Santé mondiale : cinq grands enjeux à suivre à Genève lors de la 78e Assemblée de l’OMS
Du 19 au 27 mai, les ministres de la santé et les dirigeants de la santé mondiale se réuniront à Genève pour la 78e Assemblée mondiale de la santé.
- 19 mai 2025
- 7 min de lecture
- par Pascal Barollier

- Les ministres se concentreront sur un éventail croissant de menaces sanitaires, allant du retour de maladies infectieuses à la progression continue des maladies non transmissibles (MNT).
- Des bouleversements géopolitiques majeurs et un resserrement budgétaire poussent les pays et leurs partenaires à repenser leurs modes de fonctionnement et à améliorer drastiquement leur efficacité.
Alors qu’une nouvelle ère de la santé mondiale commence à se dessiner, cette Assemblée sera un moment décisif pour renforcer la collaboration entre pays et partenaires au service de la santé et du bien-être humains.
Gavi à la 78e Assemblée mondiale de la santé
Téléchargez les messages clés de Gavi pour en savoir plus sur nos principales recommandations à l’attention des délégués cette année :
Cinq avancées majeures à suivre !
1. Une étape historique pour la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies
La 78e Assemblée mondiale de la santé devrait marquer l’adoption historique de l’Accord sur les pandémies : une avancée majeure en matière de coopération sanitaire multilatérale, et une preuve forte de l’engagement collectif des gouvernements en faveur de la santé publique. Négocié depuis trois ans, cet accord constitue un cadre mondial contraignant sous l’égide de la Constitution de l’OMS, pour mieux prévenir, anticiper et répondre aux futures pandémies.
L’un des éléments clés de l’accord est la reconnaissance de la vaccination comme un outil essentiel de prévention et de riposte. Il prévoit également la création d’un Système d’accès aux agents pathogènes et de partage des avantages (PABS), destiné à garantir que les pays puissent accéder rapidement aux outils vitaux – vaccins, tests, traitements – en cas d’urgence pandémique.
Fait important, l’accord fixe un objectif d’allocation de 20 % des produits de santé liés aux pandémies (diagnostics, traitements, vaccins) aux pays à revenu faible, dont 10 % minimum sous forme de dons, et le reste à des prix abordables. Cette mesure vise à corriger les inégalités observées lors de la pandémie de COVID-19. Une fois l’accord adopté par l’Assemblée, les États membres auront 12 mois pour finaliser les négociations sur le PABS.
Pour que cette avancée devienne réalité, il sera crucial de ratifier et mettre en œuvre rapidement l’accord afin de transformer cette ambition collective en actions concrètes – et mieux préparer le monde aux prochaines pandémies.
2. Faire face à la résurgence des maladies évitables par la vaccination

Crédit : Gavi/2023/Nr Dambali
Les flambées de maladies évitables par la vaccination – comme la rougeole, la fièvre jaune ou la méningite – sont en forte hausse, menaçant d’annuler des décennies de progrès en santé publique. Les pandémies passées et les urgences sanitaires ont montré que nos systèmes de santé peinent à faire face à l’ampleur croissante de ces crises infectieuses.
Rien qu’en 2024, l’OMS est intervenue dans 51 situations d’urgence dans 89 pays et territoires. Malgré des avancées dans le développement et la distribution de vaccins, les perturbations de la vaccination de routine et la baisse du soutien des donateurs ont favorisé le retour de maladies infectieuses évitables, exposant des millions d’enfants à des risques graves.
Pour sensibiliser et mobiliser, Gavi, l’Alliance du vaccin, organisera toute la semaine, avec ses partenaires, plusieurs événements de haut niveau :
- Mardi 20 mai – Outsmarting Outbreaks: Innovation, Integration & Investment (avec la Fondation Gates, l’UNICEF, et la Fondation des Nations unies)
- Mardi 20 mai – Defeating Malaria, Meningitis and Polio (avec le Mali, le Nigeria, le Pakistan et l’Arabie saoudite)
- Jeudi 22 mai – Focus sur la crise au Soudan : Voyage au cœur de la résilience du système de santé soudanais
- Vendredi 23 mai – Le pouvoir de la prévention : vacciner pour un monde plus sûr et en meilleure santé (avec le partenariat rougeole & rubéole, la FICR et d’autres partenaires)
Ces rendez-vous reflètent l’engagement de Gavi à sauver des vies et protéger la santé des populations, en renforçant l’accès équitable et durable aux vaccins. Des outils comme le Day Zero Financing Facility et le First Response Fund, déjà mobilisés lors de l’urgence mpox, continueront d’apporter un soutien rapide dès les premiers jours d’une épidémie. En maintenant des stocks stratégiques pour des maladies à fort risque d’épidémie (Ebola, fièvre jaune, méningite), Gavi aide les pays à réagir vite et efficacement aux menaces émergentes.
3. Répondre à la montée des maladies non transmissibles (MNT)
La 78e Assemblée mondiale de la santé marque également une étape dans la préparation de la Réunion de haut niveau de septembre sur les MNT. Ces maladies (cancers, diabète, maladies cardiovasculaires, etc.) sont désormais la première cause de mortalité dans le monde, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
Fait souvent ignoré : de nombreuses MNT ont une origine infectieuse, ce qui fait de la vaccination un outil de prévention crucial mais sous-exploité. Environ 8,3 % de la charge mondiale des MNT est liée à des infections, et 13 % des nouveaux cas de cancer chaque année ont pour origine une maladie infectieuse. Les vaccins contre le VPH et l’hépatite B permettent d’éviter certains de ces cancers. D’autres, comme ceux contre la rougeole, la méningite ou la polio, permettent d’éviter des handicaps de long terme et des complications chroniques, contribuant ainsi à réduire la charge globale des MNT.
Intégrer la vaccination dans les stratégies de lutte contre les MNT permettrait de traiter à la fois les maladies infectieuses et non transmissibles, de manière rentable et scalable.
Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où l’accès aux soins reste limité et où les MNT progressent rapidement, la vaccination doit être considérée comme une intervention clé. Elle permet d’atténuer la pression financière sur les individus et les systèmes, et d’améliorer les résultats de santé, en particulier pour les populations les plus vulnérables.
4. Renforcer le personnel de santé mondial

Crédit : Gavi/2024/Mohamed Abdihakim Ali
Atteindre les ambitions de la 78e Assemblée mondiale de la santé nécessitera plus que des politiques : cela exigera des personnes. Or, le monde fait face à une pénurie annoncée de 11 millions de professionnels de santé d’ici 2030. Une résolution importante, portée par les Philippines et le Maroc, appelle à accélérer l’action pour renforcer le personnel mondial de la santé et du soin d’ici 2030, avec des engagements sur des conditions de travail décentes, une reconnaissance formelle des fonctions, une rémunération équitable fondée sur les qualifications et les responsabilités.
Les agents de santé communautaire (ASC) jouent un rôle indispensable dans la vaccination, l’accès équitable aux soins et les progrès vers la couverture sanitaire universelle. Ils assurent : l’éducation à la santé, l’orientation et le suivi des patients, la gestion de cas simples, des soins préventifs de base, des visites à domicile, ainsi qu’un accompagnement dans les démarches administratives de santé et de protection sociale. Leur connaissance fine des normes culturelles locales leur permet de faire le lien entre les communautés et le système de santé, en construisant la confiance et en facilitant l’accès aux soins.
Pourtant, les ASC souffrent d’un manque criant de reconnaissance et de rémunération équitable. En Afrique, 86 % d’entre eux sont encore bénévoles, avec peu ou pas de compensation. Étant donné leur rôle essentiel pour relier les communautés aux services de santé, les ASC devraient être pleinement intégrés dans les systèmes nationaux de santé, avec une formation adéquate, une rémunération décente, un encadrement structuré, et une protection dans l’exercice de leurs fonctions.
L’adoption de cette résolution par l’Assemblée constituerait une avancée majeure vers une reconnaissance accrue et un investissement durable dans les ressources humaines en santé, qui sont la clé de systèmes de santé plus résilients, plus justes et plus efficaces.
5. Mobiliser un financement durable pour la santé

Crédit : Gavi/2024/Jjumba Martin
La 78e Assemblée mondiale de la santé mettra en lumière l’urgence de rendre le financement de la santé mondiale plus durable et équitable. Une résolution présentée par le Nigeria appelle la communauté internationale à renforcer le soutien aux priorités sanitaires nationales et à développer des mécanismes de financement innovants.
Gavi défend depuis longtemps des approches innovantes de financement pour la vaccination, que ce soit à travers son modèle de cofinancement ou des mécanismes mondiaux comme la Facilité internationale de financement pour la vaccination (IFFIm). Ces dispositifs permettent non seulement de mobiliser des ressources, mais aussi de favoriser l’appropriation nationale et la durabilité à long terme.
Le mardi 20 mai, Gavi et la République de Côte d’Ivoire réuniront des ministres de la Santé pour un événement intitulé : « Investir dans l’appropriation – Pérenniser la vaccination pour les générations futures », afin de réaffirmer l’engagement en faveur du financement durable de la vaccination dans le cadre du modèle Gavi. Plus tard dans la semaine, Gavi présentera également les évolutions programmatiques majeures et les réformes des subventions qui marqueront sa nouvelle stratégie. Ces deux événements, réunissant un groupe ciblé de parties prenantes, visent à favoriser un dialogue stratégique de haut niveau.
Ils constituent des jalons importants alors que Gavi finalise les préparatifs de son Sommet mondial "Santé et prospérité grâce à la vaccination", coorganisé avec l’Union européenne et la Fondation Gates, prévu le 25 juin 2025. Objectif : lever au moins 9 milliards de dollars pour protéger 500 millions d’enfants et sauver plus de 8 millions de vies entre 2026 et 2030.
Dans un paysage sanitaire mondial en profonde mutation, les organisations – y compris Gavi – doivent accélérer leur transition vers des modèles plus agiles, plus durables et fondés sur l’appropriation par les pays. La 78e Assemblée mondiale de la santé offre une opportunité décisive pour que les pays et les partenaires s’accordent sur des priorités communes et prennent des mesures concrètes face aux défis sanitaires les plus urgents.