Madagascar relève le défi de vacciner les enfants zéro dose

En 2023, Madagascar s’est distingué par une hausse significative de sa couverture vaccinale, contrastant avec la stagnation observée à l’échelle mondiale après la pandémie de COVID-19. Le Programme Élargi de Vaccination (PEV), qui assure notamment l’administration du vaccin pentavalent – protégeant contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l’hépatite B et l’Haemophilus influenzae de type b – a vu ses chiffres augmenter de manière encourageante.

  • 14 octobre 2024
  • 5 min de lecture
  • par Rivonala Razafison
Malgré l’insécurité, la couverture vaccinale dans la région de Melaky a bondi. Crédit : Rivonala Razafison
Malgré l’insécurité, la couverture vaccinale dans la région de Melaky a bondi. Crédit : Rivonala Razafison
 

 

Le Grand Rattrapage : une réponse à un million d'enfants "zéro dose"

Malgré les progrès réalisés, le défi reste immense pour atteindre les plus d’un million d’enfants encore non vaccinés à travers le pays, cumulés depuis 2019. C’est dans ce contexte que Madagascar a lancé début 2024 le Grand Rattrapage, une initiative nationale bénéficiant de l'appui de Gavi, de l'UNICEF et de l'OMS, visant à combler les lacunes en matière de vaccination et à cibler les enfants "zéro dose", qui n'ont reçu aucun vaccin depuis le début de leur vie. Cette campagne, vitale pour éviter les flambées épidémiques de maladies comme la rougeole ou la polio, se concentre sur les zones rurales et isolées, où l'accès aux services de santé reste limité.

Les défis à relever sont nombreux, comme le montre l’exemple de Samson Jaobotra, leader traditionnel d’Andranotsimaty, un village d’orpailleurs dans le district d’Iharana, au nord-est de l’île. Ce village, comme beaucoup d’autres, est composé de migrants, une population mouvante qui échappe souvent aux autorités sanitaires. Pendant la pandémie, l’extraction d’or n’a jamais cessé, ce qui a compliqué la mobilisation. « La région Sava est à la traîne en matière de vaccination », explique le Dr Tsivahiny Paubert, directeur du PEV. Entre l’attraction des ressources minières et les exploitations agricoles, dont la vanille, la région, principale productrice mondiale, a du mal à suivre.

Selon les données de l'OMS, en 2023, Madagascar a atteint un taux de vaccination de 92 % pour le Penta1, 85 % pour le Penta2 et 86 % pour le Penta3.

Cependant, la situation d’Andranotsimaty s’est redressée grâce à une mobilisation collective. « Aujourd’hui, les vaccinateurs se rendent régulièrement au village et les parents amènent eux-mêmes leurs enfants aux centres de santé », raconte Gateny Velotombo Mahamod, un autre leader du village. Ces efforts, ainsi que ceux entrepris dans le cadre du Grand Rattrapage, reflètent une dynamique nationale. Selon les données de WUENIC (World Health Organization and UNICEF Estimates of National Immunization Coverage), en 2023, Madagascar a atteint un taux de vaccination de 92 % pour le Penta1, 85 % pour le Penta2 et 86 % pour le Penta3. WUENIC fournit des estimations sur la couverture vaccinale à l'échelle mondiale, permettant de suivre les progrès réalisés dans les programmes de vaccination dans chaque pays.

Jean Philibert, un agent communautaire aguerri de la région de Boeny (nord-ouest), est bien conscient des défis que cela représente. « Les parents savent que les vaccins sont essentiels, mais les faire venir aux campagnes de vaccination est tout un défi », confie-t-il. La majorité des habitants sont pêcheurs, et il est souvent difficile de trouver le bon moment pour les rassembler. Pourtant, avec de la persévérance et des visites à domicile, il parvient à surmonter ces obstacles. Une bicyclette, fournie par le programme ACCESS, financé par l’USAID, lui permet de parcourir de longues distances pour vacciner dans les villages isolés.

Planification et collaboration pour des résultats remarquables

Ces exemples témoignent de la diversité des défis rencontrés par le PEV dans le pays. Malgré cela, certains districts de santé publique (SDSP) atteignent des résultats remarquables. La région de Vakinankaratra, par exemple, est en tête. Grâce aux campagnes de vaccination intensifiées et aux activités de rattrapage, les taux se rapprochent de l'objectif. « En 2023, le SDSP d’Ambatolampy a dépassé les prévisions avec 100,28 % de couverture pour la première dose du pentavalent », explique Maminiaina Marie Josiane Rakotoarilanto, infirmière responsable du programme dans la région. Ce résultat a été obtenu grâce à une organisation rigoureuse et une collaboration renforcée avec les centres de santé de base (CSB).

Dans cette région, en plus des 5 993 enfants vaccinés en 2023, 190 autres ont été rattrapés l'année suivante, montrant qu'aucun enfant n’a été oublié. « La sensibilisation a permis de lever les dernières réticences des parents », affirme Rakotoarilanto. Cette réussite est le fruit d’un travail collectif entre les centres publics et privés, qui se coordonnent pour garantir une couverture maximale.

Au-delà des stratégies fixes, l’équipe de santé déploie régulièrement des stratégies avancées, allant jusqu’à organiser des campagnes mobiles malgré des budgets parfois serrés. Une planification rigoureuse et l’implication des agents communautaires, toujours actifs, ont permis de dépasser les objectifs.

Ce succès tient également à une bonne collaboration avec les autorités locales. « C’est l’engagement de chacun qui nous permet de réaliser des avancées concrètes », insiste l’infirmière. La médecin-inspecteur d’Ambatolampy, Harinonta Aimée Bebisoa Razafimamonjy, souligne, quant à elle, l’abnégation des équipes sur le terrain. « Grâce à l’approche LQAS (Lot Quality Assurance Sampling), nous avons pu évaluer la qualité de la couverture vaccinale de manière ciblée », ajoute-t-elle.

Certaines régions du pays bénéficient aussi de l’approche Leadership Development Program Plus (LDP+), introduite par USAID/ACCESS. Ce programme, qui vise à renforcer les compétences en leadership et en gestion des équipes de santé, encourage la prise d’initiatives et l’exploitation des ressources locales pour offrir des services de santé, y compris la vaccination, plus efficaces.

Le modèle LDP+ permet aux équipes de santé de définir des objectifs concrets et d’analyser les causes des problèmes grâce à une méthode de questionnement approfondie. Dans la région de Melaky, les résultats obtenus grâce à ce programme sont édifiants : malgré l’insécurité, la couverture vaccinale a bondi, passant de 88 % en 2021 à 100 % en 2023 pour le penta1.

Des progrès à faire en zones urbaines

Cependant, des défis subsistent, notamment dans les zones urbaines. « À Antananarivo, les réseaux sociaux et les rumeurs sur les vaccins influencent encore une partie de la population », regrette le Dr Paubert. Malgré cela, les progrès dans des régions historiquement en retard, comme l’Androy, au sud de l’île, montrent que le chemin est tracé, même s'il reste à parcourir.

Enfin, lors d’une réunion en août dernier à Toamasina, regroupant les directeurs régionaux de la Santé publique et les responsables de la vaccination, plusieurs priorités ont été identifiées : le renforcement des rattrapages, une meilleure gestion des stocks de vaccins, la surveillance des maladies évitables par la vaccination et la régularisation des paiements aux acteurs sur le terrain. Autant de pistes pour poursuivre cette dynamique et rapprocher toujours plus Madagascar de ses objectifs en matière de vaccination.


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