Comprendre comment l’anxiété se répand pour sauver des vies avec le vaccin contre le VPH

Dans le district rural de Mymensingh, le docteur Md. Tanvir Hossen, ancien directeur adjoint du programme de vaccination du Bangladesh et ancien consultant de l’Organisation mondiale de la Santé, remonte jusqu’à la source des rumeurs antivaccin.

  • 5 septembre 2025
  • 6 min de lecture
  • par Tanvir Hossen
Le responsable médical de contrôle des maladies informe des écolières sur la vaccination contre le VPH.
Le responsable médical de contrôle des maladies informe des écolières sur la vaccination contre le VPH.
 

 

Cette matinée du 11 novembre était magnifique dans le district de Mymensingh : par ma fenêtre, je voyais le soleil briller dans la douce fraîcheur du début de l’hiver bangladais. C’était mon deuxième jour de supervision d’une importante campagne nationale de vaccination contre le virus du papillome humain (VPH). Nous en étions à la dernière phase de la campagne, lancée le 24 octobre 2024. Un sprint final pour atteindre l’objectif du Bangladesh : protéger 95 % des filles âgées de 10 à 14 ans, c’est-à-dire les écolières de la cinquième à la neuvième année ou l’équivalent.

Le succès changerait le destin d’une génération, rien de moins. Le vaccin contre le VPH prévient efficacement la maladie silencieuse qu’est le cancer du col de l’utérus, l’une des principales causes de décès liés au cancer chez les femmes au Bangladesh, qui fait des milliers de victimes chaque année. Bien que la maladie soit évitable par la vaccination, le vaccin demeure méconnu, en particulier dans les zones rurales comme Mymensingh.

L’anxiété se répand

Depuis que le Bangladesh a introduit le vaccin contre le VPH dans son programme de vaccination systématique en 2023, l’accès au vaccin s’améliore dans tout le pays. Mais dans certains endroits, la désinformation entrave l’acceptation. Des rumeurs peuvent se répandre sur les plateformes de réseaux sociaux en quelques minutes.

Cela s’est produit récemment dans l’upazila [sous-district] de Jhinaigati, dans le district de Sherpur. Quelques groupes religieux se sont publiquement opposés au vaccin contre le VPH après que plusieurs jeunes filles soient tombées malades – la plupart d’entre elles s’étant évanouies – après avoir été vaccinées. L’incident a par la suite été diagnostiqué comme un syndrome collectif psychogène, ce qui signifie que les symptômes des jeunes filles étaient causés par l’anxiété plutôt que par un facteur physique.

Les adolescentes sont émotionnellement vulnérables et ont besoin de soins respectueux et de communication avant la vaccination.

Alors que les rumeurs se répandaient, les parents et les enseignants, en particulier ceux des madrasas, étaient de plus en plus réticents à permettre aux filles de se faire vacciner.

Rassurer la population

Le réseau des diagnostics in vitro de l’Organisation mondiale de la Santé, qui est au centre des programmes de vaccination au Bangladesh et ailleurs dans le monde, a commencé à diffuser des mises à jour quotidiennes dans un groupe WhatsApp interne. Des interventions visant à remédier à des problématiques émergentes ont été attribuées ; la mission qu’on m’a confiée consistait à prolonger mon séjour dans la division de Mymensingh, qui comprend le district de Sherpur.

Seulement quelques jours plus tôt, la fille du médecin en chef du district de Sherpur était tombée malade après avoir été vaccinée contre le VPH à l’école. J’avais visité cette école le jour même pour surveiller les activités, et j’avais constaté que la séance de vaccination se déroulait dans un espace ouvert, sous un toit de tôle chauffé par un soleil brûlant. Dans ces conditions, les filles qui attendaient dans la longue file d’attente pour se faire vacciner souffraient d’épuisement par la chaleur. J’ai recommandé de déplacer la séance vers un endroit plus frais et confortable, de préférence mieux ventilé et à l’ombre.

Le matin du 12 novembre 2024, je me suis rendu à l’upazila de Bhaluka, dans le but d’aider les responsables de la santé du gouvernement à réfuter des rumeurs néfastes, et ainsi améliorer la couverture vaccinale.

Le responsable médical a rassuré les écolières que le vaccin n’était pas en cause dans le malaise ressenti par leur camarade, qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter, et que si quoi que ce soit leur arrivait, on serait là pour s’occuper d’elles.

Le gestionnaire a mandaté le responsable médical de contrôle des maladies de m’accompagner. Ensemble, nous avons visité plusieurs madrasas et écoles où la couverture vaccinale était faible ou inexistante, et rencontré les directeurs et les enseignants pour répondre à leurs préoccupations et leur apporter des réponses claires et simples. Quelques écoles et madrasas ont accepté d’organiser des séances de vaccination pour leurs élèves à une date ultérieure.

Cet après-midi-là, le responsable médical a reçu un appel d’un vaccinateur lui signalant un cas suspecté de manifestations post-vaccinales indésirables dans une école à proximité. Suivant les instructions standard, nous nous sommes rendus rapidement à cette école, pour y trouver une fille allongée sur un lit en bois dans une salle attenante, entourée par ses parents et sa sœur jumelle, tous manifestement perturbés. Pendant ce temps, des écolières jetaient des regards inquiets par la fenêtre – j’ai compris que si nous n’intervenions pas immédiatement, la situation risquait de déclencher un nouvel épisode de syndrome collectif psychogène. Le vaccinateur nous a informés que près de 25 filles qui devaient être vaccinées avaient déjà quitté l’école, craignant de subir la même réaction que cette fille.

Alors, le responsable médical a commencé à examiner la fille malade, avec le consentement de ses parents, tandis que je parlais avec les filles qui attendaient à l’extérieur, dans l’espoir de les rassurer. « Nous sommes ici pour nous occuper de votre chère amie », leur ai-je dit. « Nous avons enquêté sur des incidents similaires qui se sont produits ailleurs dans le pays, et dans tous les cas, c’était un malaise lié à l’anxiété. »

Par la suite, j’ai également approché le directeur de l’école et d’autres enseignants, qui se sont montrés très coopératifs. Dans l’intervalle, le responsable médical a confirmé que la jeune fille était en bonne santé et exclu la possibilité d’une anaphylaxie – la fermeture des voies respiratoires par réaction allergique, un événement rare, mais qui peut se produire lors de l’administration de n’importe quel médicament à une personne pour la première fois. Il a également noté que la fille avait un historique d’évanouissement, lié à une ordonnance d’un neurologue réputé, sans constat clinique significatif.

Peu après, la fille était assise à côté de ses parents et de sa sœur jumelle. Elle a ensuite été renvoyée chez elle, avec les coordonnées du responsable médical au cas où elle aurait besoin d’une assistance médicale ou de soins de suivi.

 

MODC counselling the parents in front of the teachers.
Le responsable médical de contrôle des maladies conseille les parents en présence des enseignants.

Nous avons conseillé la mère et la sœur jumelle en présence des enseignants. La sœur a été vaccinée sans problème, et les autres filles ont suivi sans hésitation. Plus tard, les vaccinateurs m’ont confié que la majorité des filles qui s’étaient enfuies ce jour-là avaient été vaccinées par la suite.

 

Successful vaccination of the twin sister of the sick girl.
Vaccination réussie de la sœur jumelle de la fille qui a eu un malaise.

Il est important de noter qu’aucune des autres filles n’a eu de malaise, avant ou après l’incident. On a également appris que la fille avait l’estomac vide depuis le matin. Nous avons conclu la visite par un discours du responsable médical, prononcé dans l’enceinte de l’école en présence des enseignants et de toutes les écolières. Le responsable médical a rassuré les écolières que le vaccin n’était pas en cause dans le malaise ressenti par leur camarade, qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter, et que si quoi que ce soit leur arrivait, on serait là pour s’occuper d’elles.

Un âge sensible

Il est important de garder en mémoire que les adolescentes sont émotionnellement vulnérables et ont besoin de soins respectueux et de communication avant la vaccination.

Malheureusement, leurs besoins sont souvent négligés, en particulier dans les contextes où les files d’attente sont longues, les estomacs sont vides et on manque d’espaces privés et confortables pour la vaccination et l’observation post-vaccinale, ce qui est souvent le cas dans les campagnes à grande échelle. Toutefois, lorsque des incidents de ce type surviennent, on peut les gérer efficacement en faisant preuve d’un solide leadership, comme l’a fait ce responsable médical dans l’upazila de Bhaluka, dans le district de Mymensingh, avec le soutien technique de l’OMS.