L'Accélérateur de la Production des Vaccins en Afrique : rompre le cycle de l'inégalité

La semaine dernière, le Conseil d'administration de Gavi s'est réuni à Accra, où il a approuvé une initiative de 1 milliard de dollars visant à stimuler la production de vaccins sur le continent africain. Le Dr Zaeem Ul Haq, conseiller spécial de la circonscription de la Méditerranée orientale du Conseil d'administration, explique à VaccinesWork pourquoi cela revêt une telle importance.

  • 15 décembre 2023
  • 4 min de lecture
  • par Zaeem Ul Haq
Une installation de fabrication de vaccins à un stade précoce basée à Accra, au Ghana. Crédit : Gavi/2023/Michael Aboya
Une installation de fabrication de vaccins à un stade précoce basée à Accra, au Ghana. Crédit : Gavi/2023/Michael Aboya
 

 

Je persistais dans mes applaudissements alors que l'enthousiasme général s'était apaisé à l'annonce de l'approbation d'un milliard de dollars pour l'Accélérateur de la production des vaccins en Afrique (en anglais AVMA, pour African Vaccine Manufacturing Accelerator) lors de la réunion du conseil d'administration de Gavi à Accra la semaine dernière. Je me suis dit que parfois, il est acceptable d'attribuer des motivations personnelles et émotionnelles à notre engagement professionnel. Bien que venant d'un continent différent, cette approbation du fonds AVMA a représenté pour moi un moment empreint d'émotion.

Cela permettra de rendre disponibles des vaccins fabriqués localement pour les Africains, y compris les petits-enfants de David Nzema. David était mon camarade de classe pendant mes études doctorales aux États-Unis et un lecteur assidu de la littérature sur la rupture du cycle de l'inégalité.

With AVMA in place, working hand in hand with the continent-wide effort to boost Africa’s vaccine manufacturing capacity, David’s grandchildren will receive all the vaccines, and these could be primarily manufactured within Africa.

L'inégalité est un effet collectif résultant d'une combinaison de pauvreté et d'illettrisme, provoquant des maladies prolongées et des décès prématurés, se transmettant d'une génération à la suivante.

Ma thèse de doctorat avait pour objectif d'introduire une intervention pendant les premières années de la vie d'enfants défavorisés dans les zones rurales du Pakistan afin de briser le cycle d'inégalité. David appréciait mon travail, car il pouvait s'y identifier en raison de son expérience personnelle difficile. Ayant perdu son père, il avait connu divers désavantages extrêmes pendant son enfance. Originaire du Ghana, il travaillait sur sa thèse lorsque j'ai achevé la mienne et suis retourné au Pakistan.

Malheureusement, ses aspirations de rompre ce cycle dans son propre pays à travers un travail similaire ont été anéanties lorsque sa santé s'est brusquement détériorée, le conduisant à une hospitalisation. On lui a diagnostiqué une infection du foie évoluant vers un cancer.

Ironiquement, cette infection aurait pu être évitée par un vaccin s'il avait été administré dans sa petite enfance. Cinquante ans auparavant, lorsque David était enfant, ce vaccin était réservé à certains pays à revenu élevé. Ce n'est qu'en 2002 que le Ghana a pu intégrer ce vaccin dans son programme de vaccination.

Incapable de bénéficier des avantages du vaccin contre l'hépatite B, David a contracté l'infection à un moment inconnu de sa vie. À son insu, l'infection est devenue chronique, ce qui est le cas d'environ 25 % des personnes infectées. Dénommée maladie du foie au stade terminal (ESLD), elle était incurable. David est décédé en soins intensifs, ajoutant ainsi aux désavantages de ses enfants et de sa famille. Ils espéraient un père, un mari et un frère titulaire d'un doctorat, mais ont finalement reçu un cercueil. C'était il y a environ dix ans.

Aujourd'hui, le Ghana brise les chaînes de l'inégalité. Le pays a investi dans son système de santé, notamment dans les soins de santé primaires. Selon l'Enquête démographique et de santé de 2022, 73 % des enfants ghanéens sont maintenant complètement vaccinés, contre seulement 19 % en 1988. Grâce à ces politiques salvatrices et d'amélioration de la santé, la mortalité des enfants de moins de cinq ans est passée de 155 pour 1 000 en 1988 à 40 pour 1 000 en 2022. Le Ghana figure parmi les trois pays où le vaccin antipaludique a été avec succès testé et est actuellement en cours de déploiement pour tous les enfants.

Lorsque je suis arrivé à Accra pour la réunion du Conseil d'administation, j'ai pris contact avec la famille de David. Son frère, James, a aimablement accepté de me rencontrer, et nous avons eu l'opportunité de nous remémorer David. Nous avons tous les deux évoqué son humanité et son intelligence, pensant qu'il serait aujourd'hui satisfait, où qu'il soit.

James m'a confié que le Ghana disposait maintenant d'un système bien plus performant qu'il y a 40 ans : les trois enfants de David sont complètement vaccinés et fréquentent l'école. Bien sûr, ils regrettent la perte de leur père, mais ils sont en bonne santé et excellents dans leurs études, contribuant ainsi à briser un maillon dans la chaîne de l'inégalité transgénérationnelle.

Avec l'AVMA en action, collaborant étroitement avec l'effort continental visant à renforcer la capacité de fabrication de vaccins en Afrique, les petits-enfants de David recevront tous les vaccins, majoritairement produits sur le continent. Un processus est sur le point de débuter, qui non seulement sauvera des vies, mais améliorera également la recherche et le milieu académique en Afrique, tout en renforçant son économie.


L'auteur, @ZaeemUlHaq3, occupe la fonction de conseiller spécial de la circonscription de la Méditerranée orientale de Gavi.