Rougeole, coqueluche, tétanos… Les vaccins restent la meilleure arme mondiale pour protéger les enfants

Population mondiale ayant franchi les 8 milliards en novembre 2022, impact du vieillissement mondial, du Covid et des maladies (ré)émergentes, des migrations… La démographie à l’échelle de la planète pose de nombreuses questions, dont certaines sont inédites. L’une des plus importantes concerne la santé des enfants, qui a connu des améliorations mais reste en deçà de ce qu’elle pourrait être. En raison, notamment, d’un niveau de vaccination malheureusement insuffisant.

  • 30 janvier 2023
  • 6 min de lecture
  • par The Conversation
Alors qu'un vaccin existe, 300 enfants meurent, tous les jours, de la rougeole dans le monde. Prostock-studio/Shutterstock
Alors qu'un vaccin existe, 300 enfants meurent, tous les jours, de la rougeole dans le monde. Prostock-studio/Shutterstock
 

 

Gilles Pison, professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle et conseiller de la direction de l’Institut national d’études démographiques, est spécialiste des grands changements démographiques mondiaux. Nous vous proposons ici un extrait de son dernier ouvrage « Atlas de la population mondiale » (chapitre « Les vaccinations, une arme peu coûteuse contre les infections »), paru le 25 janvier aux Éditions Autrement, qui fait le point sur ce sujet.


Si la mortalité des enfants a diminué, c’est d’abord grâce au progrès sanitaire. Les vaccinations, interventions peu coûteuses et d’une grande efficacité, ont beaucoup contribué au recul des infections, principales causes de décès des enfants. Si tous les enfants de la planète ne sont pas vaccinés, cela tient à un intérêt insuffisant pour la prévention et à une mauvaise organisation.

La proportion d’enfants vaccinés, très corrélée à la mortalité des enfants, reflète bien l’organisation sanitaire d’un pays.

Les vaccins ont des effets bénéfiques non spécifiques : en stimulant l’immunité, ils diminuent aussi la mortalité due aux autres maladies (diarrhée, paludisme) contre lesquelles les enfants ne peuvent pas être vaccinés pour l’instant faute de vaccin
LES DÉCÈS D’ENFANTS : RÉPARTITION ET CAUSES. Gilles Pison, Atlas de la population mondiale, ed. Autrement/d’après les données OMS, Fourni par l'auteur

Une partie des enfants qui décèdent meurent de maladies infectieuses évitables par la vaccination. La rougeole et le tétanos néonatal, pour lesquels il existe des vaccins, causent ensemble près de 200 000 morts chaque année (en 2019).

Chaque jour, dans le monde, 14 000 enfants de moins de 5 ans meurent, dont : 2500 de pneumonie, 1500 de diarrhée, 1000 de paludisme, 300 de rougeole, 150 de coqueluche et 100 de tétanos néonatal.

Les enfants qui attrapent ces maladies tout en en réchappant en sortent souvent affaiblis, avec un risque accru de succomber d’une autre maladie ensuite.

La vaccination est pourtant l’un des actes médicaux les plus simples et les plus rentables en termes de prévention des maladies et de réduction de la mortalité. Cela fait près de cent ans que le premier vaccin contre le tétanos a été inventé, et 60 ans qu’il en existe un pour la rougeole (le premier vaccin a été inventé en 1963).

Si tous les enfants de la planète ne sont pas vaccinés contre ces maladies, cela ne vient pas d’un coût élevé des vaccins. Au contraire, il est souvent faible, et pris en charge par des organisations internationales dans le cas des pays les plus pauvres. La raison tient plutôt à un intérêt insuffisant pour la prévention et à une mauvaise organisation sanitaire.

De nouveaux vaccins devraient voir le jour dans le futur, permettant de prévenir directement les infections entraînant diarrhées et pneumonies, principales causes de décès chez les enfants aujourd’hui.

Grâce aux vaccins, plusieurs maladies infectieuses devraient pouvoir être éradiquées de la planète, comme l’a été la variole en 1979. La poliomyélite est sur le point d’être éradiquée, la rougeole pourrait suivre dans quelques années ou décennies.

L’exemple de la vaccination contre la rougeole

En 2021, dans le monde, 81 % des enfants de 1 an ont été vaccinés contre la rougeole. La proportion a certes beaucoup progressé depuis 1980, où elle n’était que de 17 %, mais elle est encore loin de l’objectif de 90 %, voire de 100 %.

En 2021, dans le monde, 81 % des enfants de 1 an ont été vaccinés contre la rougeole
CARTE MONDIALE DE LA COUVERTURE VACCINALE DES ENFANTS POUR LA ROUGEOLE EN 2021. Gilles Pison, Atlas de la population mondiale, ed. Autrement/d’après les données OMS -- Cartographe : Guillaume Balavoine, Fourni par l'auteur

C’est dans les pays les plus riches que les enfants sont les mieux vaccinés. La couverture vaccinale dépasse 80 % dans des régions en développement où l’offre de soins de base a beaucoup progressé récemment, comme en Afrique du Nord et en Amérique latine, et aussi en Europe de l’Est et dans les pays de l’ex-URSS, qui ont su maintenir les niveaux élevés de couverture vaccinale atteints sous les régimes communistes.

La couverture vaccinale se situe en dessous de 80 % dans les régions les plus pauvres de la planète, en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne. Les pays les plus en retard sont l’Angola, Madagascar, la République centrafricaine, la Somalie, et la Guinée, où moins de la moitié des enfants sont vaccinés. La pandémie de Covid-19 a désorganisé les programmes de vaccination des enfants, entraînant une diminution de la couverture vaccinale dans le monde, et en particulier dans les pays les plus pauvres.

L’exemple de la rougeole au Sénégal

La vaccination contre la rougeole a pourtant beaucoup fait reculer la mortalité des enfants dans le monde. Dans la région de Bandafassi, au Sénégal, cette maladie était la cause d’un décès sur cinq chez les enfants au-delà du premier mois avant que ceux-ci ne soient vaccinés.

L’introduction des vaccinations à la fin des années 1980 a fait reculer la part de la rougeole à moins de 3 %, avec pourtant seulement la moitié des enfants vaccinés. La mortalité des enfants quelle qu’en soit la cause a baissé immédiatement de 40 %, soit plus que ce qu’on attendait de la simple suppression des décès liés directement aux maladies ciblées par les vaccins – la rougeole, la coqueluche, le tétanos, etc.

Les vaccins ont des effets bénéfiques non spécifiques : en stimulant l’immunité, ils diminuent aussi la mortalité due aux autres maladies (diarrhée, paludisme) contre lesquelles les enfants ne peuvent être vaccinés pour l’instant faute de vaccins.

Malnutrition et maladies infectieuses

On a longtemps pensé que la forte mortalité des enfants dans les pays du Sud était liée à la malnutrition, ceux-ci succombant aux maladies de la petite enfance comme la rougeole ou la coqueluche parce qu’ils étaient malnutris, et non en raison des maladies elles-mêmes. Au point que la mortalité infantile était proposée comme indicateur de la malnutrition, et des programmes de distribution de compléments alimentaires comme la solution pour faire reculer leur mortalité.

On sait aujourd’hui que la malnutrition – repérée par un poids ou une taille inférieurs à la norme – résulte autant sinon plus d’infections, notamment intestinales, occasionnant des diarrhées entraînant perte de poids et retard de croissance lorsqu’elles ne sont pas traitées, que d’une mauvaise alimentation.

La prévention des infections grâce aux vaccinations est ain<si d’autant plus prioritaire qu’elle contribue également à prévenir la malnutrition.

Au-delà de la protection des enfants, les vaccinations sont précieuses pour combattre les épidémies touchant l’ensemble de la population, comme l’illustre l’exemple du Covid-19. Comme pour les enfants, l’efficacité des campagnes vaccinales visant à stopper ou ralentir les épidémies dépend d’une bonne organisation et de l’adhésion de tous aux vaccins.The Conversation


Auteur

Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle et conseiller de la direction de l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)


The Conversation

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Déclaration d’intérêts

Gilles Pison a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche française et des National Institutes of Health américains.

Partenaires

 

Sciences Po et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) apportent un financement en tant que membre adhérent de The Conversation FR.