Le Burkina Faso accueille le vaccin RTS,S contre le paludisme avec soulagement

À partir du 5 février 2024, des dizaines de milliers d'enfants au Burkina Faso seront immunisés contre le paludisme grâce à l'introduction du vaccin RTS,S. Cette nouvelle représente un soulagement considérable pour les parents et les professionnels de la santé engagés depuis des décennies dans la lutte contre cette maladie, particulièrement préoccupante dans l'un des pays les plus touchés du monde.

  • 1 février 2024
  • 8 min de lecture
  • par Abdel Aziz Nabaloum
Des dizaines de milliers d'enfants pourront bénéficier de la vaccination de routine contre le paludisme à partir de début février 2024. Crédit : Abel Aziz Nabaloum
Des dizaines de milliers d'enfants pourront bénéficier de la vaccination de routine contre le paludisme à partir de début février 2024. Crédit : Abel Aziz Nabaloum
 

 

Aminata Ilboudo a frôlé la perte de ses deux enfants, Awa (4 ans) et Nafissatou (20 mois), en juillet dernier à cause du paludisme. 

Veuve et sans emploi, résidant dans le quartier populaire du secteur 41 de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, Aminata a dû solliciter l'aide de personnes bienveillantes pour assurer les paracétamols, les perfusions et les antipaludiques nécessaires à ses enfants hospitalisés au centre de santé local. « Vraiment, sans les accompagnants des malades qui m'ont aidée à payer les médicaments, mes enfants allaient mourir. Imaginez, des ordonnances de 8 000 FCFA (environ 13 USD) pour une veuve, c'est difficile à honorer », souligne-t-elle, les larmes aux yeux.

« Le bilan est déplorable. Les enfants de moins de 5 ans, ainsi que les femmes enceintes, sont les plus vulnérables au paludisme. »

– Christian Kompaoré, secrétaire permanent pour l'élimination du paludisme.

Comme chez les Ilboudo, chaque crise de paludisme au sein de la famille Sawadogo est une période d'angoisse, de tristesse et de lamentations. À chaque saison des pluies, moment de forte transmission du paludisme, les trois enfants de Latifatou Sawadogo ne parviennent pas à éviter les piqûres de l'anophèle. « Et cela me pose de nombreux soucis. Payer leurs médicaments devient un problème considérable pour moi. En août dernier, ma benjamine de 1 an est tombée malade. J'ai été obligée d'emprunter 7000 FCFA (environ 12 USD) pour lui acheter des médicaments. À ce jour, je traîne encore cette dette », confie la jeune mère.

19 000 décès par an

En matière de paludisme, le Burkina Faso figure parmi les endroits les plus durement touchés au monde. En 2021, près de 12,5 millions de cas de la maladie ont été recensés à travers le pays, équivalant à un taux d'incidence de 569 cas pour 1000 habitants.

Officiellement, les rapports officiels indiquent 4 355 décès attribués à l'infection parasitaire, cependant, selon les estimations de l'Organisation mondiale de la santé, le nombre réel de décès cette année-là pourrait atteindre jusqu'à 18 976.

« Ce bilan est déplorable. Les enfants de moins de 5 ans, ainsi que les femmes enceintes, sont les plus vulnérables au paludisme. C'est précisément cette frange de la population qui paie le tribut le plus lourd face à cette maladie. Leur immunité, non mature pour les enfants et en baisse pour les femmes enceintes, les rend particulièrement vulnérables au paludisme », explique Christian Kompaoré, secrétaire permanent pour l'élimination du paludisme.

Le vaccin antipaludique RTS,S. 
Crédit : Gavi/2024/Go'tham Industry

Pendant la période de pic du paludisme, qui se situe de juin à octobre, les centres de santé, qu'ils soient en milieu urbain ou rural, voient leurs salles d'hospitalisation bondées de malades. Dans les couloirs, certains patients sont souvent allongés à même le sol. D'autres traînent leur perfusion sous les arbres dans la cour de l'hôpital.

« Pour une maladie parasitaire telle que le paludisme, il est crucial d'avoir plusieurs stratégies. Jusqu'à présent, nous avions diverses approches, mais l'intégration d'une stratégie vaccinale avec le RTS,S en 2024 marque une véritable avancée. Cela représente une nouvelle orientation qui transformera fondamentalement notre approche de la lutte contre cette maladie. »

– Christian Kompaoré, secrétaire permanent pour l'élimination du paludisme

« Souvent, il n'y a plus de lits disponibles pour accueillir les patients. D'autres sont contraints de rentrer à la maison après une prise en charge rapide pour poursuivre leur traitement », déplore Boukary Kafando, agent de santé au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) du secteur 8 de Ouagadougou. Dans sa formation sanitaire, le paludisme représente 80% des pathologies. « En plus des personnes âgées, malheureusement, plus de la moitié des patients sont des enfants. C'est vraiment déplorable », confirme-t-il.

La vaccination offre un nouvel espoir

Mais le 5 février 2024, le Burkina Faso ajoutera le vaccin antipaludique RTS,S à son Programme élargi de vaccination (PEV) dans 27 districts sanitaires, un outil supplémentaire qui s’ajoute à l’arsenal de mesures pour lutter contre cette maladie vectorielle. 

« Pour une maladie parasitaire telle que le paludisme, il est crucial d'avoir plusieurs stratégies. Jusqu'à présent, nous avions diverses approches, mais l'intégration d'une stratégie vaccinale avec le RTS,S en 2024 marque une véritable avancée. Cela représente une nouvelle orientation qui transformera fondamentalement notre approche de la lutte contre cette maladie », soutient M. Kompaoré.

« Dans ces régions, la mortalité infantile est particulièrement élevée. L'objectif est de renforcer l'immunité d'au moins 95 % des enfants dans ces districts et de réduire considérablement la mortalité dans les zones sélectionnées. »

– Dr Issa Ouédraogo, directeur général de la santé et de l'hygiène publique

La première phase de vaccination va concerner quasiment 250 000 enfants âgés de 5 à 23 mois répartis dans 27 districts sanitaires sur les 70 existants. « En raison des contraintes liées au nombre limité de doses disponibles, nous avons choisi de concentrer l'utilisation de ce vaccin dans ces 27 districts. Ces zones ont été sélectionnées en raison du nombre très élevé de cas et de décès enregistrés chaque année. Dans ces régions, la mortalité infantile est particulièrement élevée. L'objectif est de renforcer l'immunité d'au moins 95 % des enfants dans ces districts et de réduire considérablement la mortalité dans les zones sélectionnées », explique le directeur général de la santé et de l'hygiène publique, le Dr Issa Ouédraogo.

Dans les districts où les vaccins seront déployés, l'administration des doses se déroulera lors des séances de vaccination de routine, organisées dans les établissements de santé pour une stratégie fixe, et également lors de campagnes avancées menées dans les sites habituels de vaccination dans les villages. « Tout est mis en œuvre pour que les campagnes de vaccination réussissent. Dans tous les districts, nous nous sommes assurés que les centres de santé disposent de réfrigérateurs pour bien conserver les vaccins déployés », indique le Dr Issa Ouédraogo.

« Dans mon district, nous anticipons une diminution des cas de mortalité. Voilà toute l'importance de ce vaccin. Son introduction apportera un soulagement significatif aux enfants, et les parents ne devraient en aucun cas craindre ce vaccin ni se laisser décourager par de fausses informations lorsqu'il s'agit de vacciner leurs enfants. »

– Dr Rasmané Ouédraogo, médecin généraliste

Selon le Dr Rasmané Ouédraogo, médecin généraliste travaillant au district sanitaire de Karangasso Vigué dans l'ouest du pays, le déploiement de ce vaccin dans son district, où le paludisme est prévalent, est extrêmement bénéfique. 

« Cela contribuera à réduire la mortalité infantile, car le principal objectif du vaccin est de diminuer les complications qui conduisent souvent à des décès. Dans mon district, en atténuant ces complications, nous anticipons une diminution des cas de mortalité. Voilà toute l'importance de ce vaccin. Son introduction apportera un soulagement significatif aux enfants, et les parents ne devraient en aucun cas craindre ce vaccin ni se laisser décourager par de fausses informations lorsqu'il s'agit de vacciner leurs enfants », assure le Dr Rasmané Ouédraogo.

Briser les liens de l'infox

Pour contrer la propagation de fausses informations sur la vaccination, circulant notamment sur les réseaux sociaux, une série de mesures ont été mises en place. 

« Nous entendons souvent les femmes dire que la vaccination vise à rendre stériles leurs enfants. Nous les rassurons à travers des causeries à l'hôpital qu'il n'en est rien », affirme Ali Diallo, Agent de santé à base communautaire (ASBC) au district sanitaire de Dori dans la région du Sahel. « Dans les CSPS du district, lorsque les femmes viennent pour les consultations, nous leur assurons que le vaccin est sûr et efficace. Notre objectif est de briser ces liens de fausses informations », insiste M. Diallo. Des campagnes de sensibilisation, notamment des visites de porte à porte, sont déjà en cours pour rassurer toutes les mères et les encourager à faire vacciner leurs enfants.

Ollo Sié, Agent de santé à base communautaire (ASBC) et chargé de la mobilisation pour la vaccination dans la commune de Loropeni, dans la région du Sud-Ouest, souligne l'importance de la sensibilisation pour contrer les rumeurs liées au vaccin. « Dans notre centre de santé, nous organisons régulièrement des causeries avec les femmes pour leur dire de ne pas croire aux fausses informations. Elles nous ont réaffirmé leur engagement à venir massivement pour vacciner leurs enfants », soutient-il.

« Vous ne pouvez pas imaginer à quel point ce vaccin va nous soulager, nous, les parents. Chaque année, à n'importe quelle période, ma fille fait des crises de paludisme. Les agents de santé nous ont assuré de la qualité du vaccin. Nous avons confiance. »

– Awa Compaoré, mère de la petite Sarata, âgée de 2 ans

Le secrétariat permanent pour l'élimination du paludisme, dirigé par Christian Kompaoré, affiche sa confiance. « Nous n'avons aucun doute quant à l'adhésion de la population à ce vaccin. Nous avons intensifié la sensibilisation médiatique contre les fausses informations et élaboré un plan de communication qui nous permettra d'obtenir une meilleure participation des populations », confie-t-il.

Awa Compaoré, résidant à Kombissiri, située à 45 km de Ouagadougou, exprime sa joie à l'idée que sa fille Sarata, âgée de 2 ans, ne souffrira bientôt plus du paludisme sévère, qualifié de « tueur d'enfants ». Elle partage avec un sourire radieux : « Vous ne pouvez pas imaginer à quel point ce vaccin va nous soulager, nous, les parents. Chaque année, à n'importe quelle période, ma fille fait des crises de paludisme. Les agents de santé nous ont assuré de la qualité du vaccin. Nous avons confiance. »


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