Les personnes transgenres et les personnes issues de la diversité de genre sont plus exposées à certains cancers et ces cancers risquent plus de ne pas être détectés à temps

Selon une étude récente, les cancers liés au virus du papillome - qui peuvent, dans la plupart des cas, être évités par la vaccination – menacent tout particulièrement les personnes transgenres.

  • 27 novembre 2023
  • 5 min de lecture
  • par Personnel de Gavi
Drapeau de la fierté transgenre
Drapeau de la fierté transgenre
 

 

Selon une étude publiée récemment dans le JAMA Oncology, les personnes transgenres et de genre divers (TGD) sont exposées à un risque élevé de cancer, du fait de la propension culturelle à considérer systématiquement le genre de façon binaire.

Les auteurs de l'étude concluent que les besoins des TGD dans le « continuum de soins en cancérologie » ne sont « pas pris en compte de manière optimale », reconnaissant « [qu’] il existe des disparités au niveau du risque de cancer, des besoins, de l'épidémiologie et de l'accès aux soins ».

Les chercheurs ont constaté que les souches de VPH les plus dangereuses étaient présentes de manière disproportionnée dans les populations TGD.

Le problème se situe à plusieurs niveaux : il est prouvé que, chez les personnes trans et TGD, la probabilité de dépistage des cancers auxquels elles sont les plus susceptibles est plus faible que dans l’ensemble de la population, alors que la probabilité de développer certains cancers est plus élevée et qu'elles sont, par ailleurs moins bien placées pour être informées des traitements et soignées correctement et respectueusement lorsqu'elles prennent contact avec le système de soins.

L'invisibilité des transgenres

Les personnes transgenres sont des personnes dont l'identité de genre est en contradiction avec les critères de la société, fondés sur le sexe qui leur a été assigné à la naissance. Selon les estimations, elles représenteraient 0,3 à 0,5 % de l’ensemble de la population mondiale adulte. Mais le groupe de ceux qui s’identifient de genre divers (ou de genre non conforme) est plus large (entre 0,5 et 4,5 % de la population adulte).

De nombreuses personnes trans ont recours à l'hormonothérapie et à des interventions chirurgicales pour mieux adapter leur corps à leur identité de genre et minimiser les risques de dysphorie de genre – ce qui est médicalement tout à fait pertinent. Partout dans le monde, la santé des personnes TGD est souvent menacée du fait de la discrimination sociale et de la violence dont elles sont victimes. L'accès aux soins médicaux leur est souvent difficile, notamment parce que le système de santé auquel elles appartiennent est structuré uniquement en fonction du sexe biologique. Comme le notent les auteurs de l'étude du JAMA, « la plupart des soins dispensés en cancérologie s’inscrivent dans une optique binaire homme-femme. »

C’est ce qui entraîne une cascade de situations à risque, à commencer par l’invisibilité. Si elles ne sont pas inclusives, les structures médicales peuvent décourager les sujets trans et TGD à se plier au dépistage du cancer, en particulier quand il s’agit de cancer affectant les organes sexuels.

Les personnes TGD qui ont un col de l'utérus « pourraient vouloir éviter de subir des tests de Papanicolaou en raison de la gêne occasionnée et des obstacles structurels tels que la stigmatisation et la discrimination », notent les auteurs de l'étude. En effet, plusieurs études menées aux États-Unis et au Canada ont montré que les hommes trans et les TGD identifiés de sexe féminin à la naissance étaient moins susceptibles d'avoir subi un test de Papanicolaou ou autre dépistage du cancer du col de l'utérus au cours de l'année écoulée que les femmes cisgenre.

Certaines des études passées en revue suggèrent que les personnes TGD sont moins susceptibles de se soumettre au dépistage du cancer du sein que les femmes cis. Or, une étude néerlandaise a montré que les hommes et les femmes transgenres présentaient un risque important de cancer du sein. Dans cette étude, publiée en 2019, les femmes transgenres présentaient un taux de cancer du sein 46 fois supérieur à celui des hommes cis, et trois fois inférieur à celui des femmes cis. Une étude de cohorte menée aux États-Unis en 2017 a, quant à elle, révélé que l'incidence du cancer du sein chez les femmes trans « ne différait pas de manière significative de celle des femmes cis », mais qu'elle était plus élevée que celle des hommes cis.

Risque élevé de cancers liés au VPH

Ces tendances peuvent représenter une menace mortelle. Dans 90 % des cas, le cancer du col de l'utérus est lié à une infection par le virus du papillome humain, qui peut également causer des infections et des cancers de l'anus, du vagin, du pénis, de la gorge, et du néovagin chez ceux qui ont subi une vaginoplastie. Les chercheurs ont constaté que les souches de VPH les plus dangereuses étaient présentes de manière disproportionnée dans les populations TGD.

Selon une étude américaine de 2018, le taux d’infection à VPH à haut risque de cancer du col de l'utérus est le même chez les hommes trans (16 %) et chez les femmes cis (15,2-29 %), ce qui devrait se traduire par le même risque de cancer dans les deux groupes.

En revanche, plusieurs études ont révélé des taux nettement plus élevés d'infection par le VPH au niveau de l'anus chez les femmes transgenres. Une étude transversale réalisée au Brésil a révélé que 60,7 % des femmes trans ayant fait l'objet d'un prélèvement anal étaient positives pour des types de VPH à haut risque. Une étude de cohorte de femmes trans réalisée au Pérou a montré la même prévalence - 58,8 % - d’infections anogénitales par un VPH à haut risque, et une étude réalisée en Italie a révélé que les prélèvements cliniques de 52,4 % des femmes trans recrutées étaient positifs pour le VPH.

L’implication de ces résultats pour les programmes de vaccination est évidente : « La vaccination contre le virus du papillome doit être systématiquement recommandée à tous les enfants et adolescents âgés de 9 à 12 ans et aux adolescents et jeunes adultes âgés de 13 à 26 ans qui n'ont pas encore été vaccinés, quelle que soit leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. »

En bref, tout le monde est exposé au risque de cancer lié au VPH et tout le monde doit avoir accès à la vaccination préventive, au dépistage et aux soins.

Un risque élevé d'autres types de cancers

Le virus du papillome humain n'est pas le seul virus cancérogène sexuellement transmissible dont la présence est supérieure à la normale chez les personnes trans. Les taux de VIH ont tendance à être plus élevés chez les personnes TGD, tout comme les cancers liés au VIH tels que le sarcome de Kaposi et les lymphomes non hodgkiniens.

Les personnes TGD sont également confrontées à un taux plus élevé d’autres cancers que leurs homologues cis, ce qui peut résulter de l’exposition accrue à certains facteurs de risque. « Malgré certains résultats contradictoires, la plupart des études montrent de manière cohérente une forte prévalence de la consommation de tabac et d'alcool chez les personnes TGD », écrivent les auteurs de l'étude. Le traitement hormonal d'affirmation de genre, lui aussi, « pourrait être associé à la cancérogénèse », suggèrent les chercheurs. Chez les femmes transgenres, « l'hormonothérapie à long terme pourrait éventuellement sélectionner des cellules clonales plus agressives ou résistantes à la castration », ce qui pourrait accroître le risque de cancer de la prostate.

Un risque accru de décès

L’analyse de la base de données nationale américaine relative au cancer sur la période 2003-2016 a révélé que les personnes transgenres étaient plus susceptibles de mourir d'un lymphome non hodgkinien, d'un cancer de la prostate ou d'un cancer de la vessie que les patients cis. Une étude suédoise de 2011 a révélé un risque accru de décès dû à des néoplasmes (tumeurs) chez les patients trans.

Et les soins ?

Il est également clair que les patients trans et TGD ont généralement plus de mal que leurs homologues cis à trouver leur place dans les systèmes de santé. Selon une étude européenne de 2014, 22 % des personnes TGD reconnaissaient faire l’objet de discrimination de la part des prestataires de soins de santé ; une étude similaire menée aux États-Unis a révélé que 33 % des personnes transgenres avaient eu des "expériences négatives" avec le personnel de santé.

« Enfin, le manque de connaissances [des professionnels de santé] en matière de cancer chez les personnes TGD constitue un obstacle supplémentaire au traitement de cette maladie », écrivent les auteurs de l'étude.

Des données problématiques

La mauvaise qualité de la collecte de données aggrave l'invisibilité des personnes trans en ce qui concerne la prévention et le traitement du cancer. Les auteurs de l'étude déplorent « l'absence de collecte de données fiables, ventilées et granulaires sur l'identité de genre » et notent que l’absence de données empêche de mieux comprendre les besoins des personnes TGD atteintes de cancer. « Il faudrait enrichir les registres du cancer par la collecte des variables liées au genre pour pouvoir réaliser des études pronostiques et prédictives ».


L'étude complète est disponible ici – Cancer in Transgender and Gender-Diverse Persons – JAMA Oncology