Au Burundi, la vaccination entravée par le changement climatique

La zone de Gatumba, située dans la commune de Mutimbuzi et frontalière de la RDC, fait partie des localités durement touchées par d'importantes inondations. L'un des défis observés sur le terrain est la difficulté d'assurer la vaccination des enfants. Malgré la résilience démontrée par les parents, le personnel soignant et les agents de la santé communautaire, un renfort supplémentaire est ardemment souhaité.

  • 25 janvier 2024
  • 5 min de lecture
  • par Diane Ndonse
Olive Nshimirimana, victime des inondations à Gatumba. Crédit : Diane Ndonse
Olive Nshimirimana, victime des inondations à Gatumba. Crédit : Diane Ndonse
 

Ces dernières années, le Burundi a été confronté à des inondations provoquées par des précipitations intenses. Des pluies torrentielles ont engendré des inondations dévastatrices dans la région des Grands Lacs de l'Afrique de l'Est, touchant le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Ces événements ont entraîné le déplacement de milliers de personnes et causé des pertes en vies humaines. Selon les informations de l'ONU, le Burundi est classé parmi les 20 pays les plus vulnérables au changement climatique dans le monde.

La zone de Gatumba, localisée dans la commune de Mutimbuzi en province de Bujumbura, se trouve parmi les régions les plus fortement touchées. Les habitants de cette zone ont été contraints de chercher refuge dans des écoles, des églises, ou parfois dans des abris de fortune improvisés au bord de la route dans la zone rurale de Gatumba. En 2023, les Nations Unies ont estimé à plus de 10 000 le nombre de personnes déplacées uniquement dans cette zone suite aux inondations.

Des conséquences sur la vaccination

Les répercussions sont considérables pour les ménages, qui non seulement ont perdu leur maison, mais ont également vu leurs moyens de subsistance disparaître en raison des récoltes endommagées. De nombreuses maisonnettes sont désormais recouvertes de sachets ou de petites bâches, démontrant la familiarité des habitants avec ces événements climatiques extrêmes. « Nous vivons dans des situations très difficiles et nous nous sommes habitués à vivre dans des tentes », témoigne Nsabimana Vianney, un résident du quartier.

Le Burundi est classé parmi les 20 pays les plus vulnérables au changement climatique dans le monde.

Avec ces inondations, les risques de problèmes de santé publique pour les personnes déplacées et hébergées sont accrus. L'épidémie de choléra survenue en janvier 2023 en est un exemple frappant. Près de la moitié des cas confirmés dans la province de Bujumbura au 4 mai 2023 étaient localisés dans la région de Gatumba, entraînant malheureusement un décès, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies.

Accès aux vaccins à tout prix

Parmi les nombreux défis auxquels font face les habitants de Kinyinya, l'accès aux vaccins se révèle être une préoccupation majeure. « Lors des fortes inondations, je n'ai pas pu amener mon enfant de 9 mois pour la vaccination », relate Olive Nshimirimana, une jeune femme vivant seule avec ses trois enfants. Malgré cela, elle mentionne avoir été accueillie avec deux mois de retard au centre de santé, permettant finalement la vaccination de son enfant. Dans une situation de délaissement par son mari depuis trois ans, elle assure que tous ses enfants sont à jour dans leurs vaccinations.

Angeline Ndabirabe, agente de la santé communautaire à Gatumba.
Crédit : Diane Ndonse

Lagrange Ndayishemeze, une autre jeune femme de la même localité, souligne que parfois, les fiches de suivi des vaccinations sont perdues en cas d'inondation ou de déplacement soudain. Ces incidents soulignent les obstacles pratiques auxquels sont confrontés les parents, rendant essentielle la mise en place de solutions pour garantir un accès continu et ininterrompu aux services de vaccination, même dans des conditions difficiles.

La synergie entre le personnel des services de santé et les agents de santé communautaire

Au Centre de Santé de Gatumba, le personnel bénéficie de l'assistance précieuse des agents de santé communautaires pour assurer le suivi de la vaccination des enfants. Selon Violette Ngendakumana, une infirmière rencontrée à son lieu de travail, des cas d'abandon sont observés. Dans ces situations, les agents de santé interviennent pour retrouver les mères dont les enfants ont pris du retard dans le calendrier recommandé de vaccination. Cette mission s'avère ardue, étant donné que les familles sont souvent contraintes de déménager, entraînant la perte des fiches de vaccination ou le non-respect des rendez-vous pour la prochaine campagne de vaccination.

Violette Ngendakumana, infirmière au Centre de Santé de Gatumba.
Crédit : Diane Ndonse

Le rôle crucial des agents de santé communautaires consiste à vérifier de manière systématique si chaque enfant a bénéficié du vaccin. « Je dois vérifier dans chaque ménage que tous les enfants sont vaccinés », partage Angeline Ndabirabe, une agente de la santé communautaire.

Elle souligne également les défis auxquels les agents de santé communautaires sont confrontés au quotidien, en particulier le manque de bottes alors qu'ils sont amenés à traverser des eaux souillées à pied. Ces difficultés matérielles mettent en lumière la nécessité d'un soutien logistique accru pour renforcer l'efficacité de leurs efforts sur le terrain.

Un chemin vers la sécurité

Le gouvernement affirme déployer des efforts pour garantir l'accès aux soins de santé des personnes déplacées. « Ces déplacés doivent quitter cet endroit exposé aux inondations. Nous avons mis à disposition 6 hectares de terres dans la commune Mutimbuzi et 5 hectares dans la commune Kabezi pour eux. Cependant, ils ont besoin d'un soutien pour la construction de leurs maisons », a déclaré Anicet Nibaruta, directeur général de la Plate-forme nationale pour la prévention et la gestion des catastrophes naturelles. Cette plate-forme, relevant du ministère de l'Intérieur, a pour mission de fournir des informations d'alerte précoce et de gérer les catastrophes dans le pays. 

Selon M. Nibaruta, le Burundi perd environ 92 millions de dollars américains chaque année en raison des dégâts liés au changement climatique.


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