Comment la vaccination éclaire le chemin des femmes déplacées subissant des grossesses non désirées au Burkina

Dans les camps de déplacés de Kaya, situés à 100 km de Ouagadougou, de nombreuses jeunes filles sont confrontées à des grossesses non désirées. Exposées aux maladies infectieuses, les professionnels de la santé, à travers la vaccination, déploient des efforts considérables pour assurer la santé des mères et des nouveau-nés.

  • 7 août 2023
  • 6 min de lecture
  • par Abdel Aziz Nabaloum
Séance de vaccination des femmes enceintes contre les maladies infectieuses. Crédit : Abdel Aziz NABALOUM
Séance de vaccination des femmes enceintes contre les maladies infectieuses. Crédit : Abdel Aziz NABALOUM
 

 

Survivantes d'agressions

Fragile et pâle, Lamoussa ignore qu'elle porte un enfant. Après une consultation de 30 minutes au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) du secteur 6 de Kaya, le diagnostic est sans équivoque : Lamoussa, âgée de 14 ans, est enceinte de trois mois. Maïga, homme d'une quarantaine d'années, lui a imposé cette grossesse avant de disparaître. « Je suis entrée dans sa cour pour proposer du poisson fumé que je vendais, et il m'a contrainte à avoir des rapports sexuels avec lui. C'était la première fois que je le rencontrais », confie la jeune fille. L'identité précise de son agresseur demeure une énigme pour elle.

En tant que mineure, Lamoussa court un risque élevé de complications liées à sa grossesse, précise la sage-femme Simone Samandoulgou. De plus, elle souffre de paludisme, de diphtérie… des maladies infectieuses dont l'origine la laisse perplexe. Rapidement, la jeune déplacée reçoit des antipaludéens et le vaccin DTP (diphtérie, tétanos, poliomyélite). Orpheline de père et de mère, ayant abandonné l'école, elle a été contrainte, avec sa grand-mère, de quitter leur village Foubé pour trouver refuge à Kaya, à 100 km de la capitale. Désormais, Lamoussa est immunisée contre ces maladies.

Grossesses Kaya
De nombreuses grossesses sont enregistrées dans les camps de déplacés.
Crédit : Abdel Aziz Nabaloum

Dans les camps de déplacés, les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables aux maladies infectieuses. De plus, leurs nouveau-nés sont exposés à un risque accru de contracter certaines maladies. « Au sein de notre CSPS, nous constatons des maladies respiratoires (pneumonie, tuberculose), des maladies digestives (diarrhée, fièvre typhoïde), des maladies uro-génitales (IST) et des maladies parasitaires (paludisme) », témoigne le major du CSPS du secteur 6, Issa Sawadogo.

Les maladies infectieuses évitables par la vaccination sont responsables d'une importante morbidité et mortalité chez les mères, les nouveau-nés et les nourrissons.

Adjara, 19 ans, ayant fui les attaques terroristes à Barsalogho pour trouver refuge à Kaya il y a six mois, vit une situation similaire à celle de Lamoussa : elle est enceinte de cinq mois. Orpheline de mère, elle n'a jamais eu accès aux consultations prénatales. Oumarou, 27 ans, qui lui avait promis mariage, a disparu dès qu'il a appris qu'elle portait leur enfant. « Il m'a dit que deux mois de relation ne suffisaient pas pour me rendre enceinte. Honnêtement, je n'ai pas voulu cette grossesse. La perspective de porter un enfant me remplit de tristesse », confesse l'adolescente.

Protéger la mère et le futur bébé

Elle est maintenant accompagnée jusqu'au centre de santé, souffrant depuis des semaines de pharyngite, de fièvre, de pâleur, de douleurs à la déglutition, d'adénopathies sous les maxillaires (ou tuméfaction du cou) et de maux de tête. Son diagnostic : « elle souffre de diphtérie ». Tout comme Lamoussa, elle reçoit le vaccin DTP.

Vulnérables, éloignées de leur terre natale, sans ressources financières ni alimentaires, ignorant les méthodes contraceptives, ces jeunes filles déplacées se retrouvent souvent prises au piège de grossesses non désirées, comme de nombreuses adolescentes de leur âge fuyant les attaques terroristes. « À partir d'août 2020, nous avons enregistré plus de 300 accouchements mensuels. En avril dernier, nous en avons eu 332, et en mai 333, avec en moyenne 80 % de déplacées. La proportion de jeunes filles de 11 à 20 ans est de 35 à 40 % », révèle Salamata Sawadogo, sage-femme au CSPS du secteur 6.

« Notre centre de santé se trouve à proximité de la zone non lotie, où se trouvent principalement les déplacées. Étant donné le manque d'hygiène dû à leur forte concentration dans cette zone précaire, il est évident que les maladies infectieuses sont plus fréquentes. Les cas de paludisme et de diarrhée sont élevés. La diarrhée et la parasitose se classent en troisième position parmi les maladies infectieuses, après le paludisme et les pneumopathies », informe le major du CSPS du secteur 2 de Kaya, René Ouédraogo.

Le major René Ouédraogo du CSPS du secteur 2 de Kaya.
Le major René Ouédraogo du CSPS du secteur 2 de Kaya.
Crédit : Abdel Aziz Nabaloum

Les maladies infectieuses évitables par la vaccination sont responsables d'une importante morbidité et mortalité chez les mères, les nouveau-nés et les nourrissons, explique-t-il. La vaccination pendant la grossesse vise à protéger la mère, le fœtus et le nouveau-né. « Certaines femmes enceintes ne sont pas correctement vaccinées », déplore-t-il.

Les femmes enceintes ont tout intérêt à se faire vacciner pendant leur grossesse. À cet effet, une variété de vaccins (antigrippal, hépatite A et B, méningocoque, pneumocoque, tétanos, etc.) est mise gratuitement à disposition des déplacées enceintes. « Dans notre zone sanitaire, nous estimons que le taux de couverture vaccinale chez les femmes enceintes déplacées est de 80 % », révèle le major du CSPS du secteur 6. « Les jeunes filles déplacées fréquentent assidûment les consultations prénatales. Nous proposons tous les vaccins du programme élargi de vaccination, du BCG au pneumocoque, pour protéger les femmes enceintes contre les maladies infectieuses », rassure à son tour le major Ouédraogo.

Adhésion massive à la vaccination

Assèta, une jeune déplacée de 17 ans originaire de Foubé, a pris la décision de se faire vacciner pour protéger à la fois son bébé à naître et elle-même. Assise sur un banc devant la salle de consultation de la maternité du secteur 2, elle partage sans détour : « Je veux éviter les maladies que les filles de mon âge, avec leurs grossesses et leurs nourrissons, subissent en raison de nos conditions de vie et d'hygiène précaires. Étant déplacée, je souffre déjà. Je pense que la vaccination est le moyen le plus sûr de me protéger contre certaines infections ».

« Les effets positifs de l'immunisation pendant la grossesse sur le fœtus et le nouveau-né sont inestimables. La vaccination pendant la grossesse protège la mère contre les maladies évitables par la vaccination qui pourraient autrement être contractées et transmises au fœtus ou au nourrisson », insiste Awa Bazié, responsable du service maternité du CSPS du secteur 2 et sage-femme.

Pour éliminer les maladies infectieuses au sein des communautés déplacées, Awa Bazié souligne qu'il est crucial de multiplier les campagnes de sensibilisation afin de favoriser une adhésion massive à la vaccination. Pour atteindre cet objectif, elle estime nécessaire la mise en place de cliniques mobiles permanentes dans les camps de déplacés, offrant des services de vaccination jour et nuit pour répondre aux besoins des jeunes filles et des femmes en matière de vaccination.


Suivez l'auteur sur Twitter : @AbdelNabaloum