Mauritanie : un vaccin six-en-un pour protéger chaque enfant, plus vite et plus simplement

En juillet 2025, la Mauritanie a intégré le vaccin hexavalent à son programme national de vaccination. Financée par Gavi, l’Alliance du Vaccin, cette initiative réunit en une seule injection la protection contre six maladies mortelles, allégeant le fardeau des familles et des soignants, de la capitale animée aux confins reculés du désert.

  • 18 novembre 2025
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Depuis juillet 2025, la Mauritanie utilise le vaccin hexavalent, qui réunit en une seule injection la protection contre six maladies infantiles. Crédit : Yamina Bendaïda
Depuis juillet 2025, la Mauritanie utilise le vaccin hexavalent, qui réunit en une seule injection la protection contre six maladies infantiles. Crédit : Yamina Bendaïda
 

 

Dans la chaleur de Nouakchott, des mères attendent patiemment avec leurs nourrissons. Pour elles, le trajet jusqu'au centre de santé est un effort, mais un effort nécessaire pour la santé de leurs enfants. Depuis le 1er juillet 2025, cet effort est un peu allégé.

La Mauritanie a intégré le vaccin hexavalent à son programme national de vaccination : une avancée majeure qui réunit, en une seule injection, la protection contre six maladies graves – la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l’hépatite B, les infections à Haemophilus influenzae type b (Hib) et la poliomyélite. Jusqu’alors, les enfants recevaient le vaccin pentavalent (cinq maladies) puis une injection séparée contre la polio. Passer de plusieurs piqûres à une seule représente bien plus qu’un simple confort : c’est un gain d’efficacité, de temps et d’équité.

Dans un pays où le taux de mortalité infantile s’élevait à 28,5 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2025, chaque progrès en matière de couverture vaccinale est décisif.

« L’objectif principal est de réduire le nombre d’injections et de simplifier le calendrier vaccinal », explique le Dr Mohamedou Mohamed Ahmed, du Programme Élargi de Vaccination (PEV) au ministère de la Santé. « Cette simplification est un levier puissant pour s’assurer que chaque enfant reçoive toutes les doses nécessaires, à temps. »

Selon les dernières estimations WUENIC publiées par l’OMS et l’UNICEF, la couverture pour les trois doses du vaccin DTP atteignait 90 % en Mauritanie en 2024, tandis que celle du vaccin antipoliomyélitique inactivé (VPI) restait plus basse, à 67 %. En combinant ces vaccins, le nouvel hexavalent vise à combler cet écart et à garantir que chaque enfant bénéficie d’une protection complète.

Depuis son introduction il y a plus d’un demi-siècle, la famille des vaccins DTP a permis de sauver plus de 40 millions de vies dans le monde — une trajectoire que l’hexavalent vient prolonger.

Tfarah, infirmière et mère, ambassadrice du vaccin auprès de son entourage

Tfarah, infirmière d’État et mère de quatre enfants, incarne cette transition entre l’ancien et le nouveau schéma vaccinal. Son dernier-né, né peu après l’introduction du vaccin, a reçu l’hexavalent au centre de santé du Ksar.

« Lors de sa deuxième visite, les soignants m’ont expliqué que le nouveau vaccin combinait le Penta et celui contre la polio. Une seule injection suffit pour protéger contre six maladies », raconte-t-elle.

Carnet de vaccination d’un nourrisson à Nouakchott, mis à jour après l’introduction du vaccin hexavalent en Mauritanie.
Crédit : Yamina Bendaïda

Elle se souvient que son bébé a eu une légère fièvre et la cuisse sensible pendant quelques heures, « comme souvent après un vaccin », mais tout est vite rentré dans l’ordre. « Les médecins avaient bien expliqué que c’était normal. Grâce à ces explications, je n’ai pas eu peur », souligne-t-elle.

Forte de son expérience professionnelle, Tfarah insiste aussi sur l’importance du geste technique. « Quand l’injection est bien faite, il n’y a aucun problème », explique-t-elle. « Les infirmières sont bien formées et savent comment procéder pour que les enfants soient protégés dans les meilleures conditions. »

Tfarah a découvert l'existence de l'hexavalent avant même de venir au centre de santé. « Je l'ai appris à travers la télévision, sur Facebook, sur la page de l'administration de la santé », explique-t-elle.

Convaincue de son importance, Tfarah en a parlé autour d'elle. « Avec mes sœurs, des amis, tout le monde. Je leur ai dit que le nouveau vaccin offrait une protection plus complète », raconte-t-elle. Mais les réactions ont été mitigées. « Il y en a certaines qui hésitent encore, préoccupées par le fait que ce soit six vaccins au lieu de cinq », reconnaît-elle. « Mais il y a d'autres, les plus informées, qui comprennent que c'est pour le bien des enfants et que cette protection renforcée est essentielle. »

Cette hésitation de certaines mères illustre l'importance de la sensibilisation. Le message de Tfarah aux autres parents est sans équivoque : « Vous devez aller à l'hôpital, aller vous renseigner et vraiment vous occuper des vaccins pour vos enfants, car c'est important. Je leur recommande vivement d'y aller. »

Au centre du Ksar : un hub de vaccination transformé

Le centre de santé du Ksar, où Tfarah a fait vacciner son fils, est le point de stockage pour toute la moughataa (district). Le Dr Sidi, médecin-chef du centre, accueille chaque jour entre 80 et 100 enfants pour la vaccination.

« Avant, le bébé recevait deux injections distinctes – le pentavalent et le vaccin contre la polio (VPI). Désormais, une seule piqûre suffit pour protéger contre les six maladies », explique-t-il lors d’un entretien réalisé en septembre 2025.

« Les mères comprennent mieux maintenant », poursuit le Dr Sidi. « Avant, les parents trouvaient qu’il y avait trop d’injections. Aujourd’hui, elles sont contentes : elles gagnent du temps et leurs enfants reçoivent moins de piqûres. »

Pour le Dr Sidi et son équipe, l'hexavalent a également révolutionné la gestion quotidienne du centre. « Nous avions un petit frigo qui ne pouvait pas prendre tous les vaccins », raconte-t-il. « Maintenant, notre frigo peut tout stocker. » Cette optimisation de l'espace de stockage est cruciale dans un contexte où la chaîne du froid reste un défi, avec une capacité nationale limitée à 45 % après la période COVID.

La réduction des déchets médicaux est un autre bénéfice majeur. Dans un centre qui vaccine des dizaines d'enfants chaque jour, cette réduction se chiffre en centaines de seringues économisées chaque mois, allégeant la charge de travail du personnel et l'impact environnemental.

Une infirmière élimine une seringue après une séance de vaccination au centre de santé du Ksar, à Nouakchott. Avec l’introduction du vaccin hexavalent, la réduction du nombre d’injections allège aussi la gestion quotidienne des déchets médicaux.
Crédit : Yamina Bendaïda

L’introduction de l’hexavalent n’a pas été sans appréhension. « Au début, il y avait des craintes d’allergies ou d’effets secondaires », reconnaît le Dr Sidi.

Un travail intensif de sensibilisation, mené par les soignants eux-mêmes, a vite rassuré les familles. En parallèle, le Programme Élargi de Vaccination a formé les médecins-chefs et les points focaux de chaque moughataa, qui ont à leur tour encadré les équipes de terrain.

« Au bout de deux semaines, tout le monde était rodé », se félicite le médecin.

Une coordination exemplaire portée par un engagement national fort

L’introduction de l’hexavalent s’appuie d’abord sur l’engagement du gouvernement mauritanien, qui a sollicité l’appui de Gavi pour effectuer la transition et qui en partage le financement conformément au modèle de cofinancement de l’Alliance. Le ministère de la Santé a intégré le nouveau vaccin dans le programme national, organisé la formation des équipes et ajusté les circuits logistiques à l’échelle des moughataas.

Autour de cet investissement national, les partenaires techniques ont joué un rôle complémentaire : l’OMS pour l’appui technique, l’UNICEF pour l’approvisionnement et la logistique, et Gavi pour faciliter l’accès au vaccin et accompagner la transition. « La demande de financement a été déposée rapidement et l’introduction s’est déroulée dans les délais », souligne le Dr Mohamedou Mohamed Ahmed du Programme Élargi de Vaccination.

Pour le Dr Nasserdine, de l’OMS Mauritanie, cette réussite tient à la solidité de cette coordination : « Nous n’avons pas constaté de MAPI graves, seulement des effets mineurs tout à fait normaux. L’introduction s’est faite sans difficulté majeure grâce à l’engagement du gouvernement et au travail conjoint de tous les partenaires. »

Vers l'éradication de la polio et au-delà

Ce nouveau vaccin est une pièce maîtresse dans la stratégie mondiale d'éradication de la poliomyélite. En intégrant le vaccin antipoliomyélitique inactivé (VPI) dans une seule injection avec d'autres vaccins essentiels, la Mauritanie augmente les chances que les enfants reçoivent une protection complète. Le pays n'a pas signalé de cas de poliovirus sauvage depuis 2010, mais la vigilance reste de mise. L'hexavalent est un rempart supplémentaire contre la résurgence de la maladie.

Lors de la cérémonie de lancement officiel le 30 juin 2025, la Dre Charlotte Faty Ndiaye, Représentante de l'OMS en Mauritanie, a qualifié cette introduction de « progrès qui sauve des vies, renforce les systèmes de santé et témoigne d'un engagement politique fort ». Elle a toutefois rappelé que des défis subsistent, notamment pour atteindre les enfants zéro dose qui n'ont reçu aucun vaccin.

Pour desservir toute sa population, la Mauritanie déploie trois stratégies de vaccination : une stratégie fixe dans les centres de santé, une stratégie avancée pour les localités situées entre 5 et 10 kilomètres, et une stratégie mobile avec des équipes en 4x4 pour atteindre les zones les plus reculées. Dans ce contexte, la simplification apportée par l'hexavalent est inestimable.

Malgré les obstacles qui subsistent – communication insuffisante dans les zones rurales, chaîne du froid limitée, nécessité d'atteindre les enfants zéro dose – l'élan est positif. L'introduction de l'hexavalent en Mauritanie, l'un des premiers pays à faible revenu à le faire avec le Sénégal, marque une étape décisive vers l'équité vaccinale. Après plus de vingt ans d'utilisation dans les pays riches, ce vaccin combiné est enfin accessible aux enfants qui en ont le plus besoin. 

Comme le dit Tfarah avec conviction : « Vous devez vraiment vous occuper des vaccins pour vos enfants, car c'est important. » C'est une promesse d'un avenir en meilleure santé, avec moins de piqûres et plus de vies protégées.