Épidémie de choléra : Le Togo se lance dans une course contre la montre
Au Togo, après la grande saison des pluies qui s’est achevée en août dernier, des cas de choléra ont été signalés tant dans les régions qu’à Lomé, la capitale. En septembre, la situation s'est aggravée dans le district sanitaire du Golfe, qui englobe Lomé. Entre campagnes de sensibilisation, mesures préventives et recensement des nouveaux cas, les autorités sanitaires et les communautés locales s'activent pour limiter la propagation de cette maladie qui, selon les chiffres officiels, a déjà causé quatre décès.
- 21 octobre 2024
- 5 min de lecture
- par Nephthali Messanh Ledy

Une maladie qui avance masquée
Le choléra au Togo est une maladie qui se propage souvent en silence. « Il y a beaucoup de porteurs sains. Sur 100 cas de choléra, à peine 10 personnes développent la maladie », explique le Dr Tante Ouyi, responsable de la surveillance des maladies non transmissibles au ministère de la Santé. « Certaines personnes souffrent de diarrhées sévères sans que des prélèvements ne soient réalisés, donnant l’impression qu’elles n’ont pas le choléra. C’est cela le problème à Lomé. Les cas signalés sont ceux pour lesquels les prélèvements se sont révélés positifs, mais il y a sûrement des cas non détectés », souligne-t-il.
Ce phénomène complique la lutte contre la maladie dans des zones déjà fragilisées par des infrastructures sanitaires précaires. À Adakpamé, un quartier de la commune Golfe 1, le choléra s'est implanté, et la détection de nouveaux cas est un véritable défi. Cette réalité alarme les autorités sanitaires, qui multiplient les efforts pour endiguer l'épidémie.
« Certaines personnes souffrent de diarrhées sévères sans que des prélèvements ne soient réalisés, donnant l’impression qu’elles n’ont pas le choléra. C’est cela le problème à Lomé. Les cas signalés sont ceux pour lesquels les prélèvements se sont révélés positifs, mais il y a sûrement des cas non détectés. »
– Dr Tante Ouyi, responsable de la surveillance des maladies non transmissibles au ministère de la Santé
Depuis le début du mois d'octobre, le district sanitaire du Golfe, qui inclut la capitale Lomé, connaît une recrudescence des cas. Quatre décès ont été confirmés. À Adakpamé, un quartier de l'ouest de la capitale, les autorités et les acteurs communautaires s'efforcent d'intensifier la prévention et la sensibilisation. Le comité de crise, mis en place par le ministère de la Santé, est activement mobilisé pour stopper la propagation de la maladie.

Crédit : Nephthali Ledy
Cependant, l’ampleur réelle de la situation reste difficile à cerner. « Un seul cas dans une communauté comme les nôtres ne peut pas vivre isolé », prévient le Dr Ouyi, laissant entendre que le nombre de cas non signalés pourrait être bien plus élevé que ce que les chiffres officiels indiquent.
Face à cette urgence, le comité de crise a pour mission de sensibiliser les populations et de distribuer des produits pharmaceutiques tels que le chlore. L'Agence nationale d'assainissement et de salubrité publique (ANASAP) a également été mobilisée pour collecter les ordures et procéder à la désinfection des zones touchées, a précisé le ministre.
Un levier communautaire clé dans la lutte contre le choléra
L'implication des communautés est essentielle pour éviter une propagation à grande échelle. « Elles jouent un rôle crucial dans la prévention du choléra. Il est primordial qu'elles participent activement à l'amélioration des pratiques d'hygiène, à la gestion de l'assainissement et à la surveillance locale des risques sanitaires », souligne le Dr Koffi Atassé Serge, médecin de santé publique spécialisé en épidémiologie et santé communautaire. Il insiste également sur la nécessité pour les communautés de signaler rapidement les cas suspects de diarrhée aiguë.
Déjà, plusieurs quartiers sont sur le qui-vive. Dans les zones endémiques, où l'assainissement est souvent insuffisant et où l'usage de toilettes publiques est répandu, la consommation d'aliments de rue reste une habitude courante, souvent sans respect des règles d'hygiène. La mobilisation est donc urgente.
Dans le quartier de Bè Wété, par exemple, voisin de la zone affectée, le Comité de développement du quartier (CDQ) a pris des mesures immédiates. « Nous avons contacté les centres de santé privés, les leaders communautaires et les ONG pour éradiquer cette maladie », déclare Napoléon Akpaloo, président du comité. Les femmes jouent ici un rôle clé, s'appuyant sur leurs réunions hebdomadaires pour organiser des actions de sensibilisation.
À Akodésséwa, un autre quartier sous surveillance, des campagnes d'information ont été lancées dans les lieux publics. « Dès que nous avons entendu parler de la maladie, nous avons intensifié les efforts à la gare routière, au marché et devant les toilettes publiques pour rappeler à chacun les règles d’hygiène », précise Kougnima Max, président du CDQ.
Pour aller plus loin
Le soutien des volontaires de la Croix-Rouge togolaise (CRT) est également déterminant dans la prévention. « Nos volontaires sont mobilisés pour des activités d'hygiène, de désinfection des lieux publics et de distribution de comprimés de chlore. Ils sensibilisent aussi les communautés sur les précautions à prendre concernant l'eau, la nourriture et le lavage des mains », explique le Dr Koffi Nsoukpoe, responsable du département Santé de la CRT.
Des défis persistants
Malgré l’expérience du Togo dans la gestion du choléra, des obstacles subsistent, notamment en matière de détection rapide des cas. Le manque de tests de diagnostic rapide (TDR) complique la capacité des autorités à réagir de manière proactive. « Tant que nous n’avons pas de TDR, il est difficile d'affirmer que la situation est sous contrôle. Ces tests sont essentiels pour rompre la chaîne de contamination », reconnaît le Dr Tante Ouyi.
Pour vaincre durablement cette épidémie, une approche intégrée est nécessaire, associant prévention, accès à l'eau potable et à des installations sanitaires adéquates, ainsi qu'une surveillance renforcée. La mobilisation des communautés, en première ligne face à cette menace, demeure un atout clé dans cette lutte contre une maladie qui continue de ravager en silence.
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