Dans le Cameroun rural, les agents de santé communautaire constituent une passerelle vitale vers les soins

Les hôpitaux et les cliniques du Cameroun manquent cruellement de personnel. C’est aux agents de santé communautaires comme Sherika Joan qu’il revient de combler – parfois au sens littéral du terme – le fossé en matière de soins de santé.

  • 4 avril 2024
  • 4 min de lecture
  • par Nalova Akua
Sherika Joan et d’autres agents de santé communautaire traversent la rivière Myrin pour administrer des vaccins aux enfants camerounais. Crédit : Bernyuy Denis
Sherika Joan et d’autres agents de santé communautaire traversent la rivière Myrin pour administrer des vaccins aux enfants camerounais. Crédit : Bernyuy Denis
 

 

Sherika Joan, 57 ans, originaire du village reculé de Mbonso, dans la région nord-ouest du Cameroun, ne rêvait pas de devenir agent de santé communautaire, ayant abandonné l’école primaire pendant son enfance. Mais le fait d’avoir vu son fils bénéficier d’un traitement qui lui a sauvé la vie alors qu’il luttait contre le virus de la rougeole il y a une trentaine d’années l’a incitée à se positionner en première ligne de la santé publique.

« J’ai été touchée par les soins prodigués à mon enfant par les médecins de l’hôpital. Après que mon enfant a survécu à la rougeole, j’ai décidé de devenir agent de santé communautaire afin d’aider d’autres enfants. »

– Sherika Joan

Joan se remettait encore de la perte de son mari lorsque son fils, l’un de ses huit enfants, est tombé gravement malade de la rougeole. « Il avait des éruptions cutanées sur tout le corps. Ses yeux étaient rougeâtres et larmoyants. Il pouvait à peine manger. Nous avons passé plus de deux semaines à l’hôpital », se souvient Joan. « J’ai été touchée par les soins prodigués à mon enfant par les médecins de l’hôpital. Après que mon enfant a survécu à la rougeole, j’ai décidé de devenir agent de santé communautaire afin d’aider d’autres enfants », explique Joan à VaccinesWork lors d’un entretien téléphonique.

Aujourd’hui, Joan est membre du personnel de santé communautaire au centre de santé intégré de Mbonso.

When Sherika Joan isn't offering community health service, she's on the farm. Credit: Bernyuy Denis
Lorsque Sherika Joan n’offre pas de services de santé communautaire, elle travaille à la ferme.
Crédit : Bernyuy Denis

Comme la plupart des membres du personnel de santé dans le monde, Joan vit dans la communauté qu’elle sert. Comme beaucoup de ses millions d’homologues dans le monde, elle n’a aucune qualification professionnelle, mais, comme l’explique l’Organisation mondiale de la Santé, les membres du personnel de santé sont essentiels lorsqu’il s’agit d’étendre les services de soins de santé aux populations vulnérables. Il s’agit notamment des communautés vivant dans des zones reculées et des personnes historiquement marginalisées, auprès desquelles les membres du personnel de santé aident à répondre aux besoins non satisfaits en matière de santé, d’une manière culturellement appropriée.

Les rangs des membres du personnel de santé deviennent encore plus essentiels lorsque les échelons supérieurs de la pyramide des soins de santé manquent de personnel. L’OMS estime qu’au moins 2,5 membres du personnel médical – médecins, infirmiers/infirmières et sages-femmes – sont nécessaires pour 1 000 habitants afin d’assurer des interventions adéquates en matière de soins primaires, le Cameroun ne dispose que de 0,1 médecin pour 1 000 habitants, et 0,2 sages-femmes et infirmiers/infirmières.

En d’autres termes, les communautés dépendent beaucoup des agent de santé à l’image de Joan, qui, envers et contre tout, effectuent leur travail contre une rémunération anecdotique voire inexistante.

À Mbonso, Joan est surnommée « la Reine », en reconnaissance de ses services altruistes – elle répond à l’appel des médecins à toute heure. En plus de mener des campagnes de vaccination de routine dans cette région instable, Joan a également aidé des centaines de femmes à accoucher en toute sécurité. « Les hôpitaux sont situés loin de l’endroit où vivent la plupart des habitants des villages », explique Joan. « Certaines femmes arrivent alors qu’elles sont sur le point d’accoucher. Je les aide à accoucher et les accompagne ensuite à l’hôpital ».

Sherika Joan (au centre, au premier rang) pose avec d’autres membres du personnel de santé avant de se lancer dans une campagne de vaccination de routine. Credit: Bernyuy Denis
Sherika Joan (au centre, au premier rang) pose avec d’autres membres du personnel de santé avant de se lancer dans une campagne de vaccination de routine.
Crédit : Bernyuy Denis

Elle explique ensuite : « Avant chaque accouchement, je prie : Dieu, aide-moi à y parvenir parce que je n’ai pas la force de le faire ». Elle dit qu’elle ne demande pas un centime pour ce qu’elle fait. « Parfois, de bons samaritains m’offrent un cadeau symbolique, comme du savon, en remerciement de ce que je fais. »

Un ruisseau sans pont, la rivière Myrin, traverse le village de Mbanso. Le traverser pour accompagner les femmes enceintes à l’hôpital ou pour administrer les vaccins de routine aux enfants est généralement une tâche effrayante pour Joan. « À chaque fois que je traverse ce ruisseau, je confie ma vie à Dieu tout-puissant », explique Joan à VaccinesWork.

« J’ai traversé le ruisseau plusieurs fois en transportant de nombreux nouveau-nés au centre de santé ou en allant vacciner les enfants dans l’autre partie de la communauté ». Interrogée quant au risque d’être emportée par le courant violent, Joan affirme que le désir de faire vacciner tous les enfants de la communauté l’emporte sur tout le reste. « J’utilise toujours un bâton de marche pour traverser la rivière. Avant même de vous en rendre compte, vous avez fini de la traverser. »