Au Burkina Faso, vaccination et lutte contre la malnutrition font front commun
Lancées le 4 décembre 2022, les journées nationales de supplémentation en vitamine A+ visent 3,5 millions d’enfants de 6 à 59 mois au Burkina Faso. Au centre de santé et de promotion sociale de Nioko 1, dans la commune rurale de Saaba, situé à 20 kilomètres de Ouagadougou, la campagne de vaccination orale suscite de l’engouement au sein de la population cible.
- 16 janvier 2023
- 5 min de lecture
- par Abdel Aziz Nabaloum
Après une semaine de pourparlers sur les bienfaits de la supplémentation en vitamine A+, Romuald Sawadogo a réussi à convaincre son épouse Thérèse Bougma de venir faire vacciner Dylan, leur nourrisson de 11 mois. Pour ne pas rater cette campagne de vaccination orale qui bat son plein au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Nioko 1, Thérèse a rapidement parcouru, les 10 kilomètres qui séparent son domicile, Bissighin, pour rallier, le centre de santé, ce 29 décembre.
A son arrivée, dès 8 heures, une centaine de femmes, bébés en main ou au dos, a déjà pris d’assaut la salle de pesée et de vaccination. En file indienne, chacune avance pour que son nourrisson reçoive sa dose de vitamine A+. Bracelet MUAC (Mid-Upper Arm Circumference) autour du bras de Dylan, l’Agent de santé à base communautaire (ASBC) n’a décelé aucun signe de malnutrition. Alors, le petit Dylan reçoit à son tour son vaccin. Auparavant réticente, Thérèse confie : « les agents de santé m’ont bien expliqué les bienfaits pour un enfant de recevoir cette vitamine. Je suis très heureuse parce qu’il sera davantage protégé contre certaines maladies… ».
« Lorsqu’on parle de vitamines aux mamans, elles adhèrent immédiatement. Tous les enfants qui viennent à la pesée sont vaccinés de même que ceux qui sont restés à la maison grâce à la stratégie du porte-à-porte »
Les minutes s’égrènent. L’affluence ne faiblit pas. 11h20 mn. Les mères continuent de faire vacciner leurs enfants. Avec la supplémentation en vitamine A+ de sa fillette, Yousra (8 mois), Alimatou Sané espère que les diarrhées, fièvre, etc. dont elle souffrait régulièrement seront un vieux souvenir. « Son corps chauffe régulièrement, mais les agents de santé m’ont rassuré parce qu’elle sera désormais épargnée de toutes ces petites maladies grâce à la vaccination », informe-t-elle, toute sourire.
Porte-à-porte
Au Burkina, le taux de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans est estimé à 82 pour 1000, selon l’enquête démographique et de santé 2015. La carence en vitamine A+ qui constitue un problème de santé publique au Burkina, comme dans la plupart des pays à revenu faible, en est une cause sous-jacente. C’est pour corriger cette carence que le ministère de la Santé a initié ces journées nationales de supplémentation en vitamine A+.
D’après Saïdou Denné, l’infirmier diplômé d’Etat (IDE) et major du CSPS de Nioko 1, la supplémentation en vitamine par sa forte capacité permet de stimuler le système immunitaire, d’avoir une bonne croissance, aide à la bonne vision, réduit le risque de diarrhée, de rougeole et d’autres infections. Surtout, il réduit jusqu’à 23 % la mortalité chez les enfants de moins de 5 ans et le taux de cécité crépusculaire dans ce même groupe d’âge. Couplée au déparasitage et au dépistage de la malnutrition aiguë, pour qu’aucun enfant n’échappe à cette campagne, le ministère de la Santé mise aussi sur les ASBC. Au quotidien, ces derniers sillonnent chaque recoin des villes et campagnes pour vacciner tous les enfants. « Tous les jours de 8 heures à 13h, nous faisons du porte-à-porte pour rechercher les enfants afin de leur donner leur dose de vaccin et de déparasitant », précise, l’ASBC Marie Ilboudo.
« Toutes les mères acceptent de vacciner leurs enfants »
Avec son binôme Bibata Zoungrana, la cinquantaine, Marie confie qu’elles rendent visite en moyenne à une cinquantaine de domiciles par jour. « Depuis le début de la campagne, nous sommes très heureuses, parce qu’aucune famille ne nous a refusé l’accès à leur domicile. Toutes les mères que nous avons rencontrées acceptent de vacciner leurs enfants », confie Bibata Zoungrana.
Pour aller plus loin
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Selon Maïmouna Compaoré, accoucheuse auxiliaire, chargée de la consultation « nourrissons sains », au quotidien, les séances de pesées sont mises à profit pour vacciner les enfants. « Par jour, nous vaccinons entre 40 à 50 enfants. Il n’y a pas de réticences. Lorsqu’on parle de vitamines aux mamans, elles adhèrent immédiatement. Tous les enfants qui viennent à la pesée sont vaccinés de même que ceux qui sont restés à la maison grâce à la stratégie du porte-à-porte », affirme Mme Compaoré.
Rachelle Kaboré a raté le passage de l’équipe de vaccination à son domicile, situé à 15 kilomètres du centre de santé. Elle ne souhaite pas que sa fillette Bénédicte souffre de carence en vitamine A+, de rougeole, d’infections et maladies opportunistes qui auront des conséquences négatives sur sa santé. « Pour sa santé, je n’hésiterai pas à la faire vacciner contre tous les types de maladies », rassure-t-elle.
Plus de 4000 enfants vaccinés
Au regard de l’engouement des mères, le major du CSPS de Nioko 1, Saïdou Denné, estime que le bilan de la campagne dans son aire sanitaire est déjà positif. Car, explique-t-il, sur 5 078 enfants attendus pour recevoir la supplémentation, plus de 4 000 ont déjà reçu leur dose soit près de 80 %. De son avis, les populations comprennent de plus en plus l’intérêt de la vaccination. « Ce sont elles-mêmes qui recherchent les ASBC pour vacciner leurs enfants parce qu’elles constatent les bienfaits », témoigne-t-il. Il ajoute : « La campagne marche bien. Pour les enfants de 12 à 59 mois, nous avions reçu 4500 capsules. Nous avons redemandé 500. Pour ceux de 6 mois à 11 mois, nous pris encore 600 capsules ».
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