Les communautés de Kano se mobilisent pour une nouvelle offensive contre la polio

Babatunde Rolland nous emmène au cœur d’une campagne de vaccination massive contre la polio, visant plus de 20 millions d’enfants dans le nord du Nigeria.

  • 25 octobre 2024
  • 6 min de lecture
  • par Babatunde Rolland
Aisha Salisu Adam administrant le vaccin. Crédit : Babatunde Rolland
Aisha Salisu Adam administrant le vaccin. Crédit : Babatunde Rolland
 

 

À 8 heures du matin, dans la ville rurale de Yandadi Gidan Dogo, située dans l’État de Kano au nord-ouest du Nigeria, Yasir Abdukadir, 23 ans, et une douzaine d’autres mères allaitantes sont assises sur les bancs du centre de soins de santé primaire local.

Tenant tendrement son bébé d’un mois, Abdukadir sourit avec chaleur en apercevant au loin deux agents de santé, reconnaissables au matériel soigneusement accroché à leurs épaules.

« C’est mon quatrième enfant, et je l’ai amené pour le faire vacciner afin de lui éviter la maladie dont ont souffert ses frères et sœurs aînés. »

- Yasir Abdukadir

Après un court discours des agents de santé soulignant l’importance de la vaccination contre la polio, les mères se succèdent pour faire vacciner leurs enfants. C’est le deuxième jour de la campagne de vaccination massive contre la polio, lancée par le gouvernement de l’État de Kano, et une vague d’excitation est palpable parmi les femmes présentes.

« C’est mon quatrième enfant, et je l’ai amené pour le faire vacciner afin de lui éviter la maladie dont ont souffert ses frères et sœurs aînés », confie Abdukadir à VaccinesWork. « Les dirigeants de notre communauté nous encouragent à vacciner nos enfants, en nous assurant que cela les protègera contre la polio. »

La polio, décrite par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme une maladie infectieuse invalidante et potentiellement mortelle qui touche principalement les enfants de moins de cinq ans, n’est plus endémique que dans deux pays : l’Afghanistan et le Pakistan. Cependant, une variante du virus, le cVDPV2 (poliovirus circulant dérivé du vaccin de type 2), continue d’être présente dans plusieurs régions où la couverture vaccinale reste insuffisante pour empêcher la propagation de cette version atténuée et inoffensive du virus. Celle-ci, conçue pour protéger les enfants, circule également au Nigeria. Dans de rares cas, une transmission incontrôlée peut permettre au virus vaccinal de muter, devenant capable de causer la maladie.

Depuis le début de l’année, 51 cas de PVDVc2 ont été enregistrés au Nigeria, la majorité étant concentrée dans les États du nord où la couverture vaccinale reste historiquement basse.

Si tous les enfants sont vaccinés, aucun ne sera exposé au risque. En septembre, dix États du nord du Nigeria ont lancé une campagne de vaccination de masse pour protéger 20,7 millions d’enfants de moins de cinq ans contre le virus paralysant, rapprochant ainsi un peu plus le pays de l’éradication de cet agent pathogène.

Le point de vue de Kano

La cheffe du bureau de terrain de l’UNICEF à Kano, Rahama Rihood Mohammed Farah, a expliqué à VaccinesWork que la campagne, qui s'est déroulée du 28 septembre au 1er octobre, visait à vacciner 3,5 millions d'enfants contre la polio dans les 44 zones administratives de l'État.

« La coopération des parents est maximale et la participation très encourageante. »

- Rabiu Musa Yakubu, responsable de la santé de la zone de Madobi
Rabiu Musa Yakubu, Madobi LGA Health Official
Rabiu Musa Yakubu, responsable de la santé de la zone de Madobi

Au moment de la rédaction de cet article, Farah et le responsable des relations publiques du ministère de la Santé de Kano, Ibrahim Abdullahi, ont précisé que le recensement du nombre d'enfants vaccinés était toujours en cours.

La mobilisation des parents

Comme à Yandadi Gadan Dogo, le centre de soins primaires de Tamburawan Gabas était rempli de mères venues de la ville voisine de Gidan Yanshuni. Tandis que la campagne se basait parfois sur une vaccination de proximité au sein même des communautés, faire venir les mères jusqu’à la clinique n’a ici posé aucun problème.

Aisha Abubakar, une mère de deux enfants âgée de 25 ans, a raconté avoir été encouragée à amener son bébé de trois mois après avoir entendu les témoignages positifs de ses voisines.

« C’est la troisième fois que je l’amène pour se faire vacciner. Les agents de santé qui passent de maison en maison nous ont bien expliqué les avantages de la vaccination », a-t-elle déclaré.

Aisha Salisu Adam marking a house that has been covered.
Aisha Salisu Adam marquant une maison qui a été visitée lors de la campagne de vaccination.

Dans les différentes communautés visitées par VaccinesWork dans les zones de Madobi et Warawa, les mères affluaient en nombre. Un échantillon représentatif de parents a confié être heureux de participer à cette initiative, car elle protège leurs enfants de la maladie.

« C’est la première fois que je fais vacciner mon enfant », a déclaré Hadiza Sani, 21 ans. « Nous remercions les agents de santé de venir jusqu'à nous. Cela motive les parents. Je suis très contente que ma fille soit protégée contre la polio. »

« Il y a quelques années, les parents ne comprenaient pas toujours l’importance de la vaccination, mais aujourd’hui ils coopèrent et j’en suis ravi. Je suis persuadé qu’avec le temps, la polio et d’autres maladies disparaîtront de nos communautés. »

- Usman Garba, chef de la communauté de Tudun Wada Madobi

Rabiu Musa Yakubu, responsable de la santé de la zone de Madobi, a confirmé que « la coopération des parents est maximale et la participation très encourageante ».

Il a ajouté : « Le premier jour de la campagne, le 28 septembre, j’ai reçu 2 500 doses du vaccin contre la polio, dont 2 459 ont été administrées. Le deuxième jour, j’ai reçu la même quantité et en ai administré 2 461. J’ai donc atteint 4 920 doses sur les 5 000 disponibles. Avant, les parents n’étaient pas pleinement conscients des avantages, mais maintenant ils coopèrent et nous parvenons à toucher davantage de personnes. »

Fatima Abubakar, responsable de la santé au centre de Tamburawan Gabas, s’est réjouie de l’évolution observée : « Dans le passé, les femmes des zones difficiles d'accès ne venaient pas se faire vacciner. Grâce à une sensibilisation accrue et à notre campagne de porte-à-porte, nous touchons désormais plus de monde. »

Aisha Salisu Adam, une autre travailleuse de la santé de la communauté de Tudun Wada Madobi, a également noté une participation plus importante cette année : « J’ai administré le vaccin oral contre la polio (type 2), et la façon dont les parents l’ont adopté nous permettra de limiter la propagation de cette maladie. »

À Shafa Madaobi, la responsable de la santé Summayya Umar, accompagnée d’un leader communautaire, Isah Yusuf, a décrit l’opération comme un succès : « La vaccination contre la polio est bien accueillie dans la communauté. Les parents coopèrent pour s’assurer que leurs enfants sont vaccinés. »

Par ailleurs, le professeur Michael Olamoyegun, consultant et spécialiste en santé publique, a rappelé que chaque enfant devrait être vacciné peu après sa naissance. Comme tous ne naissent pas à l’hôpital et que plusieurs doses du vaccin sont nécessaires, ces campagnes de vaccination de masse sont essentielles pour prévenir les épidémies.

Il a ajouté : « Même si un seul cas est détecté, le gouvernement intervient dans la zone avec un programme de ratissage, car certains cas pourraient être en incubation. Vu l’effet dévastateur de la polio, la vaccination est cruciale pour protéger chaque enfant. »

L’accueil positif des leaders communautaires

Le chef de la communauté de Tamburawan Gabas, Isa Garba, a déclaré à VaccinesWork : « Par le passé, des mythes et des idées fausses persistaient, mais avec une sensibilisation accrue, notre population accepte désormais la vaccination. Nous demandons aux autorités de maintenir cette dynamique. »

Usman Garba, chef de la communauté de Tudun Wada Madobi, a souligné que la vaccination, au fil des années, a contribué à réduire certaines crises de santé, en particulier chez les enfants.

« Il y a quelques années, les parents ne comprenaient pas toujours l’importance de la vaccination, mais aujourd’hui ils coopèrent et j’en suis ravi. Je suis persuadé qu’avec le temps, la polio et d’autres maladies disparaîtront de nos communautés », a-t-il affirmé.