboursement clair des arriérés.
Ces arriérés ont été apurés, et aucun soutien de Gavi n’a jamais été interrompu.
Pour aller plus loin
Comment le cofinancement devrait-il évoluer au cours des cinq prochaines années ?
Nous estimons à environ 4 milliards de dollars US le montant total du financement des vaccins que mobiliseront les pays actuellement ou anciennement éligibles au soutien de Gavi entre 2026 et 2030.
Ce chiffre inclut à la fois le cofinancement attendu des pays encore soutenus par Gavi, ainsi que le financement vaccinal des 19 pays qui ont déjà quitté le soutien de Gavi et financent désormais intégralement les programmes qu’ils avaient initialement mis en place avec l’appui de l’Alliance.
Environ 2 milliards de dollars viendront de ces 19 pays, et 2 milliards supplémentaires proviendront du cofinancement des pays actuellement soutenus par Gavi.
Nous prévoyons que les pays éligibles cofinanceront environ 24 % des programmes de vaccination soutenus par Gavi sur la période 2026–2030, contre 16 % entre 2019 et 2024. C’est une évolution encourageante vers des programmes de vaccination durables et pleinement portés par les pays eux-mêmes.
Davantage de Priya Joi
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