En RDC, l’introduction du vaccin marque une nouvelle ère de la lutte contre le paludisme

En République démocratique du Congo (RDC), les familles expriment l’espoir qu’un outil de protection supplémentaire fera toute la différence contre cette maladie mortelle.

  • 6 décembre 2024
  • 5 min de lecture
  • par Patrick Kahondwa
Landu Pulu, mère de jumeaux, lors d'une séance de vaccination contre le paludisme. Crédit : Tabende Gloire Gloddy
Landu Pulu, mère de jumeaux, lors d'une séance de vaccination contre le paludisme. Crédit : Tabende Gloire Gloddy
 

 

La RDC a franchi une étape historique en intégrant le vaccin antipaludique dans son programme de vaccination systématique. Cette série de quatre vaccins contre le paludisme, qui vise à protéger les enfants de moins de cinq ans, offre une nouvelle lueur d’espoir dans la lutte contre cette maladie dévastatrice.

« Nous vivons de l’agriculture. Avec notre activité, on n’a pas la possibilité d’avoir l’argent pour aller à l’hôpital. Il faut d’abord trouver la nourriture pour les enfants, ensuite leurs frais de scolarité. Quand ils sont malades, il faut aussi trouver les frais pour les soins. Tout cela est difficile pour nous. La seule solution est d’utiliser nos connaissances traditionnelles pour soigner nos enfants », raconte Jacqueline, une agricultrice du village de Kabare, rencontrée au marché des produits agricoles dans la ville de Bukavu.

Si le recours à la médecine traditionnelle permet parfois de soulager les malades, il ne suffit pas dans les cas graves. C’est ce qu’illustre Ombeni Batasema, mère de trois enfants, qui a vécu un drame.

« L’enfant faisait de la fièvre et il n’arrivait plus à dormir. Il pleurait tout le temps, et cela nous a inquiétés. On est allés voir une maman du village qui nous a donné quelques médicaments traditionnels à lui administrer. Sa santé semblait s’améliorer, mais quelques jours après, il a rechuté. C’est alors qu’on a décidé d’aller à l’hôpital. Ils nous ont dit que c’était le paludisme. Nous avons commencé le traitement, mais l’enfant n’a pas survécu. »

« Introduire ce vaccin est une excellente initiative. Le paludisme est la première cause de mortalité infantile en RDC, et ce vaccin constitue un outil additionnel essentiel, qui complète l’usage des moustiquaires imprégnées d’insecticide. C’est une étape importante dans notre lutte contre cette maladie. »

– Dr Mwanza Nangunia, pédiatre

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les données les plus récentes du ministère de la Santé publique, en 2022, la RDC a enregistré plus de 27 millions de cas de paludisme. Parmi eux, 48,7 % concernaient des enfants de moins de cinq ans, soit près de 13,3 millions de cas, dont 1,1 million de cas graves. Ces statistiques sont accablantes : sur les 24 880 décès recensés, 16 921 étaient des enfants de moins de cinq ans, représentant 68 % de la mortalité liée au paludisme.

Vacciner pour sauver des vies

Face à ce fléau, la RDC a introduit le vaccin antipaludique R21/Matrix-M dans son programme de vaccination de routine à la fin du mois d'octobre 2024. En juin 2024, le pays a reçu 693 500 doses. Cependant, en raison de cette disponibilité limitée, une stratégie de vaccination par blocs a été adoptée. Cette approche cible d’abord les enfants de 6 à 23 mois dans dix provinces prioritaires, dont le Kongo-Central, particulièrement touché par le paludisme.

Des mamans se rendent dans un centre de santé pour la vaccination de leurs enfants contre le paludisme.
Crédit : Tabende Gloire Gloddy

« Le Kongo-Central figure parmi les provinces les plus affectées. Nous avons introduit le vaccin dans toutes les trente et une zones de santé de cette province. Nous espérons recevoir plus de deux millions de doses début 2025, ce qui nous permettra d’élargir la couverture vaccinale à d’autres provinces », explique le Dr Crispin Kazadi, chef de service des nouveaux vaccins au sein du Programme élargi de vaccination (PEV).

Pour le Dr Mwanza Nangunia, pédiatre, ce vaccin représente une avancée significative.

« Introduire ce vaccin est une excellente initiative. Le paludisme est la première cause de mortalité infantile en RDC, et ce vaccin constitue un outil additionnel essentiel, qui complète l’usage des moustiquaires imprégnées d’insecticide. C’est une étape importante dans notre lutte contre cette maladie. »

Un espoir pour les parents

Pour des parents comme Landu Pulu, mère de jumeaux, cette vaccination est une chance inespérée.

« Je suis allée au centre de santé pour que mes enfants reçoivent leurs vaccins habituels. Une fois sur place, j’ai appris qu’il y avait aussi le vaccin contre la malaria. J’ai saisi l’occasion pour que mes enfants soient protégés. »

À Bukavu, Rolande Bashi, qui attend l’introduction du vaccin dans sa région, partage son enthousiasme : « C’est une joie de voir ce vaccin arriver. Tant d’enfants sont morts à cause du paludisme, une maladie qui coûte aussi très cher aux familles. Ce vaccin est une réponse concrète à ce problème. »

Pour garantir une protection optimale, les enfants doivent recevoir quatre doses du vaccin, administrées à six, sept, huit et quinze mois.

En parallèle, les autorités plaident pour une mobilisation accrue de la communauté internationale afin d’obtenir des doses supplémentaires et de renforcer les capacités logistiques locales.

« Avec ces quatre doses, nous pensons que l’enfant sera bien protégé contre le paludisme. Mais il faut rappeler que le vaccin doit être combiné à d’autres moyens de prévention, comme les moustiquaires imprégnées », souligne le Dr Kazadi.

L’hésitation vaccinale, un défi à relever

Les professionnels de santé sont toutefois conscients que les rumeurs qui circulent sont susceptibles de réduire la demande pour ce vaccin qui est nouveau, donc peu familier. Pour y faire face, le PEV a déployé une stratégie de communication impliquant les professionnels de santé, les leaders communautaires et religieux, ainsi que les autorités locales.

« Les rumeurs sont inévitables, mais nous avons intensifié nos efforts de sensibilisation pour rassurer les populations. La participation communautaire est essentielle pour surmonter ces obstacles », affirme le Dr Mwanza.


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