Lutte contre la dengue au Togo : la course contre la montre

Au Togo, un pays situé au sud du Burkina Faso, les autorités sont en état d'alerte maximale en raison d'une épidémie de dengue ayant déjà causé plus de 700 décès dans le pays voisin. Depuis lors, des mesures ont été mises en place au niveau national, et les résultats commencent à se manifester.

  • 12 février 2024
  • 7 min de lecture
  • par Nephthali Messanh Ledy
Crédit : jcompon Freepik
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Le Burkina Faso traverse une période critique depuis plusieurs mois, mais c'est en août 2023 que la situation a pris une tournure alarmante avec une explosion des cas suspects et une série de décès dus à la dengue. À ce jour, le pays déplore plus de 700 morts liées à cette épidémie. Le Dr Alexis Edem Agbodjan, un médecin généraliste basé à Lomé, explique : « La dengue est une maladie infectieuse virale transmise par les moustiques du type Aedes, également connus sous le nom de moustiques tigres. »

Cette maladie, autrefois circonscrite à certaines régions du Burkina Faso, s'est propagée à travers le pays en quelques semaines. Le moustique vecteur est désormais signalé dans toutes les régions, y compris dans l'est du pays, une zone frontalière avec la région des Savanes au Togo.

C'est précisément dans cette région que deux des huit cas de dengue, confirmés par le ministère togolais de la Santé, ont été identifiés en novembre dernier. En réponse, le gouvernement a annoncé la mise en place d'investigations visant à détecter d'éventuels cas au sein de la communauté en vue d'une prise en charge précoce.

« L'incidence de la dengue a connu une progression spectaculaire dans le monde entier au cours des dernières décennies », a déclaré l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans un communiqué en juillet 2023, soulignant que la maladie pourrait devenir une menace majeure.

À ce jour, selon les autorités sanitaires, la situation demeure sous contrôle. La surveillance épidémiologique est maintenue pour repérer les cas suspects, et des prélèvements sont effectués pour assurer le diagnostic biologique. La Dre Nikiema Pessinaba Christelle, responsable de la division de la surveillance intégrée des urgences sanitaires et de la riposte au ministère de la Santé du Togo, rassure en déclarant : « À la date du 14 janvier 2024, aucun cas confirmé de dengue n'a été enregistré pour l'année 2024. »

Ne laisser aucune chance aux moustiques vecteurs de la maladie

Pour parvenir à cette situation, le pays a mis en place plusieurs mesures, notamment le renforcement de la surveillance aux frontières avec des agents de santé expérimentés. La cheffe de la division de la surveillance intégrée des urgences sanitaires et de la riposte explique : « La surveillance transfrontalière de la dengue a été intensifiée, notamment par le briefing des agents sanitaires aux points d'entrée, la sensibilisation des voyageurs et des populations locales sur les risques sanitaires, le briefing des agents de santé dans les formations sanitaires des zones à risque concernant la détection précoce des éventuels cas et leur prise en charge, ainsi que l'acquisition et la mise à disposition des intrants nécessaires à la prise en charge. »

Dre Nikiema Pessinaba Christelle

À l'échelle nationale, un plan d'action a été mis en place, englobant l'organisation de la prise en charge des cas dans les établissements de santé, le renforcement de la détection précoce grâce à des confirmations en laboratoire, et la sensibilisation de la population aux mesures préventives contre la dengue. La Dre Nikiema Pessinaba explique : « Le Togo reste constamment vigilant face aux maladies potentiellement épidémiques, dont la dengue. Nous suivons des directives de surveillance intégrée qui guident le personnel de santé dans la détection, la notification, la confirmation des cas et les actions à entreprendre en cas de maladie. La mise en œuvre des stratégies de communication inclut les maladies à transmission vectorielle, avec des activités menées au sein des communautés pour sensibiliser sur l'application des mesures d'éviction, l'importance de consulter rapidement en cas de symptômes, et la nécessité de maintenir un environnement propre, peu propice à la prolifération des vecteurs. »

Parallèlement, En parallèle, le ministère de la Santé a mis en place des mesures pour organiser la prise en charge des cas au sein des établissements de santé. En octobre 2023, le pays a également entrepris la distribution gratuite de moustiquaires imprégnées d'insecticide à longue durée d'action. Leur utilisation correcte vise à prévenir les piqûres des moustiques vecteurs de la maladie. De plus, les services sanitaires travaillent activement à renforcer l'assainissement de l'environnement pour lutter contre la propagation de la dengue, a ajouté la Dre Nikiema Pessinaba.

Face à la dengue et au paludisme, une population vigilante

La dengue suscite des inquiétudes au sein des populations. Koffi Ahongan, membre du comité de développement du quartier Bè-Agodo à Lomé, exprime ses préoccupations : « C'est une maladie qu'on ne maîtrise pas trop. Certes, nous avons entendu parler des symptômes à la radio, mais ils sont pratiquement les mêmes que ceux du paludisme. » Pour faire face à cette situation, Koffi et les membres du comité mènent une campagne de sensibilisation dans leur quartier depuis quelques semaines, mettant l'accent sur l'assainissement et les règles élémentaires d'hygiène.

« Dans notre quartier, certaines personnes laissent des puisards (systèmes de drainage, ndlr) déborder. Nous savons que l'eau stagnante peut devenir un terrain propice à la reproduction des moustiques. Donc, nous les rappelons à l'ordre pour éviter la prolifération des moustiques », souligne-t-il. De plus, le comité organise régulièrement des séances de salubrité publique mobilisant l'ensemble du quartier. Ayoko, une habitante du quartier, apprécie cette initiative : « C'est une bonne chose, car cela permet d'éviter des problèmes de santé. » Elle ajoute qu'elle dort également sous une moustiquaire, jour et nuit, pour se protéger.

Depuis l'annonce des premiers cas le 14 novembre 2023, le gouvernement a mis un fort accent sur la sensibilisation. Un communiqué a été diffusé, détaillant la situation épidémiologique et appelant la population à adopter des mesures de lutte antivectorielle pour minimiser le risque de contracter la maladie.

Par la suite, les professionnels de la santé ont intensifié la sensibilisation à travers plusieurs émissions radiophoniques et télévisées. De plus, les dialogues communautaires, organisés périodiquement dans les communautés, ont intégré le sujet de la dengue, renforçant ainsi les connaissances des populations sur cette maladie, comme le rappelle la Dre Nikiema Pessinaba Christelle.

« L'incidence de la dengue a connu une progression spectaculaire dans le monde entier au cours des dernières décennies », a déclaré l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans un communiqué en juillet 2023, soulignant que la maladie pourrait devenir une menace majeure.

Le dérèglement climatique pointé du doigt

Selon le Dr Alexis Edem Agbodjan, cette recrudescence de la maladie s'explique par plusieurs facteurs, dont la démographie, une urbanisation non maîtrisée, et les lacunes des politiques sanitaires dans la lutte contre les moustiques. Il pointe également du doigt le changement climatique en affirmant : « Des études ont démontré que le changement climatique a joué un rôle clé en facilitant la propagation des moustiques vecteurs. Les variations de température, les changements dans les précipitations, et l'augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles favorisent la multiplication des sites de reproduction des moustiques, leur survie, la vitesse de reproduction, l'incubation du virus, ainsi que la distribution du virus de la dengue et de ses vecteurs. »

En conséquence, affirme-t-il, « il est impératif de mettre en place de manière durable des mesures d'assainissement pour éviter la prolifération des gîtes larvaires en impliquant activement les communautés. » En attendant la mise en œuvre d'une telle politique, le Togo doit agir de manière urgente pour prévenir une flambée de la maladie.

« La dengue est une maladie transmise à l'homme par la piqûre de moustiques infectés. Elle peut entraîner la mort dans sa forme grave. Heureusement, c'est une maladie évitable à condition de suivre des mesures de prévention. Les principales méthodes de prévention comprennent le port de vêtements couvrants, l'utilisation de moustiquaires imprégnées de répulsif pendant la journée et la nuit, la fixation de grillages anti-insectes aux portes et fenêtres, l'utilisation de répulsifs contre les moustiques, le retrait des déchets, la couverture des récipients d'eau dans les maisons et l'environnement, et la destruction des lieux de reproduction des moustiques en éliminant l'eau stagnante », insiste le Dr Nikiema Pessinaba.


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