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Mobilisation en RDC contre le mpox : la vaccination au cœur de la riposte

La République Démocratique du Congo (RDC) a lancé sa campagne de vaccination contre le mpox, une maladie virale émergente ayant provoqué des flambées épidémiques sur plusieurs continents ces dernières années. Depuis le début de 2024, le pays fait face à une recrudescence préoccupante des cas et des décès liés au Mpox. Selon le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique), plus de 4 900 cas confirmés de mpox ont été signalés en RDC, avec un bilan dépassant les 629 décès. Cette augmentation est significative par rapport aux années précédentes, et les autorités sanitaires locales peinent à endiguer cette nouvelle vague.

  • 4 novembre 2024
  • 9 min de lecture
  • par Patrick Kahondwa
En RDC, des familles attendent la vaccination contre le mpox dans un centre de santé. Une affiche en swahili informe des symptômes et encourage la consultation médicale. Crédit : Ricky Ombeni
En RDC, des familles attendent la vaccination contre le mpox dans un centre de santé. Une affiche en swahili informe des symptômes et encourage la consultation médicale. Crédit : Ricky Ombeni
 

 

Contexte épidémiologique du mpox en RDC

Le mpox, anciennement connu sous le nom de variole simienne, est une maladie virale qui sévit principalement dans les zones tropicales de l’Afrique centrale et occidentale. On distingue deux clades du virus : le clade I (y compris les sous-clades Ia et Ib) et le clade II (y compris les sous-clades IIa et IIb). La RDC est particulièrement concernée par clade Ib, qui présente un taux de mortalité plus élevé.

L’épidémie actuelle en RDC est en partie attribuée aux faibles infrastructures sanitaires et à la prévalence des contacts étroits entre humains et animaux porteurs du virus. En effet, le mpox est une zoonose, ce qui signifie qu'il peut être transmis des animaux aux humains, en particulier par les primates et les rongeurs, dans les zones où les interactions avec ces animaux sont fréquentes, notamment dans les activités comme la chasse et l'élevage. La transmission interhumaine, quant à elle, se fait par contact direct avec les lésions cutanées, les fluides corporels ou les objets contaminés, ce qui rend la gestion de l’épidémie complexe dans des zones à forte densité de population.

Lancement de la vaccination : un soulagement pour la population

En septembre 2024, la RDC a reçu environ 265 000 doses de vaccins, approvisionnés par HERA via Africa CDC, USAID, et Gavi, pour tenter de juguler cette flambée. Ces doses ont été réparties sur 12 zones de santé, dont plusieurs sont gravement touchées, notamment la province du Nord- et Sud-Kivu. Cette dernière est particulièrement vulnérable en raison de sa densité de population et de ses infrastructures sanitaires limitées. La ville d’Uvira, située dans cette province, est l’un des centres névralgiques de la vaccination.

« On nous a dit que le vaccin arrivait et qu’il serait important de se faire vacciner, car nous sommes vulnérables. Aujourd’hui, je suis vaccinée et cela me rassure. »

Le lancement de cette campagne vaccinale est perçu comme un soulagement pour une population déjà confrontée à plusieurs crises sanitaires, notamment Ebola et la Covid-19. Les sites de vaccination ont rapidement été pris d’assaut, notamment par des groupes identifiés comme particulièrement à risque, tels que les soignants et certaines communautés exposées à des interactions régulières avec des porteurs du virus.

« Dans notre travail, nous rencontrons plusieurs personnes. Certaines d’entre elles peuvent être affectées par le mpox et nous contaminer aussi », explique une travailleuse du sexe qui a souhaité rester anonyme à l’hôpital général d’Uvira, après avoir reçu son vaccin. « On nous a dit que le vaccin arrivait et qu’il serait important de se faire vacciner, car nous sommes vulnérables. Aujourd’hui, je suis vaccinée et cela me rassure. »

Un vaccin attendu, mais des défis logistiques majeurs

Le vaccin utilisé dans cette campagne, de type vivant atténué, est dérivé de celui contre la variole humaine, ce qui en fait une arme efficace contre le mpox. Toutefois, les doses restent insuffisantes face à l'ampleur de l’épidémie et la couverture géographique du pays. La distribution des vaccins est particulièrement difficile en RDC, où les infrastructures comme la chaîne du froid sont souvent en mauvais état, rendant l’accès aux populations des zones rurales ou reculées très compliqué.

Une femme reçoit sa dose de vaccin contre le mpox lors de la campagne de vaccination en RDC. 
Crédit : Ricky Ombeni

Alphonse Mufariji, un acteur de la société civile, partage à la fois son soulagement et ses frustrations : « Nous sommes contents que le gouvernement ait pris des mesures pour protéger la population. Il reste encore de nombreuses personnes à vacciner dans des zones difficiles d’accès. Le vaccin est là, mais il faut maintenant s'assurer que chacun puisse en bénéficier. »

La riposte des autorités sanitaires et la communauté internationale

Le gouvernement congolais, avec l’appui de partenaires internationaux tels que l’OMS et le CDC Afrique, a mis en place plusieurs stratégies pour accélérer la réponse à l’épidémie. En plus de la vaccination, des campagnes de sensibilisation sur les mesures préventives ont été organisées, notamment dans les zones où l’accès aux soins est limité. Les autorités encouragent les populations à limiter les contacts avec les animaux sauvages et à signaler rapidement tout cas suspect.

Dr Nanou Yanga, chef de la vaccination mpox au sein du Programme élargi de vaccination (PEV), souligne les efforts consentis pour freiner la transmission du virus. « La maladie elle-même sensibilise la population à la nécessité de se protéger. Malheureusement, nous ne disposons pas encore d'assez de vaccins pour couvrir tout le monde, alors nous concentrons nos efforts sur la vaccination des populations clé, des contacts directs et indirects des personnes infectées, afin de briser la chaîne de transmission. »

« Nous avons surmonté de nombreuses épreuves, de la polio à Ebola en passant par la Covid-19. Avec la vaccination et les efforts déployés, nous espérons voir la fin de cette épidémie de mpox. »

En parallèle, les autorités plaident pour une mobilisation accrue de la communauté internationale afin d’obtenir des doses supplémentaires et de renforcer les capacités logistiques locales.

Le personnel soignant en première ligne

Les soignants, en première ligne de la lutte contre cette épidémie, sont parmi les premières personnes à recevoir le vaccin. Beaucoup ont exprimé leur soulagement, mais aussi leur inquiétude quant à l’ampleur de l’épidémie. « Récemment, nous avons perdu un collègue infirmier qui est décédé du mpox. Sa mort nous a tous bouleversés », témoigne Rachid Ndakundi, président des infirmiers d’Uvira. « Avec le vaccin, nous nous sentons mieux protégés, mais il est crucial que tout le personnel de santé soit vacciné rapidement pour éviter de nouvelles pertes. »

Imani Nakagoje, un autre infirmier travaillant dans un centre de traitement du mpox à Uvira, confie : « Quand l’épidémie a commencé, nous ne savions pas comment nous allions soigner les patients sans mettre nos vies en danger. Maintenant que le vaccin est là, nous avons l’espoir de pouvoir contenir la situation, comme cela a été fait pour la COVID-19. »

Des stratégies interdisciplinires pour atteindre les populations à risque

À Uvira, comme dans d’autres zones concernées, des équipes du Programme Élargi de Vaccination sont déployées pour cibler les populations, malgré des quantités de doses limitées. « Nous avons huit équipes sur le site de vaccination, responsables de couvrir l'ensemble de la zone de santé en identifiant les personnes à risque. En plus d’accueillir ceux qui viennent au centre de santé pour se faire vacciner, nos équipes se déplacent vers des lieux où les populations cibles sont plus nombreuses », explique le Dr Nimi Panzu, médecin-chef de la zone d’Uvira.

Pour renforcer leur approche, de stratégies interdisciplinaires ont été mises en œuvre afin d’atteindre l’ensemble de la population ciblée. Le Dr Nanou précise : « Dans le cadre de cette campagne, nous avons tiré parti des structures du Programme National de Lutte contre le Sida et du Programme National Multisectoriel de Lutte contre le Sida pour mieux atteindre nos cibles. Nous travaillons également en collaboration avec le programme de santé animale afin de toucher d'autres groupes vulnérables, tels que les éleveurs, les pêcheurs, les chasseurs et les éco-gardes. »

Une lutte à long terme contre le mpox

Le mpox est désormais classé comme une urgence de santé publique de portée internationale par l’OMS et comme une menace prioritaire par Africa CDC et Gavi, ce qui implique que le combat contre cette maladie ne se limite pas à une simple réponse réactive. La RDC, avec le soutien de ses partenaires internationaux, espère acquérir d'autres doses de vaccins et renforcer ses capacités de surveillance épidémiologique pour contenir l’épidémie à long terme.

En attendant, les populations affectées gardent espoir. « Nous avons surmonté de nombreuses épreuves, de la polio à Ebola en passant par la Covid-19. Avec la vaccination et les efforts déployés, nous espérons voir la fin de cette épidémie de mpox », conclut un habitant d’Uvira.

Joindre les efforts pour une coordination continentale efficace et durable : l’implication de Gavi

Alors que l’épidémie de mpox sévit en Afrique centrale et de l’Ouest, Gavi, l’Alliance du Vaccin, appuie la réponse continentale en déployant du personnel sur le terrain, que ce soit au niveau de la coordination globale de la réponse ou directement en RDC, pour unir les efforts des différents acteurs et soutenir la riposte. Pour Dr Marthe Sylvie Elouma Essengue, Directrice régionale, Afrique centrale et de l’Ouest chez Gavi, cette approche vise autant à gérer la crise actuelle qu’à contribuer à bâtir des systèmes de santé résilients, capables de faire face aux futures épidémies : « C’est la première fois que Gavi déploie du personnel pour une réponse directe. Cela nous permet de travailler plus efficacement avec les autres partenaires et de renforcer une réponse rapide, complémentaire et adaptée aux besoins locaux, qui sont changeants en fonction de l’évolution de l’épidémie. »

Un des piliers de cette résilience est le renforcement de la surveillance épidémiologique et de l’implication des acteurs communautaires dans la surveillance, la détection des cas et leur suivi. En RDC, Gavi contribue à l’amélioration du système d’information sanitaire en dotant le niveau sous-national des outils numériques, permettant une collecte et une remontée plus rapide de l’information ainsi que le suivi des contacts. « Améliorer la collecte des données de qualité est essentielle pour réagir efficacement, interrompre la transmission et prévenir les crises futures », a déclaré Cyril Nogier, responsable pays de Gavi pour la RDC.

L’engagement communautaire est aussi au cœur de cette stratégie intégrée. Gavi soutient des agents de santé locaux, qui jouent un rôle clé, aussi bien en temps de réponse aux épidémies que dans le cadre de la vaccination de routine dans le rattrapage des enfants zéro dose. « Ce renforcement de l’engagement communautaire, s’il fonctionne en temps normal et pendant les épidémies, contribue au renforcement de la résilience des systèmes de santé », précise-t-il.

Enfin, tout en soutenant la vaccination qui aide à interrompre l’épidémie, Gavi s’intéresse aussi à la continuité des services de vaccination durant la réponse à l’épidémie de mpox. Des efforts ont été faits ces dernières années par Gavi et d’autres autres partenaires, dont la Banque Mondiale, pour renforcer la chaîne du froid pour pouvoir accommoder les activités de routine et les campagnes de vaccination en cours. « Il est crucial que les autres services de santé essentiels ne soient pas sacrifiés », estime Cyril Nogier.

En coordonnant ses actions avec des partenaires de la santé au niveau régional comme l’OMS, l’Africa CDC, l’UNICEF, le Fond mondial, la Banque africaine de développement, le Programme alimentaire mondial, l’Office international des migrations, Médecins sans frontières et autres partenaires, Gavi veut utiliser l’opportunité de cette épidémie de mpox pour bâtir dans les pays des systèmes de santé plus solides et mieux préparés à répondre aux futures urgences sanitaires.


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