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On a parlé vaccins avec... Pr Halidou Tinto, fer de lance de la lutte contre le paludisme au Burkina Faso

Pr Halidou Tinto, chef de l’Unité de recherches cliniques de Nanoro située dans la région du Centre Ouest du Burkina et investigateur principal du projet d’essais cliniques sur le candidat vaccin R21/Matrix-M, est engagé depuis 2009 dans le combat contre le paludisme qui continue d’endeuiller des milliers d’Africains chaque année. Brillant chercheur, ses travaux suscitent des espoirs dans la lutte pour l’éradication du paludisme.

  • 4 octobre 2022
  • 4 min de lecture
  • par Abdel Aziz Nabaloum
Pr Halidou Tinto, investigateur principal du projet d’essais cliniques sur le candidat vaccin R21/Matrix-M. Crédit : Abdel Aziz Nabaloum
Pr Halidou Tinto, investigateur principal du projet d’essais cliniques sur le candidat vaccin R21/Matrix-M. Crédit : Abdel Aziz Nabaloum
 

 

Chercheur hors pair et symbole de la recherche du vaccin contre le paludisme, Pr Halidou Tinto est un scientifique qui fait la fierté du Burkina, de l’Afrique et du monde entier. Fer de lance de la lutte contre le paludisme, grâce à ses prouesses, l’Afrique et le monde sont sereinement en train de mettre sur pied un nouveau vaccin contre le paludisme.

Quelle est l’originalité du candidat vaccin R21/Matrix-M par rapport au vaccin RTS,S qui est déjà administré contre le paludisme ?

Pr Halidou Tinto : R21 est un candidat vaccin de deuxième génération mis au point par nos partenaires de l’Université d’Oxford, et qui est en réalité une version améliorée de RTS,S. Scientifiquement parlant, on peut dire que RTS,S souffrait d’une saturation de la réponse immunitaire induite par un excès des antigènes de surface du virus de l’hépatite B. C’est partant de ce constat que l’équipe du Professeur Adrian Hill de l’Université Oxford a procédé à une simplification de la constitution de RTS,S en réduisant la quantité de l’antigène HBs, permettant ainsi une meilleure réponse immunitaire contre le parasite. Un autre changement majeur est l’utilisation de l’adjuvant Matrix M utilisé avec R21 en lieu et place de AS01E utilisé avec RTS,S.

Pouvez-vous nous décrire le contexte et les circonstances des nouveaux progrès dans la préparation du vaccin R21/Matrix-M ?

Ces progrès s’inscrivent dans la suite logique du développement du candidat vaccin R21. En effet, suite à la publication des résultats sur l’efficacité du vaccin en 2021 (qui était de 77%), il nous est paru nécessaire de continuer le suivi des enfants pour évaluer son efficacité à long terme ainsi que l’impact que pourrait avoir l’administration d’une dose de rappel un an après.

« Le paludisme sévit principalement en Afrique plus que nulle part ailleurs. Par conséquent, il est logique que les solutions soient recherchées sur le sol africain. »

Après l’administration de la dose de rappel, quels ont été les résultats obtenus ?

Les résultats que nous avons obtenus indiquent que ce vaccin arrive à maintenir un niveau élevé d’efficacité qui est de 80%, un an après l’administration d’une dose de rappel chez les participants ayant reçu la plus forte dose du vaccin, et cette efficacité est maintenue à 78% pendant deux ans. Ceci est encore une première dans l’histoire de la recherche du vaccin contre le paludisme. Cela veut dire que nous pouvons maintenir une efficacité de plus de 75% sur le long terme, si nous administrons une dose de rappel. Cela devrait permettre aux enfants vivant dans des régions d’endémie palustre comme le Burkina d’être très bien protégés contre le paludisme à l’âge où ils sont les plus vulnérables.

Dans la lutte contre le paludisme, quelles perspectives s'ouvrent désormais après ces résultats que vous venez d'obtenir ?

Les perspectives sont optimistes, car nous pouvons espérer reproduire les mêmes résultats dans l’essai de phase 3 en cours dans les quatre pays d’Afrique (Burkina Faso, Mali, Kenya et Tanzanie). D’ores et déjà, nous envisageons en collaboration avec nos partenaires (l’Université d’Oxford qui a créé la protéine R21 et le Serum Institute of India qui détient la licence de production) pour entreprendre, à partir de 2023, un déploiement programmatique de R21 sur une population d’au moins 250.000 enfants au Burkina Faso afin d’accélérer l’agenda de déploiement de ce vaccin à large échelle en Afrique.

Chercheurs a l’unité de recherches cliniques de Nanoro
A l’unité de recherches cliniques de Nanoro, les chercheurs travaillent pour avoir un vaccin efficace.
Crédit : Abdel Aziz Nabaloum

Disposez-vous de moyens pour une large distribution de ce vaccin ?

Sur le plan logistique, nos partenaires indiens se sont engagés à produire au moins 100-200 millions de doses du vaccin R21 par année dès que l’Organisation mondiale de la santé aura émis une recommandation pour son déploiement. Cela viendra suppléer le seul vaccin actuellement recommandé par l’OMS (RTS,S) dont la capacité de production actuelle ne peut pas permettre de satisfaire la demande mondiale.

Quel est ou sera l'intérêt pour le Burkina Faso et l'Afrique d'avoir abrité les essais pour ce vaccin ?

Il est plus qu’important que le Burkina Faso et l’Afrique abritent ces essais vaccinaux pour plusieurs raisons. Sur le plan épidémiologique, le paludisme sévit principalement en Afrique plus que nulle part ailleurs. Par conséquent, il est logique que les solutions soient recherchées sur le sol africain. Sur le plan purement scientifique, réaliser les essais vaccinaux en Afrique nous assure que l’efficacité d’un candidat vaccin à l’issue de l’essai reflètera sa performance dans les conditions réelles de son utilisation et qu’elle ne sera pas différente du fait d’une variabilité du faciès épidémiologique ou de la diversité génétique des parasites du paludisme. Aussi, la conduite de ces essais en Afrique contribue également au renforcement des capacités de nos instituts de recherches à travers la formation ainsi que de nos autorités de régulation pharmaceutique qui seront plus performantes.