« J’ai eu l'impression de me transformer en glaçon - je vivais une expérience extracorporelle » : Karen Nakawala parle de sa lutte contre le cancer du col de l'utérus

Il y a quatre ans, la journaliste radio-télévision zambienne Karen Nakawala a appris qu'elle était atteinte d'un cancer du col de l'utérus. Elle a survécu, mais cela n’a malheureusement pas été le cas pour beaucoup de ses amies d’alors. Aujourd'hui, elle s'est donné pour mission de convaincre les jeunes filles du monde entier de se faire vacciner contre le virus du papillome humain.

  • 20 juin 2023
  • 5 min de lecture
  • par Personnel de Gavi
Karen Nakawala, journaliste audiovisuelle zambienne, qui a survécu au cancer du col de l'utérus
Karen Nakawala, journaliste audiovisuelle zambienne, qui a survécu au cancer du col de l'utérus
 

 

« Beaucoup de femmes meurent inutilement », déclare Karen Nakawala, journaliste zambienne et militante engagée dans la lutte contre le cancer du col de l'utérus.

Selon les estimations, près de 2 000 femmes meurent chaque année en Zambie du cancer du col de l'utérus, alors que cette maladie pourrait être évitée dans la plupart des cas.

Plus de 95 % des cancers du col de l'utérus sont la conséquence d'une infection par le virus du papillome humain (VPH). Capable de prévenir pratiquement tous les cas de cancer du col de l'utérus, le vaccin contre le VPH a commencé à être introduit dans le programme de vaccination de la Zambie en 2013. En 2019, la Zambie a lancé un programme national de vaccination gratuite destiné aux adolescentes de 14 ans.


Malgré cela, en 2020, le cancer du col de l'utérus représentait 22,9 % des 13 831 nouveaux cancers signalés en Zambie et 40,2 % des nouveaux cancers chez les femmes.

C’est seulement après sa guérison que Nakawala a appris qu’il était possible de prévenir le cancer du col de l'utérus avec un vaccin.

C’est seulement après sa guérison que Nakawala a appris qu’il était possible de prévenir le cancer du col de l'utérus avec un vaccin.

Le cancer de Nakawala a été découvert en juin 2019, à l’occasion d'un examen gynécologique de routine. Elle se souvient de l’annonce du diagnostic : « J’ai cru que le ciel me tombait sur la tête. J'ai eu l'impression de me transformer en glaçon – j’ai vécu une expérience extracorporelle ». Pendant les trois jours qui ont suivi, elle n'a pas dormi, poursuivie par la vision de son propre enterrement, et de ses deux enfants orphelins.

Le traitement (radiothérapie, chimiothérapie et curiethérapie) a été "très dur", se souvient-elle. Les autres patientes l'ont réconfortée. « Nous avons formé une sorte de sororité », explique-t-elle. Mais, certains matins, l’une d’entre elles manquait à l’appel. « Alors, on demande de ses nouvelles aux autres : – "Oh non, elle est morte la nuit dernière"- Changement d’ambiance. Tout le monde se dit : "OK, la prochaine fois, ce sera moi". »

En septembre, Nakawala avait fini son traitement et elle était guérie de son cancer. Mais elle avait vu comment cela se passe, et elle savait maintenant que les patientes atteintes de cancer du col de l'utérus se murent dans le silence et se cachent derrière un écran, par peur de la stigmatisation. Cette attitude est très dangereuse : plus le cancer est détecté tardivement, plus le pronostic est défavorable.

Elle a décidé d'utiliser sa notoriété pour parler, sensibiliser, donner la parole aux patientes, et inciter les femmes à se faire dépister. Elle a commencé sa campagne en 2020. En l'espace d'un mois, son compte Facebook avait déjà réuni 100 000 adeptes.

« Ma fille est devenue l’égérie de notre campagne en faveur du vaccin contre le virus du papillome, et elle milite pour la vaccination ».

Fait révélateur, ce n'est qu'après sa guérison que Nakawala a appris qu’il était possible de prévenir le cancer du col de l'utérus avec un vaccin. Elle avait été invitée par l'hôpital de cancérologie de Zambie à faire partie d'un comité chargé d’élaborer des brochures sur la santé. Lors d'une réunion, quelqu'un a montré une plaquette sur le vaccin contre le VPH. « Je me souviens avoir demandé : D'accord, mais comment se fait-il que je n'aie jamais entendu parler du vaccin contre le VPH ? » Et c'est là qu'on m'a dit : « C’est pourtant ce que l’on fait depuis 2013, mais seulement pendant la Semaine de la santé de l'enfant ».

« C'est à ce moment-là que j'ai commencé à me démener pour faire mieux connaître le vaccin contre le VPH », explique Nakawala. Au fur et à mesure que j'en apprenais davantage à ce sujet, je me rendais compte que, oui, on pouvait voir le bout du tunnel ».

Sa fille avait neuf ans à l'époque et remplissait les conditions pour être vaccinée selon les directives de l'OMS. Mais plus de deux ans plus tard, sa fille n'est toujours pas vaccinée ; les contraintes budgétaires empêchent la Zambie de proposer les vaccins aux adolescentes de moins de 14 ans.

Nakawala espère que cela va changer. « Ma fille est en fait l’égérie de notre campagne en faveur du vaccin contre le VPH, et elle milite pour la vaccination », ajoute-t-elle.

Beaucoup de vies auraient pu être sauvées. Quand on voit des jeunes femmes de 26 ans mourir aujourd’hui d’un cancer du col de l'utérus, ce sont des femmes qui auraient pu être sauvées si elles avaient été vaccinées.

Elle sait qu’il est possible d’éliminer le cancer du col de l'utérus, mais la voie qui y mène est parsemée de nombreux obstacles. Actuellement, certaines jeunes filles techniquement éligibles ne sont pas vaccinées parce qu’il n’est possible de trouver un créneau pour la vaccination qu'une ou deux fois par an : « Que se passera-t-il si je suis absente à ce moment-là, si je ne suis pas là pour donner mon autorisation de vacciner ma fille ? ».

Dans certains cas, la décision des parents est dictée par des mythes ou par la pression sociale plutôt que par des considérations sanitaires. « Les parents se disent : si j'emmène ma fille se faire vacciner, les gens vont dire qu'elle couche à droite et à gauche et qu'elle est vicieuse », explique Nakawala.

« Nous avons du pain sur la planche », concède-t-elle. Il ne s'agit pas seulement d’affronter la terrible chape de plomb qui entoure ce virus cancérogène lié à la sexualité, mais aussi « de savoir si nous allons pouvoir nous le procurer [le vaccin contre le VPH] ; il faut qu’il soit disponible et accessible à la demande ».

En 2021, seulement 33 % des adolescentes éligibles ont été vaccinées contre le VPH. Nakawala est manifestement indignée par un tel retard dans le taux de couverture. « Quand on pense à toutes celles qui n’ont pas été vaccinées, alors que le vaccin est disponible depuis 2013 ! Beaucoup de vies auraient pu être sauvées ! Quand on voit des jeunes femmes de 26 ans mourir aujourd’hui d’un cancer du col de l’utérus, ce sont des femmes qui auraient pu être sauvées si elles avaient été vaccinées ».