Disponible en permanence : au Sri Lanka, le travail d’une sage-femme communautaire ne s’arrête jamais

Après plus d’un quart de siècle, Samanthi Priyangika Dias trouve toujours son travail « fascinant ». Elle souhaite également que les contributions des sages-femmes de santé publique soient mieux valorisées.

  • 8 avril 2024
  • 5 min de lecture
  • par Aanya Wipulasena
Samanthi Priyangika Dias et la sage-femme H. P. Nadeera s’arrêtent près de la voie de chemin de fer à la fin de leur travail sur le terrain. La communauté de la pêche a grandement besoin de leurs services. Crédit : Aanya Wipulasena
Samanthi Priyangika Dias et la sage-femme H. P. Nadeera s’arrêtent près de la voie de chemin de fer à la fin de leur travail sur le terrain. La communauté de la pêche a grandement besoin de leurs services. Crédit : Aanya Wipulasena
 

 

Samanthi Priyangika Dias occupe de nombreuses fonctions. Cette femme de 56 ans, originaire de Piliyandala, dans la banlieue de Colombo, est officiellement une responsable sage-femme de santé publique (SPHM, Supervising Public Health Midwife), un rôle essentiel dans le célèbre système de soins de santé primaires du Sri Lanka. Mais pour les familles dont elle s’occupe, elle est connue sous un nom plus simple : « Madame Tata ».

Pour ses collègues, elle est un mentor. Jusqu’à récemment, elle était la directrice de l’école du dimanche de son église ; elle est également mère et, bien sûr, sauveteuse. Qu’est-ce qui lui apporte le plus de joie ? S. Dias indique qu’il s’agit de travailler avec la communauté.

« J’aime travailler avec les communautés qui ont le plus besoin de mes services et, dans cette région, il y a des personnes extrêmement défavorisées qui ont besoin de notre aide. »

– Samanthi Priyangika Dias, responsable sage-femme de santé publique

S. Dias avait une vingtaine d’années lorsqu’elle a trouvé un emploi d’aide-soignante. Après le décès de son père, elle s’est occupée de sa mère et de ses frères et sœurs. Cela ne l’a pas fait douter de sa voie professionnelle.

« Je faisais beaucoup de choses pour les personnes dans le besoin et j’ai décidé de poursuivre mon travail de sage-femme », a déclaré S. Dias.

Elle a ensuite travaillé pendant 25 ans comme sage-femme à Piliyandala, avant d’être transférée à Egodauyana, à environ 13 km de Piliyandala, il y a six ans de cela.

Prête à tout

Aujourd’hui responsable sage-femme de santé publique, elle dirige 22 sages-femmes et s’occupe d’une population de plus de 80 000 habitants.

« La région dans laquelle je travaille est réellement fascinante. D’un côté, nous avons la communauté des pêcheurs sur la plage, et de l’autre, les travailleurs du bois, ainsi que les personnes à hauts revenus », a expliqué S. Dias.

Samanthi Priyangika Dias with a young mother. Teenage pregnancies are high in the area where they work.
Samanthi Priyangika Dias avec une jeune mère. Le nombre de grossesses chez les adolescentes est élevé dans la région où elle travaille.
Crédit : Aanya Wipulasena

Avec une population aussi diversifiée, S. Dias et les autres sages-femmes de la région doivent toujours être équipées pour faire face à toute problématique sanitaire ou sociale. Les plus grands défis de la région, selon S. Dias, sont les grossesses chez les adolescentes et la malnutrition.

« Nous travaillons sans relâche pour éduquer les jeunes filles à la santé sexuelle. L’an dernier, nous avons mis en place des équipes de jeunes et mené des programmes de sensibilisation », a-t-elle déclaré. À l’issue de leur formation, ces jeunes ont été invités à diffuser ces informations auprès de leurs camarades.

« Il arrive que des personnes me voient dans le bus et me demandent des conseils en matière de santé. Les gens viennent aussi chez moi et je reçois des appels téléphoniques en permanence. »

– Samanthi Priyangika Dias

Cette année, S. Dias et son équipe prévoient de sélectionner des régions où le taux de grossesse chez les adolescentes est élevé et d’utiliser de nouveaux moyens pour les éduquer. « Nous prévoyons des spectacles de rue », a-t-elle déclaré.

S. Dias dirige également un programme mensuel appelé « Yowun Piyasa » (plateforme pour la jeunesse) pour les enfants et les adolescents âgés de 10 à 19 ans, dans le cadre duquel elle effectue des examens médicaux, fournit les vaccins nécessaires et aide même les jeunes à trouver des services de conseil lorsqu’ils en ont besoin. Sur le terrain, elle sensibilise les jeunes qui vivent avec leur partenaire aux méthodes de planning familial.

Ces stratégies fonctionnent, comme en témoignent les données recueillies par S. Dias. Alors qu’en 2021, les grossesses d’adolescentes à Egodauyana représentaient 8,1 % du total des grossesses, en 2023, ce chiffre est tombé à 6,2 %.

« J’aime travailler avec des communautés qui ont le plus besoin de mes services et, dans cette région, il y a des personnes extrêmement défavorisées qui ont besoin de notre aide », a déclaré S. Dias.

« Madame Tata » à la rescousse

En général, S. Dias travaille cinq jours et demi par semaine. Au bureau, elle recueille les données des autres sages-femmes et les saisit dans le système. Cela l’aide à suivre les tendances en matière de santé.

Mais son travail ne s’arrête pas là. « Il arrive que des personnes me voient dans le bus et me demandent des conseils en matière de santé. Les gens viennent aussi chez moi et je reçois des appels téléphoniques en permanence », dit-elle en souriant, ajoutant qu’elle travaille jour et nuit.

Samanthi Priyangika Dias works day and night to serve her community. The scorching sun makes her work hard.
Samanthi Priyangika Dias travaille jour et nuit au service de sa communauté. Le soleil torride l’oblige à travailler dur.
Crédit : Aanya Wipulasena 

Les gens l’appellent affectueusement « Ape Missy » (notre Miss) ou « Miss Nanda » (Madame Tata), un signe, semble-t-il, de proximité. « Nous sommes toujours sur le terrain. Nous allons à la base et sur le pas de la porte pour fournir nos services. Cela nous rapproche des communautés avec lesquelles nous travaillons et elles nous font confiance », explique S. Dias.

« Quand nous allons sur le terrain, nous y allons avec deux paires d’yeux. Nous pouvons sentir instantanément si quelque chose ne va pas. »

– Samanthi Priyangika Dias

Sa proximité avec la communauté a littéralement sauvé des vies à de nombreuses reprises. Lors d’une de ses visites sur le terrain, elle a constaté que la plaie de la césarienne d’une jeune mère s’ouvrait à cause de sutures mal faites. S. Dias a immédiatement pris des mesures pour transporter la mère malade à l’hôpital. Le médecin qui s’est occupé de la nouvelle mère a félicité S. Dias pour sa rapidité d’action.

« Quand nous allons sur le terrain, nous y allons avec deux paires d’yeux. Nous pouvons sentir immédiatement si quelque chose ne va pas », a déclaré S. Dias.

Essentiel, mais souvent négligé

Mais, selon S. Dias, leur travail passe souvent inaperçu au plus haut niveau, bien que les sages-femmes en santé publique aient contribué au système de santé gratuit et universel du Sri Lanka largement salué. Il y a beaucoup à faire pour ces membres du personnel de santé.

« Le plus souvent, nous dépensons environ 10 % de notre salaire pour faire notre travail »

– Samanthi Priyangika Dias

Les sages-femmes comme S. Dias utilisent leur propre moyen de transport, souvent un scooter, pour se rendre sur le terrain. Elles reçoivent souvent une maigre somme de sept roupies sri-lankaises (0,023 USD) par kilomètre. Certaines sages-femmes ne disposent même pas d’un bureau fourni par le gouvernement et doivent payer jusqu’à 10 000 roupies sri-lankaises (près de 33 dollars) de leur poche pour louer une pièce afin d’ouvrir un bureau dans leur région.

Dans le contexte de la récente crise économique au Sri Lanka, les sages-femmes affirment qu’elles ne reçoivent souvent pas leur fournitures de bureau à temps, ce qui les oblige à acheter leur propre papier et leurs propres stylos pour faire leur travail.

« Le plus souvent, nous dépensons environ 10 % de notre salaire pour faire notre travail », a expliqué S. Dias, ajoutant que l’un des problèmes les plus urgents est le retard dans l’obtention des promotions.

Les membres du personnel de santé discutent actuellement avec le gouvernement pour obtenir une augmentation de l’allocation qui leur est versée, afin de refléter le coût actuel de la vie.

Néanmoins, les récents changements de politique incitent à l’optimisme, selon S. Dias. Les fonctionnaires du ministère de la Santé du Sri Lanka ont décidé de créer 11 écoles de sages-femmes dans toute l’île cette année. Actuellement, les élèves qui souhaitent devenir sages-femmes intègrent les écoles d’infirmières et de sages-femmes. La création d’écoles spécialisées dans la profession de sage-femme attirera à elle seule davantage de candidates, ce qui renforcera cette main-d’œuvre, espère S. Dias.

Pour l’heure, S. Dias attend avec impatience la Journée internationale de la femme. Elle a été invitée à plusieurs événements, notamment à diriger une équipe lors d’un camp de santé local, où elle donnera une conférence sur les problèmes de santé actuels.