Au Burkina Faso, vaincre la poliomyélite grâce à la vaccination

Le Burkina Faso, comme d'autres pays de la sous-région, faisait face à la résurgence des flambées du virus de la poliomyélite. Les campagnes de vaccination menées à travers le pays ont permis de freiner la propagation de la maladie.

  • 16 novembre 2023
  • 6 min de lecture
  • par Abdel Aziz Nabaloum
Un enfant reçoit une dose de vaccin oral contre la polio au CSPS urbain de Ziniaré. Crédit : Abdel Aziz Nabaloum
Un enfant reçoit une dose de vaccin oral contre la polio au CSPS urbain de Ziniaré. Crédit : Abdel Aziz Nabaloum
 

 

Le vendredi 20 octobre 2023, dans une salle d'attente du Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) urbain de Ziniaré (à 35 kilomètres de Ouagadougou), les échanges courtois entre les patientes et le personnel de santé se mêlent aux cris des tout-petits. Certains, visiblement anxieux, s'accrochent à leurs mères. Parmi eux se trouve Bernard, âgé de 4 mois. Sur les genoux de sa mère, Awa, il vient recevoir sa deuxième dose de vaccin contre la poliomyélite. 

Il est 8 heures. L'équipe de vaccination s'installe sous un auvent en face de la maternité. L'infirmier chef de poste, Noufou Sawadogo, administre à Bernard la première dose du jour. Awa ne veut prendre aucun risque. « Il est crucial de faire vacciner son enfant. Si tu ne le fais pas, il y a des risques de complications pendant son développement », explique la mère de 19 ans, avec conviction. À sa suite, la mère de Mouniratou, âgée de 23 mois, prend place. La petite, lors de sa première visite dans ce centre de santé, semble perturbée face au vaccinateur qui lui tend la dose de vaccin tout en vantant et en assurant des bienfaits du vaccin. « Ça ne fait pas mal. Tu seras protégée à vie, mon enfant », assure M. Sawadogo. La fillette accepte volontiers de se faire vacciner sous les applaudissements du personnel de santé.

Le Burkina n'avait pas enregistré de cas de poliomyélite entre 2009 et 2019 et avait même été déclaré « libre de la circulation du poliovirus sauvage » le 4 juin 2015 [...]. Cependant, en janvier 2020, un cas de poliovirus dérivé de type 2 (PVDV2) a été détecté dans le district sanitaire de Ouargaye.

La poliomyélite est une maladie virale hautement contagieuse qui touche principalement les enfants de moins de 5 ans, explique le Dr Orokia Dabiré, médecin chef du district sanitaire de Ziniaré. Elle ajoute que le virus se transmet de personne à personne, principalement par voie féco-orale, l'eau ou les aliments contaminés.

Le personnel soignant inspecte les vaccins contre la polio.
Crédit : Abdel Aziz Nabaloum

Le Burkina n'avait pas enregistré de cas de poliomyélite entre 2009 et 2019 et avait même été déclaré « libre de la circulation du poliovirus sauvage » le 4 juin 2015 par la Commission régionale de certification de la région africaine de l'OMS. Cependant, en janvier 2020, un cas de poliovirus dérivé de type 2 (PVDV2) a été détecté dans le district sanitaire de Ouargaye, localité située à la frontière avec le Togo voisin. Il s'agissait d'un enfant de 2 ans, n'ayant pas achevé son calendrier vaccinal, qui présentait une paralysie des membres inférieurs avec des difficultés à marcher. Ensuite, 9 autres cas de transmission de poliovirus circulant dérivés de vaccins ont été enregistrés la même année dans les districts de Bittou, Bogodogo, Kaya, Tougouri, Sigh-noghin, Saponé et Dori, nécessitant une réponse urgente.

Depuis, le pays a connu une flambée de cas. De 2019 à décembre 2022, 73 cas de poliovirus dérivé de souche vaccinale ont été signalés au Burkina, selon l'UNICEF-Burkina.

Reprise des campagnes

Le Dr Orokia Dabiré attribue cette hausse de la pandémie de coronavirus. Préoccupées par les effets dévastateurs de la COVID-19, les autorités sanitaires ont peiné à fournir les services de vaccination nécessaires aux enfants pour faire face à des maladies contagieuses et handicapantes mais évitables, comme la poliomyélite, selon elle. Elle ajoute la suspension de toute vaccination de masse en mars 2020 en raison de la pandémie, pour se conformer aux directives de distanciation physique visant à freiner la transmission du virus. « La suspension des activités de vaccination, bien que nécessaire pour protéger les agents de santé et la communauté, a réduit notre réponse à la circulation du poliovirus », déplore le Dr Dabiré. 

 Face à la flambée des cas de poliomyélite, le Burkina a dû reprendre les campagnes de vaccination contre la polio en appliquant des mesures strictes de prévention de la COVID-19. Les différents gouvernements ont depuis intensifié la lutte contre la poliomyélite à travers des campagnes de vaccination, le renforcement de la surveillance épidémiologique et de la vaccination de routine. « Toutes ces mesures ont permis d'arrêter le virus dans notre district sanitaire. Nous avons misé sur la communication et montrer aux populations l'importance de vacciner les enfants. Tous les centres de santé ont multiplié la vaccination de routine », révèle le Dr Dabiré.

L'infirmier chef de poste, Noufou Sawadogo, confirme qu'au CSPS de Ziniaré, la lutte contre la poliomyélite se fait par deux voies avec des résultats palpables. « Il y a la voie orale et la voie injectable. Lorsque l'enfant naît le premier jour, nous administrons deux gouttes qu'on appelle polio 0. À deux mois, nous administrons encore deux gouttes », explique-t-il.

Forte mobilisation

La vaccination est donc l'un des moyens privilégiés de prévention contre la polio. « L'enfant qui avale les gouttes orales de vaccin contre la poliomyélite peut être protégé contre l'incapacité de marcher ou de mourir de la maladie », affirme l'infirmier Noufou Sawadogo. L'agent de santé constate une forte adhésion pour la voie orale. 

La vaccination orale est l'option choisie par Aminata Kaboré, mère d'un garçonnet de 4 ans. Elle justifie son choix par le fait que cela soit « efficace, indolore et ne laisse aucune trace sur l'enfant ». « Il ne ressent rien. C'est comme s'il buvait de l'eau. Je n'ai aucun enfant atteint de polio grâce à la vaccination », se réjouit-elle. 

Les vaccinateurs affirment que les campagnes de riposte contre la polio connaissent de fortes mobilisations des autorités administratives, coutumières et religieuses. Selon l'équipe déployée à Ziniaré dans le cadre de la vaccination, la campagne connaît un franc succès en raison de la sensibilisation et de la mobilisation populaire. Les populations ont largement adhéré à la campagne et acceptent sans hésiter de faire vacciner les enfants. « Aucun cas de refus n'a été notifié », confirme le médecin chef du district sanitaire de Ziniaré.

Au-delà de 100% de vaccinés

Selon le Dr Orokia Dabiré, les femmes de la province de l'Oubritenga (dont Ziniaré est le chef-lieu) ont compris l'importance de faire vacciner leurs enfants. « Toute femme qui accouche d'un enfant nous harcèle pour avoir son vaccin, qu'il soit oral ou injectable, selon le calendrier en vigueur. À ce niveau, on ne souffre même pas. Même pendant les campagnes, vraiment, il y a une forte adhésion. Nous réalisons souvent des pourcentages au-delà de 100%. Notre stratégie pour obtenir ces bons résultats au plan national, c'est la sensibilisation », soutient le chef de poste.

Outre les séances de vaccination hebdomadaires, les centres de santé organisent parfois des campagnes de vaccination inopinées, destinées aux enfants de 0 à 23 mois, précise-t-il. « Mon conseil à ceux ou celles qui hésitent est de ne pas se tromper, de revenir à la raison et d'administrer correctement le vaccin à leurs enfants. Parce que si un enfant contracte la polio, le temps de diagnostiquer, la maladie sera déjà à la phase invalidante, la paralysie des membres », insiste l'infirmier d'État. Il invite donc tous les parents à adhérer massivement aux stratégies de vaccination préventive pour toujours barrer la route au virus au Burkina.


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