Le Burkina Faso engagé pour vaincre le cancer du col de l’utérus

Depuis le 26 avril 2022, le Burkina Faso a introduit le vaccin contre le papillomavirus humain, qui provoque le cancer du col de l’utérus, dans le calendrier vaccinal du Programme élargi de vaccination (PEV). Pour immuniser des milliers de jeunes filles contre cette maladie qui coûte la vie à des centaines de femmes, des agents de santé développent de nombreuses stratégies.

  • 22 novembre 2022
  • 5 min de lecture
  • par Abdel Aziz Nabaloum
Nebiébié Bayili, responsable du Programme élargi de vaccination au Centre de santé et de promition sociale de Cissin. Crédit : Abdel Aziz Nabaloum
Nebiébié Bayili, responsable du Programme élargi de vaccination au Centre de santé et de promition sociale de Cissin. Crédit : Abdel Aziz Nabaloum

 

 

Agée de 11 ans, Aïcha Sawadogo est désormais protégée contre le cancer du col de l’utérus. Son index droit sur son épaule, elle tente de maintenir le coton imbibé d’alcool pour que son sang ne ruisselle pas sur ses habits. Grâce à cette deuxième dose du Gardasil 4 qu’elle vient de recevoir au Centre médical de Pissy dans l’arrondissement 6 de Ouagadougou, elle ne pourra plus être atteinte par le VPH. « Je suis très heureuse d’avoir reçu le vaccin. Les infirmières m’ont dit que je n’attraperai pas le cancer du col de l’utérus », se réjouit la fillette, accompagnée de sa mère.

Selon le ministère de la santé, au Burkina Faso, le cancer du col de l’utérus est le deuxième cancer féminin après le cancer du sein avec plus de 1000 nouveaux cas pour environ 800 décès chaque année. Pour les autorités sanitaires, le cancer du col de l’utérus constitue un problème de santé publique majeur au Burkina Faso. Ces chiffres sont choquants, d'autant plus que la science nous a permis de disposer de moyens de prévention très efficaces.

Vacciner plus de 300.000 filles

Pour changer la donne, le ministère de la Santé a introduit officiellement dans le Programme élargi de vaccination (PEV) de routine, le 26 avril 2022, le Gardasil 4, un vaccin contre le papillomavirus humain. Objectif : vacciner pour cette première phase plus de 327.700 filles âgées de 9 à 14 ans sur l’ensemble du territoire national. Pour atteindre cet objectif, des campagnes de sensibilisation sont régulièrement menées dans les formations sanitaires et surtout dans les écoles.

« Lorsqu’on parle de cancer, il s’agit de douleurs et traitements chroniques coûteux, et cela fait souffrir la patiente et son entourage. Faire vacciner les enfants est la meilleure façon de leur permettre d’éviter le cancer [du col de l'utérus]. Si, les enfants reçoivent les deux doses, ils ont plus de 90 % de chance de ne pas avoir le cancer. »

Alidou Kaboré est fier d’avoir fait vacciner sa fille, Risna, âgée de 9 ans, élève en classe de CM1. « Il est de notre devoir de les protéger surtout que la vaccination est totalement gratuite. Nous, les parents, ne devons pas hésiter à faire vacciner nos enfants », estime M. Kaboré. Et Risna de renchérir : « Je remercie mon père qui m’a aidé à ne plus avoir peur d’attraper le cancer. Toute ma vie, je lui serai reconnaissante », confie la petite fille.

Soutien de Gavi

Pour que la vaccination soit possible, en plus du budget de l’Etat, le Burkina Faso a pu compter sur l’aide financière de Gavi qui a ainsi permis au pays d’acheter le vaccin à 4,60 dollars (soit près de 3000 F CFA) la dose au lieu de 100 dollars (soit environ 61 000 F CFA) sur le marché. Grâce à ce soutien, le Burkina Faso vaccinera les filles avec le Gardasil 4 qui couvre les sérotypes 6, 11, 16 et 18 du VPH qui sont parmi les plus dangereux.

Burkina VPH
Les agents de santé sensibilisent les mères pour venir faire vacciner leurs enfants pour les protéger du cancer du col de l’utérus.
Crédit : Abdel Aziz Nabaloum

Pour atteindre la cible, le ministère de la Santé a opté pour une stratégie avancée au sein des écoles. Les élèves constituent 60% de la cible. Il est aussi prévu une stratégie avancée dans la communauté pour les filles non scolarisées et celles qui auront été manquées, et une stratégie fixe dans les formations sanitaires en continu pour le rattrapage de la vaccination.

La stratégie avancée est payante

A l’image des milliers de formations sanitaires du Burkina Faso, le Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Cissin, au secteur 17 de Ouagadougou, a décidé de miser sur la sensibilisation pour une adhésion massive des parents et jeunes filles à la vaccination. « Nous avons sensibilisé les enseignants, les chefs de circonscriptions d’éducation de base, parce que notre cible se trouve dans les écoles. Le ministère de la santé a aussi formé les enseignants, les chefs de circonscriptions d’éducation de base qui, à leur tour, ont formé les directeurs des écoles. Ces derniers ont formé les enseignants et notre district sanitaire a formé les parents d’élèves. Tout cela vise à éviter les préjugés et favoriser une adhésion au vaccin », affirme Ousmane Bagué, major du CSPS du secteur 17.

Ousmane Bagué
Ousmane Bagué, major du CSPS au secteur 17 de Ouagadougou.
Crédit : Abdel Aziz Nabaloum

Cette stratégie avancée de vaccination dans les écoles et formations sanitaires est payante. Car, d’après M. Bagué, « nous avons pu vacciner beaucoup d’enfants. En stratégie fixe, des parents conduisent eux-mêmes leurs enfants pour les faire vacciner ». L’objectif, insiste-t-il est d’éliminer totalement le cancer du col de l’utérus chez les femmes et filles au Burkina.

« Lorsqu’on parle de cancer, il s’agit de douleurs et traitements chroniques coûteux, et cela fait souffrir la patiente et son entourage. Faire vacciner les enfants est la meilleure façon de leur permettre d’éviter le cancer. Si, les enfants reçoivent les deux doses, ils ont plus de 90 % de chance de ne pas avoir le cancer », rassure-t-il.

Briser les préjugés

Mais pour atteindre ces milliers de filles, il faut selon, le responsable PEV du CSPS de Cissin, Nébilbié Bayili, briser les messages négatifs et « intox » qui peuvent saper les efforts de lutte contre la maladie. « Nous avons touché les autorités coutumières, religieuses, leaders d’opinion, directeurs d’écoles pour un plaidoyer sur le changement de comportement au sein de la population afin de pouvoir amener toutes les filles à se faire vacciner », précise M. Bayili.

Hema Kadisso, accoucheuse auxiliaire au CSPS de Cissin, ne cesse de sensibiliser les mères à ne pas hésiter à venir faire vacciner leurs enfants. « Si le vaccin n’était pas de bonne qualité ou nuisible pour les enfants, le gouvernement n’allait pas s’hasarder à le proposer. Ce sont des vaccins de bonne qualité et très utiles pour les enfants », rassure-t-elle.

Pour Ousmane Bagué, en multipliant les efforts, l’objectif vaccinal sera atteint. « L’opportunité a été donnée de protéger les enfants à travers la vaccination », dit-il. Et, pour lui, les parents doivent saisir l’opportunité d’immuniser leurs enfants pour leur éviter à jamais le cancer du col de l’utérus.

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