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De « non » à huit « oui » : comment une communauté a fini par accepter la vaccination

Dans une région du Plateau, au Nigeria, marquée par les conflits, toute une communauté avait rejeté la vaccination. Mais lorsqu’une amie de confiance a expliqué à une mère inquiète que les vaccins protégeraient son enfant, une réaction en chaîne s’est enclenchée.

  • 16 octobre 2025
  • 5 min de lecture
  • par Christian Health Association of Nigeria (CHAN)
Femmes et enfants de Rugan Bale, au Nigeria, le jour de la visite de l’équipe de vaccination. Crédit : CHAN
Femmes et enfants de Rugan Bale, au Nigeria, le jour de la visite de l’équipe de vaccination. Crédit : CHAN
 

 

Une communauté où la réponse était toujours « non »

À Rugan Bale, la réponse que les vaccinateurs entendaient presque toujours était « non ».

Le chemin poussiéreux qui mène au village longe des pâturages où broutent les troupeaux et des maisons rondes en terre coiffées de toits de chaume. En apparence, tout est calme. Mais derrière cette tranquillité, des années de violences, de peur et de rumeurs ont laissé leur trace.

Dans cette zone relevant du gouvernement local de Shendam, dans l’État du Plateau au Nigeria, la violence peut éclater sans prévenir. Des attaques armées ont déplacé des familles dans les villages voisins, et des routes sûres le matin peuvent devenir dangereuses le soir.

Pour de nombreux parents de la région, manquer les journées de vaccination n’était pas un signe de négligence, mais une conséquence inévitable de la survie.

Le changement ne se produit pas d’un coup : il naît de la patience, de l’écoute et de la confiance, jusqu’à ce qu’un premier « oui » en entraîne un autre, puis encore un autre.

La méfiance a ajouté un obstacle de plus à la protection. Pendant des années, les équipes de santé venues à Rugan Bale ont été accueillies avec des refus polis mais fermes. Des rumeurs affirmant que les vaccins rendaient les enfants malades se sont propagées rapidement de maison en maison, laissant de nombreux enfants sans protection contre des maladies évitables.

La mission de CHAN dans l’État du Plateau

L’Association chrétienne de santé du Nigeria (CHAN) — qui met en œuvre la composante nigériane du projet Reaching Every Child in Humanitarian Settings (REACH), financé par Gavi et dirigé par le International Rescue Committee (IRC) — était déterminée à changer la donne.

En septembre 2025, les équipes de CHAN avaient administré un total de697 665 doses de vaccins de routine à des enfants dans tout l’État du Plateau. Grâce à ces efforts, 26 877 enfants ont reçu leur deuxième dose du vaccin contenant la rougeole. Dans le seul district de Shendam, la couverture a atteint des niveaux autrefois jugés inatteignables.

Mais ces chiffres ne racontent que le résultat, pas la transformation qui l’a rendu possible. Le véritable changement se produit lorsque la méfiance se transforme en confiance — une conversation, un parent à la fois.

Azumi : de l’hésitation à la confiance

L’une des premières personnes rencontrées par l’équipe de CHAN à Rugan Bale fut Azumi Dabulde, une mère peule de cinq enfants — aujourd’hui championne de la vaccination, mais autrefois farouche opposante.

Dabulde et sa famille avaient quitté l’État de Nasarawa il y a dix ans à la recherche de pâturages plus verts pour leur bétail. Elle gagne sa vie en vendant du lait non pasteurisé et des produits agricoles.

Elle a raconté son histoire. Pendant des années, elle avait cru aux rumeurs affirmant que les vaccins pouvaient nuire aux enfants. Son premier enfant, aujourd’hui âgé de 20 ans, n’a jamais été vacciné. Son plus jeune, un bébé de dix mois, semblait suivre le même chemin — jusqu’à ce qu’elle change d’avis.

Azumi and her children, in Rugan Bale. Credit: CHAN
Azumi et ses enfants, à Rugan Bale.
Crédit : CHAN

Ce qui l’avait fait changer d’avis, expliqua-t-elle, ce furent les paroles d’Amina Husseini, la cheffe respectée des femmes de Rugan Bale.

« Les vaccins sont des médicaments qui préviennent les maladies et rendent les enfants forts », lui avait dit Husseini. « J’en donne à mes propres enfants, car je sais qu’ils protègent, ils ne font pas de mal. »

Entendre ces mots de la bouche d’une voisine en qui elle avait confiance suffit à convaincre Azumi. Elle commença à faire vacciner ses plus jeunes enfants et encourage aujourd’hui d’autres mères à en faire autant.

« Je suis heureuse que CHAN vienne jusqu’ici ; nous sommes souvent oubliés », ajouta la mère.

Le déclic de Rabi

Husseini orienta l’équipe de CHAN vers une autre mère, Rabi Saadi, qui n’avait jamais accepté la vaccination pour ses trois jeunes enfants. Ses craintes étaient similaires : elle pensait que les vaccins provoquaient fièvres et pleurs.

L’équipe de CHAN prit le temps de l’écouter et de reconnaître ses inquiétudes. Elle expliqua que ces effets légers sont temporaires et bien moins graves que les maladies que les vaccins préviennent. Les agents racontèrent aussi qu’ils vaccinaient leurs propres enfants, témoignant ainsi de la confiance qu’ils accordaient aux services qu’ils proposaient.

Grâce à l’encouragement d’Husseini, Saadi accepta pour la première fois que ses enfants soient vaccinés. Elle promit également d’en parler à d’autres mères pour les convaincre. Un kit de traitement des effets indésirables post-vaccinaux (AEFI), comprenant du sirop de paracétamol, lui fut remis pour l’aider à gérer une éventuelle fièvre.

Huit enfants, un après-midi

À la fin de cet après-midi-là, huit enfants du village avaient été vaccinés pour la toute première fois. Dans une communauté où la réponse avait toujours été « non », c’était une véritable percée.

Pour CHAN, ces moments sont la preuve que des progrès sont possibles, même dans les endroits marqués par l’insécurité, l’isolement et une longue méfiance. Le changement ne se produit pas d’un coup : il naît de la patience, de l’écoute et de la confiance, jusqu’à ce qu’un premier « oui » en entraîne un autre, puis encore un autre.

Et après ?

À Rugan Bale, Azumi et Rabi sont désormais des voix du changement. L’une a commencé son cheminement avant la visite de CHAN, l’autre le jour même où l’équipe est arrivée. Ensemble, elles encouragent d’autres mères à protéger leurs enfants.

CHAN continuera à travailler avec des leaders locaux comme Amina Husseini pour renforcer ces voix et faire en sorte qu’aucun enfant de l’État du Plateau ne soit laissé sans protection. Chaque enfant vacciné représente un pas de plus vers un avenir plus sain et plus sûr. Parfois, ce chemin commence simplement par une conversation à l’ombre d’un arbre.

Comment Gavi soutient-elle CHAN ?

Le programme de partenariats humanitaires de Gavi, également appelé ZIP, finance des organisations partenaires disposant d’une expertise spécifique dans les contextes de crise humanitaire. Son objectif : administrer à chaque enfant, de la naissance à cinq ans, l’ensemble des doses de vaccin prévues, y compris dans les communautés où les conflits empêchent l’accès aux services publics de santé.

CHAN, active dans les régions instables du nord du Nigeria, fait partie de ces organisations spécialisées. Elle opère dans le cadre du consortium REACH, financé par ZIP et dirigé par l’IRC.

En juillet 2025, ZIP avait déjà permis à plus de 2,1 millions d’enfants vivant en zones de crise de recevoir leur tout premier vaccin, et à 1 million d’enfants d’obtenir leur dernière dose recommandée, les rendant ainsi complètement immunisés.