À Madagascar, le climat met la chaîne du froid vaccinale à l’épreuve

À Madagascar, la vaccination dépend d’une chaîne du froid de plus en plus alimentée par l’énergie solaire. Une avancée majeure pour les centres de santé isolés, aujourd’hui confrontée aux réalités d’un climat de plus en plus instable.

  • 23 juin 2025
  • 4 min de lecture
  • par Rivonala Razafison
Installation de panneaux solaires sur le toit d’un centre de santé à Madagascar. Crédit : DPEV
Installation de panneaux solaires sur le toit d’un centre de santé à Madagascar. Crédit : DPEV
 

 

Un système vaccinal qui s'appuie sur l’énergie solaire

Ces derniers mois, le sud de Madagascar a connu une série d’épisodes météorologiques extrêmes : sécheresses prolongées, suivies de pluies diluviennes causées par trois passages cycloniques successifs. Les dégâts n’ont pas épargné les infrastructures sanitaires, déjà fragilisées par l’isolement et le manque d’électricité. Dans de nombreux centres de santé, les installations solaires qui alimentent les réfrigérateurs à vaccins ont été endommagées : fixations arrachées, panneaux détruits, équipements inondés.

« Des bâtiments ont été entièrement inondés avec les réfrigérateurs solaires à l’intérieur. Nous avons eu des réfrigérateurs ensevelis sous les débris ou des panneaux emportés par les vents », explique Ranaivo Soloherilala Andrianaina, chef de division chaîne du froid auprès de la Direction du Programme Élargi de Vaccination (DPEV).

Face à ces chocs répétés, la question de la résilience du système vaccinal se pose avec acuité.

À Madagascar, près de 97 % des centres de santé de base — soit environ 2 880 établissements — sont équipés de réfrigérateurs solaires. Ce choix s’est imposé face au faible taux d’accès à l’électricité : seulement 33 % de la population malgache y avait accès en 2023, contre une moyenne africaine de 50,6 %. À cela s’ajoute une qualité de service souvent insuffisante, notamment dans les zones rurales.

Ces équipements, soutenus par des partenaires internationaux, répondent à des standards stricts : garantie de cinq ans, conformité aux normes de qualité pharmaceutique (PQS) de l’OMS, et capacité à maintenir la température pendant au moins 72 heures en cas de panne.

« En cas de problème, les vaccins peuvent être sécurisés dans les centres d’éclatement les plus proches », ajoute Andrianaina. Mais lorsque les routes sont coupées ou les infrastructures endommagées, cette solution reste difficile à mettre en œuvre.

Renforcer la résilience : technique et formation

Pour prévenir les dégâts liés aux tempêtes et garantir la durabilité du matériel, des formations ont été organisées dans tout le pays à l’intention des techniciens de district et des centres de santé.

Certaines pratiques techniques sont désormais considérées comme essentielles : installer les panneaux solaires sur des poteaux métalliques — notamment sur des bâtiments anciens non renforcés —, éviter les panneaux de grande taille plus vulnérables au vent, ou encore les disposer de façon à optimiser leur exposition.

Le centre de santé de base d’Andranokoditra, sur la côte est de Madagascar. De nombreux établissements ruraux sont construits en matériaux légers et exposés aux aléas climatiques.
Crédit : Telolahy Zô Michel Ah-kan 

Le choix de la taille des panneaux est particulièrement déterminant. « Un gros panneau résiste mal aux vents violents », souligne Andrianaina. Pour répartir la prise au vent et limiter les risques d’arrachement, il est recommandé d’utiliser plusieurs petits panneaux plutôt qu’un grand : par exemple, quatre panneaux de 100 watts sont préférables à un seul de 400 watts. Cette stratégie, couplée à une bonne fixation, contribue à renforcer la résistance des installations face aux cyclones.

Dans les régions du Sud, un autre ennemi menace les installations : les tempêtes de sable (tiomena), qui recouvrent les panneaux de poussière et réduisent leur efficacité. Là aussi, le nettoyage régulier devient un geste de maintenance incontournable.

Sur l’île de Sainte-Marie, dans l’océan Indien, les centres de santé ont su adapter leurs installations pour résister aux cyclones. Aucun panneau solaire n’a été arraché ces dernières années, grâce à une surveillance régulière et à des fixations renforcées.

« Les vents, quelle que soit leur intensité, n’ont jamais arraché aucune de nos plaques solaires », témoigne Telolahy Zô Michel Ah-Kan, responsable local de la chaîne du froid.

Un seul centre, le CSB II d’Agniribe, pose problème : situé à flanc de colline et entouré de manguiers, il reçoit peu de soleil. Les autorités locales cherchent actuellement une solution pour optimiser son ensoleillement.

Une adaptation nécessaire

Dans certaines régions très exposées, comme Ambodibonara, dans le nord-ouest du pays, la réponse est aussi collective. Depuis 2007, le maire Thomas Arsène Tomboravo mise sur une approche communautaire pour garantir la continuité du service de santé.

« Nous mobilisons les forces vives locales. Les opérateurs économiques se cotisent pour réparer ou remplacer les équipements. Tout le monde participe, car nous savons qu’il s’agit de sauver des vies », affirme l’élu.

L’éloignement géographique renforce cette solidarité : « Notre commune est très isolée. C’est une question vitale que les vaccins soient toujours disponibles », insiste-t-il.

Alors que le gouvernement malgache s’oriente vers la construction de centres de santé "aux normes", mieux adaptés aux aléas climatiques, l’expérience de terrain montre que la résilience vaccinale passe autant par la technique que par l’implication des communautés.

Face à la multiplication des chocs climatiques, la question n’est plus seulement celle de l’accès à l’énergie, mais celle de la robustesse, de la maintenance et de la gouvernance. Dans cette course contre la montre, Madagascar pose les bases d’un système plus durable — à condition que les moyens et les solidarités suivent.