Qu’est-ce que le stock mondial de vaccins contre le choléra ?
Le choléra, rapide et mortel, est en recrudescence. Mais les pays confrontés à une épidémie peuvent demander des livraisons d’urgence depuis un stock mondial de vaccins – des doses qui protègent chaque année des dizaines de millions de personnes.
- 12 mai 2025
- 4 min de lecture
- par Personnel de Gavi

Pour Cleopas Dzamutsana, 65 ans, comme pour des millions d'autres au Zimbabwe, la déclaration d’une épidémie de choléra en février 2023 a ravivé de sombres souvenirs.
Quinze ans plus tôt, une flambée fulgurante avait ravagé le pays, contaminant près de 100 000 personnes et causant la mort d’environ 4 300 d’entre elles. Les communautés les plus touchées avaient été décimées ; dans un township de Harare, une famille avait perdu cinq enfants en l’espace de cinq heures. Les funérailles, de plus en plus nombreuses, devenaient aussi de plus en plus désertes, la peur de la contagion éloignant les proches.
Et voilà que de nouveau, le nombre de cas au Zimbabwe recommençait à grimper dangereusement. Bientôt, les dix provinces du pays comptaient des malades. En septembre 2023, plus de 500 personnes étaient déjà mortes.
Mais à l’approche du premier anniversaire de l’épidémie, les autorités sanitaires du Zimbabwe ont pu s’appuyer sur une ressource exceptionnelle — une ressource qui n’existait pas encore lors de la crise de 2008 : le stock mondial de vaccins oraux contre le choléra, soutenu par Gavi.
Mi-février 2024, 2,3 millions de doses de vaccin, soigneusement emballées, avaient quitté les étagères d’un entrepôt situé près de Séoul, en Corée, pour prendre la direction d’Harare. Cleopas Dzamutsana s’est joint à la file d’attente : « Je me souviens de l’épidémie de choléra de 2008 et je ne pouvais pas risquer ma vie en refusant le vaccin, après ce que j’ai vu à l’époque », a-t-il confié à une journaliste de VaccinesWork sur un site de vaccination à Harare. En août 2024, l’épidémie était terminée : 718 personnes avaient perdu la vie, mais un nombre incalculable avait été sauvé.
Qu’est-ce que le stock mondial de vaccins oraux contre le choléra ?
Comme son nom l’indique, ce stock constitue la réserve mondiale de vaccins oraux contre le choléra. Il est actuellement entreposé dans un unique entrepôt situé près de Séoul, en Corée du Sud, propriété d’EuBiologics, le fabricant du vaccin.
Créé en 2013, ce stock – comme d’autres réserves stratégiques de vaccins – est financé par Gavi et géré par le Groupe international de coordination pour l’approvisionnement en vaccins (ICG), une instance d’experts représentant quatre organisations membres : la Fédération internationale de la Croix-Rouge (FICR), Médecins Sans Frontières (MSF), l’UNICEF et l’OMS (qui assure le secrétariat de l’ICG). Contrairement, par exemple, au stock de vaccins contre la fièvre jaune, la réserve de vaccins anticholériques n’a pas de volume fixe, en grande partie parce que l’épidémiologie du choléra est particulièrement instable. Cela dit, les récentes améliorations de la production permettent désormais de mettre à disposition environ cinq millions de doses supplémentaires chaque mois.
Pour aller plus loin
Cela peut sembler beaucoup, mais tout est relatif aux besoins. Le choléra est en forte recrudescence, les épidémies se multiplient rapidement, et les doses quittent les entrepôts aussi vite qu’elles y sont réapprovisionnées. Rien que sur les trois premiers mois de 2025, l’ICG a approuvé des demandes totalisant 13,9 millions de doses émanant de huit pays en pleine épidémie.
Pourquoi ce stock est-il nécessaire ?
Ce sont les régions où l’assainissement est défaillant et les communautés ayant un accès irrégulier à l’eau potable qui courent le plus grand risque face au choléra — autrement dit, des populations déjà fragilisées par la pauvreté ou les crises.
Les flambées peuvent prendre une ampleur fulgurante. La bactérie responsable, Vibrio cholerae, se transmet par l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés. Elle provoque une diarrhée aqueuse aiguë, parfois accompagnée de vomissements. En l’absence de soins, la déshydratation peut tuer en moins de 24 heures. Les patients les plus gravement atteints deviennent, malgré eux, des vecteurs très efficaces : « En gros, une grande partie de l’eau présente dans le corps est expulsée – et elle contient énormément de bactéries », explique Allyson Russell, épidémiologiste et responsable de programme au sein de l’équipe “High Impact Outbreaks” de Gavi, au micro de VaccinesWork. « Et comme on peut l’imaginer, cela peut se répandre partout et infecter d’autres personnes. »
Cela signifie que les systèmes de santé confrontés à une épidémie de choléra doivent réagir vite — à la fois avec des traitements (solution de réhydratation orale et soins de soutien dans les premières 24 heures), et des mesures de prévention, notamment la vaccination.
Lorsqu’ils sont administrés à temps, les vaccins oraux contre le choléra sauvent des vies et offrent une fenêtre de répit pour permettre aux autorités de renforcer les infrastructures d’assainissement et éliminer durablement les risques. Dans les zones très vulnérables où le choléra constitue une menace quasi permanente, des campagnes préventives planifiées, associées à des améliorations ciblées des systèmes d’eau et d’assainissement, ont fait leurs preuves pour réduire considérablement les risques d’épidémie destructrice.
Mais lorsqu’une épidémie éclate — où que ce soit dans le monde —, le mécanisme du stock permet d’acheminer rapidement des doses et de sauver des vies sans délai.
Des dizaines de millions de doses chaque année
Le stock est plus sollicité que jamais — et de plus en plus au fil du temps. En 2016, il avait permis l’envoi de 2,5 millions de doses ; en 2024, plus de 37 millions de doses ont quitté ses étagères pour être déployées sur le terrain.
Cette hausse spectaculaire reflète d’abord un constat simple : le choléra fait son retour dans de nombreuses régions du monde, et plus la maladie progresse, plus les besoins en vaccins augmentent.
Mais d’autres facteurs entrent aussi en jeu. Le vaccin ayant fait ses preuves, il occupe désormais une place centrale dans les réponses aux épidémies, incitant les pays touchés à demander davantage de doses pour protéger leurs populations. En parallèle, à mesure que les flambées deviennent mieux contrôlées, le tabou autour du mot “choléra” s’estompe : les autorités hésitent moins à désigner ainsi une série de cas de diarrhée aqueuse aiguë. Et plus les épidémies sont correctement identifiées, plus le vaccin peut jouer son rôle et sauver des vies.