La vaccination à tire-d’aile : en RDC, comment les drones rapprochent les soins des populations les plus éloignées
En RDC, l’accès aux vaccins reste un défi dans les zones reculées. Grâce aux drones, la distribution s’accélère, réduisant les ruptures de stock et facilitant la vaccination des populations isolées.
- 27 mars 2025
- 6 min de lecture
- par Patrick Kahondwa

Un enjeu crucial pour la vaccination dans les zones reculées
En RDC, les infrastructures de santé vétustes et les difficultés d’approvisionnement exposent des milliers d'enfants et d’adultes à des maladies évitables par la vaccination, telles que la poliomyélite, la rougeole ou encore le choléra. Les populations vivant dans les régions les plus isolées sont particulièrement vulnérables, car l’acheminement des vaccins y est souvent perturbé par des problèmes logistiques.
Pour relever ce défi, le gouvernement congolais, avec l’appui de ses partenaires, a mis en place la Nouvelle Génération de la Chaîne d’Approvisionnement (NGCA). Cette initiative ne se limite pas à l’utilisation de drones : elle repose avant tout sur une reconfiguration complète du système de distribution et de la chaîne du froid, permettant un stockage plus efficace et un acheminement plus fiable des vaccins. En optimisant la logistique vaccinale, la NGCA a permis d'améliorer significativement la couverture vaccinale dans les provinces qui l'ont mise en œuvre.
« À part le BCG (vaccin contre la tuberculose), qui a connu plusieurs ruptures de stock, la couverture vaccinale administrative atteint en moyenne 90 % pour tous les antigènes dans les provinces ayant mis en œuvre la NGCA », explique le Dr Alain Mugoto, Program Manager chez VillageReach en charge de la gestion du NGCA.
L’usage des drones pour surmonter les obstacles logistiques
L’un des piliers de cette approche est l’intégration des drones dans la chaine d’approvisionnement en complément des moyens de transport traditionnels (véhicules, motos, vélos, pirogues) utilisés pour l’acheminement des vaccins jusqu’au point d’utilisation. Ces appareils sont particulièrement intéressant dans des contextes spécifiques car ils permettent une distribution plus rapide et efficace des vaccins et autres produits de santé dans les zones difficiles d’accès, en évitant les contraintes liées aux infrastructures routières et aux distances.
Le système de transport des vaccins par drones, lancé dans la province de l’Équateur depuis 2019, est une initiative du gouvernement congolais, financée par Gavi et appuyée techniquement par VillageReach depuis plus de six ans. Grâce à cette technologie, les vaccins et autres intrants médicaux (diluants, seringues et adaptateurs) sont désormais disponibles dans des territoires particulièrement difficiles d’accès, notamment dans les provinces de l’Équateur et du Maï-Ndombe, situées respectivement au nord-ouest et à l'ouest du pays.
Selon le Dr Guy Mussamba, Drones Program Manager au sein de VillageReach, ces provinces sont marquées par de vastes massifs forestiers et une hydrographie complexe, rendant certaines aires de santé particulièrement difficiles d’accès. « Les drones ont permis de surmonter ces obstacles naturels en acheminant les vaccins à temps et en quantité suffisante là où les communautés en avaient besoin », explique-t-il.
Ces drones, dits bidirectionnels, ne se contentent pas de livrer des vaccins : ils peuvent aussi transporter du matériel en sens inverse, ce qui optimise chaque trajet. Concrètement, après avoir déposé des doses de vaccins dans une zone reculée, ils repartent chargés de documents administratifs, de rapports médicaux ou encore d’échantillons biologiques prélevés sur des patients atteints de maladies sous surveillance épidémiologique, comme la rougeole, la poliomyélite ou le choléra. Ces échantillons sont ensuite acheminés vers des laboratoires pour analyse, facilitant ainsi le suivi des épidémies et la prise de décisions sanitaires rapides. En réduisant les délais d’acheminement, ces drones contribuent à une réponse plus efficace face aux flambées épidémiques et à une meilleure planification des campagnes de vaccination.
Un impact direct sur la vaccination et les soins de santé
Sur le terrain, les effets de cette innovation sont tangibles. La distribution par drones a permis une réduction des ruptures de stock de vaccins, une augmentation du nombre de doses administrées et un gain de temps considérable pour le personnel de santé, qui peut désormais se consacrer pleinement aux soins sans avoir à parcourir de longues distances pour collecter les vaccins.

Crédit : Patrick Kahondwa
Dans le Maï-Ndombe, entre août 2024 et février 2025, plus de 500 vols ont été effectués, permettant de livrer environ 42 000 doses de vaccins. Au total, 15 483 personnes ont bénéficié des produits transportés par drone durant cette période.
Les populations locales accueillent ces avancées avec enthousiasme. Elles constatent avec soulagement que les vaccins sont désormais disponibles en temps voulu, en quantité suffisante et directement sur place.
« Nous sommes très contents. Comme vous pouvez le voir, les drones facilitent l’acheminement des vaccins. Depuis que nos enfants reçoivent ces vaccins, ils ne tombent plus malades aussi souvent qu’avant, lorsque les livraisons étaient plus compliquées », se réjouit Théophile, habitant du village d’Ibeke Bolia, situé à 115 km d’Inongo, dans le Maï-Ndombe.
Comme lui, les professionnels de santé du Maï-Ndombe saluent cette avancée. Ntesa Jeremy, infirmier titulaire de l’aire de santé d’Ibeke Bolia, témoigne :
« Nous apprécions la technologie des drones pour la santé. Avant, nous devions traverser des rivières, affrontant les vagues et les dangers du trajet pour aller chercher les vaccins à Inongo. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : les vaccins sont disponibles et nous pouvons les administrer aux patients qui en ont besoin. »
Un modèle d’avenir pour la logistique sanitaire
L’aire de santé d’Ibeke Bolia n’est pas la seule à bénéficier de cette avancée. De nombreuses autres structures sanitaires de la zone d’Inongo en profitent également, comme l’explique Yves Bosinga, responsable communication de la Division Provinciale de la Santé du Maï-Ndombe. Il souligne l’impact des drones sur la logistique vaccinale :
« Le Maï-Ndombe est constitué à 95 % de territoires marqués par de vastes zones aquatiques. Grâce aux drones, les habitants n’ont plus besoin de traverser lacs et rivières pour aller chercher les vaccins. Aujourd’hui, les vaccins arrivent directement dans les différentes aires de santé sans difficulté. Nous exprimons notre profonde gratitude à l’État congolais et à ses partenaires pour cette initiative. »
Pour aller plus loin
Le succès de cette technologie repose aussi sur un important travail de sensibilisation auprès des communautés vivant dans les zones concernées. Leur implication est essentielle pour assurer une intégration harmonieuse des drones dans le système de santé local. En expliquant leur fonctionnement et leurs bénéfices, les équipes sur le terrain favorisent une meilleure appropriation de cette innovation et renforcent la confiance dans les campagnes de vaccination. Cette démarche participative permet également d’adapter la mise en œuvre aux besoins et aux réalités locales, garantissant ainsi un impact durable.
« En tant que task force communication, nous avons parcouru les aires de santé pour sensibiliser la population à l’acceptation de cette technologie. Ce sont des zones où même un avion n’a jamais atterri. Il était donc crucial de rencontrer ces populations afin qu’elles ne soient pas effrayées en voyant les drones arriver dans leurs villages », explique Manongo Sébastien, membre de la task force communication de la province de Maï-Ndombe.
Le rôle de la NGCA dans l'amélioration des indicateurs de santé ne fait plus aucun doute. Grâce à une logistique repensée et à l’intégration des drones, l’accès aux vaccins devient plus efficace et plus équitable.
« Les drones constituent un facteur clé de succès dans notre système de santé, notamment pour la conservation des vaccins. Certaines aires de santé nécessitent deux ou trois jours de trajet en pirogue pour être atteintes. Aujourd’hui, grâce aux drones, ce n’est plus le cas. Nous sommes très satisfaits de cette innovation », conclut Sébastien.
Davantage de Patrick Kahondwa
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