"Sauver des vies et des moyens de subsistance", un argument massue pour relancer la vaccination contre la COVID-19 au Togo

La campagne de vaccination contre la COVID-19 tourne au ralenti depuis de nombreux mois à travers le monde. Pour la relancer au Togo, l’organisation "Santé Intégrée" et la Croix-Rouge se joignent au ministère en charge de la Santé pour le programme "Sauver des vies et des moyens de subsistance", une initiative du Centre africain de prévention et de lutte contre les maladies (Africa CDC) et de la Mastercard Foundation.

  • 14 septembre 2023
  • 6 min de lecture
  • par Nephthali Messanh Ledy
Des commerçantes au grand marché de Lomé, l'une des zones concernées par le projet. Crédit : Nephthali Ledy
Des commerçantes au grand marché de Lomé, l'une des zones concernées par le projet. Crédit : Nephthali Ledy
 

 

Au Togo, le taux de couverture vaccinale contre la COVID-19 est passé à 34 % selon les sources sanitaires en juillet 2022. En effet, sur les 4 millions de personnes éligibles aux différents vaccins contre le coronavirus dans le pays, l’on dénombrait 1 555 590 adultes primo-vaccinés, 1 363 015 personnes ayant reçu deux doses, et 124 414 une dose de rappel. Une situation qui peut s’avérer délicate en cas de nouvelles vagues du coronavirus. Pour améliorer la situation et atteindre l’immunité collective tant souhaitée, le ministère de la Santé, de l'Hygiène publique et de l'Accès universel aux soins, appuyé par l’ONG Santé Intégrée et la Croix-Rouge togolaise, mise, entre autres, sur le projet "Sauver des vies et des moyens de subsistance", une initiative portée à l’échelle continentale par le Centre africain pour le contrôle et la prévention des maladies (Africa CDC) et soutenue par la Mastercard Foundation, que le Togo veut mettre en œuvre avec des spécificités nationales.

Se vacciner pour préserver son gagne-pain

Selon le Dr Hèzouwè Looky-Djobo en charge de la coordination du projet au ministère de la Santé, Sauver des vies et des moyens de subsistance repose sur un ensemble de sept principes fondamentaux qui guident l'approche : Inclusivité, Équité, Responsabilité, Piloté par les Africains et les pays, Collaboration, Renforcement du système de santé, Intégration et apprentissage". Le projet qui vise à redynamiser la vaccination contre la COVID-19 sera exécuté dans quatre districts du pays. Il s’agit du Zio, du Vo, d’Agoè et du Golfe – les 2 derniers forment le Grand Lomé –, quatre localités situées dans le sud du pays, précisément dans la région Maritime qui est la première en termes de population et d'activité économique avec la capitale Lomé.

« Il est très important d'agir pour réduire le risque de destruction des économies locales à cause du fardeau de la maladie. [...] Les ménages supportent à eux seuls 51 % des dépenses de santé, c'est vraiment énorme et cela constitue un gros risque sur les économies locales. »

« Pour maintenir l’économie d’un pays, il faut que la population soit en bonne santé. L’économie est d’abord basée sur les ressources humaines. Donc, la préservation de la santé et la préservation des économies locales sont très liées. L’immunité collective peut nous permettre d’atteindre ces deux objectifs », déclare le Dr LOOKY-DJOBO, par ailleurs chef de la section Suivi Evaluation à la Division de l'Immunisation au ministère de la Santé, de l'Hygiène publique et de l'Accès universel aux soins.

Une analyse partagée par Augustin Kola, le Coordonnateur de la Plateforme des Organisations de la Société Civile pour la Vaccination et l'Immunisation au Togo (POSCVI). « Il existe un lien intrinsèque entre la préservation de la santé et celle des économies locales, car les dépenses de santé peuvent amener la famille ou la victime à spolier tous ses biens dans le seul but de faire face aux dépenses de santé. Parfois, certains vont même vendre le dernier carré qu'il leur reste, leurs maisons ou autres biens, mettant en danger l'avenir ou le futur de leur progéniture et, par ricochet, celle de la localité », détaille celui dont l’organisation a été active dans la vaccination contre le coronavirus. « Il est très important d'agir pour réduire le risque de destruction des économies locales à cause du fardeau de la maladie. Je rappelle que d'après les derniers comptes, les ménages supportent à eux seuls 51 % des dépenses de santé, c'est vraiment énorme et cela constitue un gros risque sur les économies locales », déplore-t-il.

En ce qui concerne le choix des quatre districts sanitaires où le projet sera déployé au niveau du Togo, ils disposent des spécificités communes révélées par une enquête de terrain.

« Si je me réfère aux données administratives que nous avons à notre disposition, ces districts sont classés en catégorie 3 ou 4, ce qui suppose qu'il y a un problème de disponibilité des services et surtout de couverture des cibles. D'ailleurs, notre plateforme POSCVI-Togo travaille depuis 2018 dans le Vo et le Golfe à cause des faibles couvertures, le dernier peine jusqu'ici à atteindre les 50 % de couverture et tire le Grand Lomé vers le bas. Donc ce choix est justifié par les données de vaccination », explique M. Kola.

Des messages et des stratégies sur-mesure pour convaincre

Les initiateurs du projet sont bien conscients qu’il ne sera pas facile de remobiliser les populations dans un contexte où l’infodémie a accentué les réticences autour des vaccins. Mais ils comptent s’appuyer sur les données de l’enquête préalable qui a conduit à l’élaboration des messages et des stratégies de sensibilisation.

« Il y a beaucoup de fausses informations qui ont été diffusées depuis le début de la pandémie surtout sur les réseaux sociaux. Dans le cadre de ce projet, nous avons le volet Sensibilisation à travers les médias, les dialogues communautaires, la mobilisation sociale et l’utilisation d’autres outils pour amener les populations à comprendre que l’immunité collective est une impérieuse nécessité car la maladie existe toujours. Il est capital de continuer la vaccination parce que c’est le seul moyen pour lutter contre la pandémie », relève le Dr Hèzouwè Looky-Djobo.

Il est également prévu des sensibilisations dans les églises et les marchés.

« Au vu des perceptions et des rumeurs qui circulent, mobiliser la communauté n’est pas chose aisée. Mais nous sommes déjà engagés et nous avons déjà mené une enquête sur l’incertitude et les connaissances pour pouvoir déceler les facteurs d’hésitation afin de formuler des messages clés pour avoir la meilleure adhésion de nos communautés : il faut se faire vacciner pour éviter la perte de son moyen de revenu », avait déclaré Koffi Agbeko Egah, secrétaire général de la Croix-Rouge Togo, au lancement du projet le 1er août 2023 à Tsévié, ville située à 35 km au Nord de Lomé, dans la préfecture du Zio.

Dans le cadre du projet qui sera déployé sur une durée d’un an dans le pays, indique-t-on, des centres de vaccination seront installés dans les quatre districts concernés. Au même moment, en plus des sensibilisations sur les médias, des volontaires seront déployés dans les différentes localités pour appeler les populations à se faire vacciner.

« Pour ce qui est des réticences, nous sommes dans le processus normal de réactivité. Toute innovation ou tout changement rencontre toujours des réticences et c'est de bonne guerre car nous parlons des humains. Nous sommes à la phase d'observation et très bientôt nous passerons à la phase d'adoption par les communautés, maintenant que la vaccination contre la COVID-19 est rentrée dans la routine », conclut le Coordonnateur de la POSCVI-Togo.

« Nous nous sommes engagés pour la vaccination afin que les conséquences que nous avons connues au plus fort de la COVID, qu’on ne puisse plus les revivre d’ici quelques années. (…) Nous espérons que la population va répondre aux appels qui seront lancés pour la vaccination », avait déclaré, pour sa part, Mme Anita Kouvahey-Eklu, directrice pays adjointe de Santé intégrée le 1er août à Tsévié.


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