Une campagne historique contre la fièvre typhoïde au Burkina Faso

Face à la recrudescence de la fièvre typhoïde, le Burkina Faso a lancé une campagne de vaccination massive du 23 au 29 janvier 2025, protégeant plus de dix millions d’enfants. Un tournant décisif dans la lutte contre cette maladie, l’une des principales causes d’hospitalisation du pays. Désormais intégré à la vaccination de routine, ce vaccin conjugué offre une protection durable, mais la bataille contre la typhoïde ne s’arrête pas là.

  • 13 février 2025
  • 6 min de lecture
  • par Abdel Aziz Nabaloum
Des enfants font la queue sous un arbre pour recevoir le vaccin contre la fièvre typhoïde lors de la campagne nationale de vaccination au Burkina Faso en janvier 2025. Crédit : Abdel Aziz Nabaloum
Des enfants font la queue sous un arbre pour recevoir le vaccin contre la fièvre typhoïde lors de la campagne nationale de vaccination au Burkina Faso en janvier 2025. Crédit : Abdel Aziz Nabaloum
 

 

Dans la chaleur matinale de Ouagadougou, devant le Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Tanghin-Dassouri, une file de parents attend patiemment. Dans ses bras, Josiane Ilboudo tente de consoler sa fille Inès, trois ans, qui vient de recevoir une injection. Encore en pleurs, l’enfant se blottit contre sa mère, cherchant du réconfort. « Je suis soulagée, vraiment soulagée. C’est notre responsabilité en tant que parents de protéger nos enfants contre ces maladies. »

À ses côtés, Rosine Dayamba, portant sa fille Noura, deux ans, affiche un large sourire. « Aujourd’hui est un grand jour pour nous. Nos enfants sont enfin protégés. »

Comme Inès et Noura, plus de dix millions d’enfants burkinabè âgés de neuf mois à quatorze ans ont été vaccinés contre la fièvre typhoïde lors d’une campagne de vaccination nationale d’une ampleur inédite. Pendant une semaine, du 23 au 29 janvier 2025, des milliers de professionnels de santé ont sillonné les villes et les villages du pays, vaccinant dans les écoles, les marchés, et les centres de santé. L’objectif : barrer la route à cette maladie qui, chaque année, frappe durement le Burkina Faso.

Une menace persistante

La fièvre typhoïde, causée par la bactérie Salmonella Typhi, se transmet principalement par l’eau et les aliments contaminés. Dans un pays où l’accès à l’eau potable et à l’assainissement reste un défi, elle touche particulièrement les enfants et les adolescents. Selon les données du ministère de la Santé, plus de 120 000 cas ont été enregistrés en 2023, un chiffre en hausse par rapport aux années précédentes.

« On m’a dit que ce vaccin la protégera contre la fièvre typhoïde, c’est un grand soulagement. »

- Sawadogo Alida, mère d'Ornella, âgée de 13 mois

Les hôpitaux burkinabè enregistrent chaque année des milliers de cas de fièvre typhoïde, qui se manifeste par de fortes fièvres, des douleurs abdominales et des complications parfois mortelles. En 2023, la maladie représentait le 5e motif d’hospitalisation avec 17 844 cas, un chiffre en hausse par rapport aux années précédentes. Quant aux consultations externes, elles ont explosé, passant de 88 792 cas en 2021 à plus de 120 000 en 2023.

Face à cette situation, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande depuis 2017 l’introduction du vaccin anti-typhoïde dans les programmes de vaccination systématique. « Ce vaccin est sûr, efficace et accessible gratuitement », rappelle le Dr Seydou Coulibaly, représentant de l’OMS au Burkina Faso.

Une mobilisation sans précédent

Pour mettre en œuvre cette campagne, le gouvernement burkinabè a mobilisé 16,2 milliards de francs CFA, avec un soutien financier de Gavi, l’Alliance du vaccin, qui a fourni près de 12 milliards de francs CFA pour l’achat des doses. Il s’agit d’un vaccin conjugué, particulièrement efficace : une seule injection confère une protection qui peut durer plus de cinq ans.

Un agent de santé administre un vaccin contre la typhoïde à une jeune fille lors de la campagne nationale de vaccination au Burkina Faso en janvier 2025.
Crédit : Abdel Aziz Nabaloum

Sur le terrain, la campagne a mobilisé plus de 52 000 agents de santé et volontaires. Dans les grandes villes comme Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, les centres de vaccination ont été installés dans des écoles et des marchés pour toucher le plus grand nombre. Dans les zones rurales, des équipes mobiles ont parcouru des kilomètres pour atteindre les villages isolés.

Catherine Zida, mère de jumeaux, a entendu parler de la campagne à la radio. Elle n’a pas hésité à se rendre au CSPS de Tanghin-Dassouri avec ses fils Aziz et Soumaila, âgés de quatre ans. « Je veux qu’ils soient en bonne santé, même si je ne connais pas bien cette maladie. Je fais confiance aux médecins », confie-t-elle après avoir vu ses enfants recevoir leur injection.

Un succès dépassant les attentes

Le 30 janvier, au lendemain de la fin de la campagne, les autorités sanitaires ont dévoilé des résultats impressionnants. Alors que l’objectif initial était de vacciner un peu plus de dix millions d’enfants, le nombre final de vaccinations a atteint 10,2 millions, soit un taux de couverture de 100,2 %. Un chiffre qui s’explique par la forte mobilisation des parents et l’adhésion massive des populations.

Devant le CSPS, Sawadogo Alida ne cache pas sa satisfaction. Serrant contre elle sa fille Ornella, âgée de 13 mois, elle savoure un instant de répit. « On m’a dit que ce vaccin la protégera contre la fièvre typhoïde, c’est un grand soulagement. »

« Comme pour la polio ou la méningite, nous espérons que la fièvre typhoïde deviendra de plus en plus rare dans nos hôpitaux. Chaque mois, nous allons organiser des campagnes en stratégie avancée pour toucher un maximum d’enfants. »

- Sabine Nyangao, infirmière au CSPS de Tanghin-Dassouri,

Ce succès encourage les autorités à aller plus loin. Dès le lendemain de la campagne, le vaccin contre la fièvre typhoïde a été intégré dans le programme de vaccination de routine. Désormais, les nourrissons pourront recevoir cette protection dès l’âge de neuf mois.

Une lutte qui ne fait que commencer

Si cette campagne marque une avancée majeure, les défis restent nombreux. La fièvre typhoïde est une maladie liée aux conditions sanitaires, et la vaccination seule ne suffira pas à l’éradiquer. L’amélioration de l’accès à l’eau potable et aux infrastructures d’assainissement reste un enjeu crucial.

Pour s’assurer que la population continue d’adhérer à la vaccination, un vaste plan de communication a été mis en place. « Nous avons mené des campagnes d’information via les médias, les réseaux sociaux et les leaders communautaires pour lutter contre la désinformation », explique Somé Vouanda, conseiller en management des services de santé à la DPV.

Sabine Nyangao, infirmière au CSPS de Tanghin-Dassouri, est convaincue que l’intégration du vaccin dans le programme de routine va changer la donne. « Comme pour la polio ou la méningite, nous espérons que la fièvre typhoïde deviendra de plus en plus rare dans nos hôpitaux. Chaque mois, nous allons organiser des campagnes en stratégie avancée pour toucher un maximum d’enfants. »

Les relais communautaires joueront un rôle clé dans cette sensibilisation. En allant au contact des familles, ils permettront de convaincre les parents encore hésitants. Lors des consultations pédiatriques, les mères seront également informées sur les bienfaits du vaccin et incitées à faire vacciner leurs enfants.

Ce succès burkinabè s’inscrit dans un mouvement plus large : en 2025, trois autres campagnes de vaccination de grande ampleur auront lieu au Kenya, au Bangladesh et au Niger. En étant le premier pays à lancer cette initiative cette année, le Burkina Faso montre la voie et témoigne de l’engagement croissant de plusieurs nations pour enrayer la fièvre typhoïde à travers la vaccination.


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