« Super-grippe » ou simple grippe saisonnière ? Comment le sous-clade K de la grippe se propage dans le monde

Une souche de grippe A (H3N2) à propagation rapide, connue sous le nom de sous-clade K, a alimenté des titres alarmistes évoquant une possible « super-grippe ». La réalité est plus nuancée, selon les scientifiques.

  • 22 décembre 2025
  • 6 min de lecture
  • par Linda Geddes
Un agent de santé pose un pansement sur le bras d’un patient après une vaccination. Crédit : CDC via Unsplash
Un agent de santé pose un pansement sur le bras d’un patient après une vaccination. Crédit : CDC via Unsplash
 

 

En bref

  • Le sous-clade K est un sous-groupe récemment apparu d’un virus saisonnier de la grippe humaine bien connu, le virus de la grippe A H3N2.
     
  • À ce stade, aucune donnée issue d’études en laboratoire ou en population ne montre que cette souche puisse contourner l’immunité existante acquise lors d’infections grippales antérieures ou par la vaccination.
     
  • L’efficacité du vaccin contre la grippe varie d’une saison à l’autre, mais se situe généralement entre 30 % et 60 %. Des estimations préliminaires suggèrent que le vaccin de cette année réduit le risque de grippe suffisamment sévère pour nécessiter une prise en charge médicale d’environ 32–39 % chez les adultes, et d’environ 72–75 % chez les enfants et les adolescents.

Une nouvelle branche du virus familier de la grippe H3N2 — connue sous le nom de sous-clade K — est rapidement devenue une forme dominante de la grippe dans certains pays, notamment au Royaume-Uni, au Japon et dans certaines régions d’Europe.

Parce qu’il présente plusieurs mutations par rapport à la souche utilisée pour fabriquer le vaccin antigrippal de cette année — et parce qu’il a coïncidé avec une saison grippale exceptionnellement précoce dans certains pays — les scientifiques le surveillent de près, et le terme « super-grippe » a commencé à apparaître dans les titres.

Toutefois, bien que le sous-clade K soit génétiquement distinct des autres types de H3N2 et des autres virus grippaux qui circulent actuellement, il reste étroitement apparenté aux virus de la grippe saisonnière auxquels nous avons été exposés à de nombreuses reprises par le passé.

Voici ce que l’on sait à ce stade de la manière dont le sous-clade K se manifeste concrètement.

Qu’est-ce que la grippe du sous-clade K — et en quoi diffère-t-elle des autres souches grippales ?

Le sous-clade K est un sous-groupe récemment apparu d’un virus saisonnier humain bien établi : le virus de la grippe A H3N2, qui circule depuis des décennies. Les scientifiques ont repéré cette nouvelle variante pour la première fois en juin, avant d’observer son expansion rapide pendant la saison grippale de l’hémisphère Sud, puis dans plusieurs pays de l’hémisphère Nord.

« Lorsque nous détectons le signal d’un nouveau groupe génétique émergent de virus, nous y prêtons naturellement une attention particulière », explique la professeure Nicola Lewis, directrice du Centre mondial de la grippe au Francis Crick Institute à Londres (Royaume-Uni), qui fait partie du Système mondial de surveillance et de riposte à la grippe (GISRS) de l’Organisation mondiale de la santé.

« Il est vrai que ce nouveau clade génétique H3 est inédit, mais la grippe évolue en permanence, et notre rôle en tant que scientifiques est de suivre cette évolution. À ce stade, rien n’indique vraiment qu’il y ait quelque chose de particulièrement inhabituel dans la manière dont ce virus évolue. »

La saison grippale a-t-elle commencé plus tôt que d’habitude partout ?

En Europe, le sous-clade K a été détecté pour la première fois en Norvège, puis au Royaume-Uni, où la saison grippale a débuté quatre à cinq semaines plus tôt que d’ordinaire. Selon Nicola Lewis, si un démarrage aussi précoce n’avait plus été observé depuis avant la pandémie de COVID-19, il n’est pas sans précédent sur le plan historique.

Un démarrage anticipé a également été observé au Japon, où les niveaux de grippe H3N2 semblent désormais se stabiliser et pourraient bientôt commencer à reculer, ajoute-t-elle.

Si un début précoce peut parfois soulever des interrogations sur la capacité d’un virus à se transmettre, cela ne signifie pas automatiquement une saison grippale plus sévère. Au Royaume-Uni, où certains hôpitaux subissent actuellement une forte pression, les dernières données de surveillance indiquent que le taux de positivité de la grippe commence à diminuer.

Aussi rassurant que cela puisse être, « la grippe est notoirement imprévisible et peut rebondir avec un second pic au cours de la nouvelle année. C’est pourquoi nous encourageons la population à continuer d’adopter des mesures de bon sens pendant la période des fêtes afin de limiter la propagation », souligne le Dr Alex Allen, épidémiologiste consultant à l’UK Health Security Agency (UKHSA).

Un début précoce de la saison grippale n’a toutefois pas été observé partout. Certains États membres de l’Union européenne ne commencent que maintenant à enregistrer une hausse de l’activité grippale, et des virus grippaux H1 — un autre type de grippe saisonnière humaine — circulent également.

Aux États-Unis, l’activité grippale était faible avant Thanksgiving, mais s’est accélérée après les déplacements liés aux fêtes et la reprise scolaire. Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) font état d’au moins 2,9 millions de cas, 30 000 hospitalisations et 1 200 décès depuis le début de la saison. La majorité des cas sont dus à la grippe A (H3N2), le sous-clade K étant désormais prédominant.

En Australie, la saison grippale — qui s’étend habituellement de mai à octobre — a été exceptionnellement prolongée, avec des infections liées au variant H3N2 sous-clade K observées en fin de saison. Si les notifications de grippe diminuent régulièrement depuis plusieurs semaines, le virus continue néanmoins de circuler.

Le sous-clade K échappe-t-il mieux à l’immunité acquise lors d’infections ou de vaccinations antérieures ?

L’une des principales craintes face à l’émergence d’une nouvelle souche grippale est qu’elle puisse contourner l’immunité existante issue d’infections passées ou de la vaccination.

À ce stade, les études en laboratoire et en population suggèrent que ce n’est pas le cas. Dans des travaux non publiés, Nicola Lewis et ses collègues ont examiné la capacité du système immunitaire à reconnaître le sous-clade K par rapport à des virus grippaux antérieurs, ainsi que la réponse de l’organisme après vaccination.

D’après ces résultats, « il ne semble pas y avoir de signal clair indiquant un véritable déficit d’immunité que ce virus aurait exploité », explique Lewis.

Cela signifie que les défenses immunitaires existantes continuent d’offrir une protection significative, et que les personnes vaccinées semblent développer de bonnes réponses en anticorps contre les virus grippaux actuellement en circulation, y compris le sous-clade K.

Quelle est l’efficacité du vaccin antigrippal contre le sous-clade K ?

Des estimations préliminaires publiées dans Eurosurveillance indiquent que le vaccin antigrippal actuel continue d’offrir une protection significative contre les formes de grippe suffisamment graves pour nécessiter une prise en charge médicale — y compris celles causées par le sous-clade K du H3N2. Chez les enfants et les adolescents, son efficacité est estimée entre 72 % et 75 , tandis que chez les adultes elle se situe autour de 32 % à 39 %. « Ces chiffres sont comparables à l’efficacité observée en fin de saison contre la grippe A(H3N2) ces dernières années au Royaume-Uni, en Europe et au Canada », soulignent les auteurs de l’étude.

Point crucial : les chercheurs insistent sur le fait que cela ne signifie pas que le vaccin échoue face au sous-clade K.

Des estimations préliminaires publiées dans Eurosurveillance indiquent que le vaccin antigrippal actuel continue d’offrir une protection significative contre les formes de grippe suffisamment graves pour nécessiter une prise en charge médicale — y compris celles causées par le sous-clade K du H3N2. Chez les enfants et les adolescents, son efficacité est de 72–75 %, tandis que chez les adultes elle est d’environ 32–39 %.

La principale préoccupation concerne plutôt la couverture vaccinale. Par exemple, au Royaume-Uni, si la vaccination des plus de 65 ans est relativement élevée, elle reste « assez faible » chez les adultes plus jeunes à risque et chez les professionnels de santé — des groupes pour lesquels une meilleure couverture pourrait réduire significativement la transmission, les hospitalisations et la pression sur les services de santé, explique la professeure Antonia Ho, professeure et consultante honoraire en maladies infectieuses à l’université de Glasgow, en Écosse.

Faut-il alors cesser de parler de « super-grippe » ?

« Super-grippe » n’est pas un terme scientifique et, au vu des données actuelles, rien n’indique que le sous-clade K soit plus dangereux que les autres virus H3N2 actuellement en circulation, affirme Lewis.

Mais parler de « simple grippe » est tout aussi trompeur. À l’échelle mondiale, la grippe saisonnière serait responsable de 3 à 5 millions de cas de maladies graves et de 290 000 à 650 000 décès respiratoires chaque année.

Les saisons dominées par le H3N2 sont en particulier souvent difficiles, notamment pour les personnes âgées. Ce sous-type de grippe tend à provoquer des formes plus sévères chez les seniors que d’autres souches, et est associé à des taux d’hospitalisation plus élevés et à des séjours hospitaliers plus longs, souligne Antonia Ho.

C’est pourquoi les messages de santé publique mettent l’accent sur la vaccination et la réduction de la transmission. « Il existe des gestes simples que nous pouvons tous adopter pour nous protéger mutuellement lorsque nous sommes en intérieur », rappelle Alex Allen.

« Si vous présentez des symptômes de grippe ou de COVID-19, tels qu’une forte fièvre, une toux, une grande fatigue ou des douleurs, il est conseillé de limiter les contacts avec les autres, en particulier les personnes les plus vulnérables. Se laver régulièrement les mains et veiller à une bonne ventilation des espaces intérieurs est important, et nous recommandons à ceux qui ont des symptômes et doivent sortir d’envisager le port d’un masque. »