Quand la technologie sauve des vies : les drones au service de la vaccination à Madagascar
Depuis octobre 2024, grâce à un financement de Gavi, des drones acheminent des vaccins vers des centres de santé isolés dans les régions d’Atsimo-Andrefana et d’Atsimo-Atsinanana, ainsi que dans certains districts des régions Anosy et Ihorombe. Cette initiative permet de réduire les trajets terrestres souvent longs et dangereux pour les soignants.
- 11 février 2025
- 5 min de lecture
- par Rivonala Razafison

Marie Totohery Velonarivo, infirmier et chef du centre de santé de base niveau 2 (CSB II) de Bereketa, se souvient encore de cette soirée. « En rentrant d’une réunion de travail à Sakaraha, j’ai été victime d’une attaque en chemin. » Les routes isolées et accidentées de cette région du sud-ouest malgache sont non seulement un cauchemar logistique, mais aussi le terrain de bandes de voleurs qui ciblent parfois les agents de santé en mission.
Dans ces zones enclavées, assurer l’accès aux soins est un combat quotidien. L’isolement, le manque d’infrastructures, les conditions climatiques et l’insécurité compliquent tout : livraison de vaccins, distribution de médicaments, suivi des patients... et les conséquences se traduisent par des pénuries fréquentes, un accès aux soins inégal et des enfants plus susceptibles de manquer leurs vaccins.
Pour faire face à ces défis, une solution aérienne – déjà en place dans d’autres régions de Madagascar – a été étendue à cette zone : depuis la fin de l’année dernière, des drones livrent directement des vaccins et des fournitures médicales dans 12 districts répartis sur trois régions, notamment à partir des zones de décollage de Sakaraha (Atsimo-Andrefana) et Vangaindrano (Atsimo-Atsinanana).
« Le trajet ne dure qu’une demi-heure », explique Miranto Andrianaly, responsable marketing et communication du projet. En évitant les routes impraticables et les risques d’attaque, ces petits engins volants assurent des livraisons sûres et rapides, y compris en pleine saison des pluies.
Cette initiative, menée par le ministère de la Santé publique, l’ONG PSI Madagascar et leurs partenaires, dont Gavi, a connu son premier vol test le 2 octobre, transportant une cargaison de 1 030 doses de vaccin. Depuis, l’opération est devenue une routine : chaque drone peut transporter jusqu’à 10 kg de fret pour des distances inférieures à 50 km, et 5 kg pour des trajets entre 50 et 100 km.
« Le trajet ne dure qu’une demi-heure », explique Miranto Andrianaly, responsable marketing et communication du projet. En évitant les routes impraticables et les risques d’attaque, ces petits engins volants assurent des livraisons sûres et rapides, y compris en pleine saison des pluies.
De la méfiance à l’adhésion
Pourtant, au départ, les drones n’ont pas suscité l’enthousiasme. « Les gens ont hésité », reconnaît le chef du CSB II de Bereketa. Certains étaient sceptiques, d’autres se demandaient si ces appareils volants transportaient vraiment des vaccins.
Il a fallu une mobilisation massive pour désamorcer les réticences : les autorités politiques, administratives, religieuses et traditionnelles (APART) ont été impliquées, des influenceurs locaux ont pris le relais et une campagne de sensibilisation a été menée. « Nous avons expliqué à la population l’impact de cette technologie sur la santé humaine », raconte Andrianaly.

Crédit : PSI Madagascar
Un événement a tout accéléré : une campagne de vaccination contre la rougeole qui a coïncidé avec une première livraison par drone. « Les habitants ont vu de leurs propres yeux que les paquets contenaient bien des vaccins, des médicaments et des consommables de santé, et non autre chose », ajoute Wellydo Rocky Walfred Rakotovelo, superviseur logistique drones pour la région Atsimo-Andrefana.
Désormais, les jours de livraison, les mères viennent s’assembler au CSB avec leurs enfants, attendant l’arrivée des vaccins.
Une révolution sanitaire en cours
Le projet de livraison par drone ne se limite pas à Sakaraha. Depuis 2019, cette technologie a fait ses preuves dans le nord-est de Maroantsetra avant d’être étendue en 2022 aux régions d’Atsinanana et de Sava. En 2023, la région de Melaky et la ville de Maintirano ont rejoint l’initiative.
Pour aller plus loin
Depuis 2024, grâce au soutien financier de Gavi, deux zones de lancement ont été mises en place pour les livraisons par drone : l'une à Sakaraha (région Atsimo-Andrefana) et l'autre à Vangaindrano (région Atsimo-Atsinanana). Ces drones permettent de livrer des vaccins dans 12 districts répartis sur trois régions.
Dans la région Atsimo-Andrefana, le projet couvre 5 districts : Sakaraha, Toliara II, Morombe, Betioky et Ankazoabo Sud, avec un total de 68 Centres de Santé de Base (CSB) identifiés.
Dans la région Atsimo-Atsinanana ainsi que les régions Anosy et Ihorombe, ce sont 7 districts qui bénéficient du projet : Vangaindrano, Farafangana, Midongy Atsimo, Befotaka, Iakora, Vondrozo et Taolagnaro, avec 120 CSB identifiés.
Dans le district de Vangaindrano, 44 CSB ont été validés et sont actuellement desservis par drone.
Certains CSB très enclavés, situés à plus de 100 km de la zone de décollage, ne peuvent pas être atteints directement. Pour ces cas, des CSB relais ont été désignés afin de servir de points intermédiaires où les vaccins et les intrants de santé sont livrés avant d’être redistribués aux CSB plus isolés.
Et ce ne sont pas seulement les vaccins qui sont acheminés vers les zones difficiles d’accès. « Les drones jouent un rôle clé dans la lutte contre le paludisme, le VIH et la tuberculose », souligne un responsable du projet. Dans certaines régions comme Ranomafana-Ifanadiana, ils livrent aussi des produits de planification familiale.
Faire face aux imprévus
Malgré le succès du projet, des obstacles subsistent. Les conditions météorologiques constituent un défi majeur : « Le vent se lève dans l’après-midi, et parfois il y a de la grêle », explique Rakotovelo. Pour éviter ces difficultés, la majorité des vols sont programmés le matin. Et si les quarante vols hebdomadaires ne peuvent être effectués en raison du mauvais temps, ils sont reprogrammés le week-end. « L’équipe du ministère est toujours informée de toute éventualité », ajoute-t-il.
De nouveaux districts attendent encore de recevoir une formation préalable au déploiement des drones dans le domaine de la santé. L’objectif est de couvrir l’ensemble des districts d’Atsimo-Andrefana et d’Atsimo-Atsinanana d’ici la fin de l’année.
Pour coordonner ces efforts, un groupe de travail technique en santé (GTT Santé) a été créé le 26 septembre, avec Gavi comme acteur clé de l’initiative.
Ce qui avait commencé comme une expérimentation pilote est aujourd’hui en train de transformer l’accès aux soins dans les régions les plus reculées de Madagascar. L’histoire de Velonarivo et de nombreux autres soignants de première ligne illustre cette révolution : grâce aux drones, ils peuvent enfin se consacrer pleinement à leur mission première—soigner—sans avoir à risquer leur vie sur des routes dangereuses.
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Davantage de Rivonala Razafison
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