Au Sénégal, un vaccin « six-en-un » simplifie la vie des familles et des soignants

Introduit en juillet dans le programme national de vaccination, le vaccin hexavalent protège les enfants contre six maladies en une seule injection. Moins de piqûres pour les bébés, moins de rendez-vous pour les parents et moins de charge pour les équipes de santé : une avancée qui facilite la couverture vaccinale, de Dakar jusqu’aux zones rurales.

  • 5 septembre 2025
  • 5 min de lecture
  • par Allison Fernandes
Au centre de santé Philippe Maguilène Senghor à Dakar, des mères attendent avec leur bébé devant la salle de vaccination. Crédit : Allison Fernandes
Au centre de santé Philippe Maguilène Senghor à Dakar, des mères attendent avec leur bébé devant la salle de vaccination. Crédit : Allison Fernandes
 

Un gain de temps et d’énergie

Au centre de santé Philippe Maguilene Senghor, dans le quartier populaire de Yoff à Dakar, une dizaine de femmes attendent, leur bébé dans les bras, sous le préau qui fait face à la salle de vaccination.

Parmi elles, Sokhna Sylla. Son deuxième enfant, âgé de deux mois et demi, vient recevoir sa deuxième dose d’hexavalent, qui réunit en une seule injection la protection contre six maladies - tétanos, diphtérie, coqueluche, poliomyélite, hépatite B et haemophilus influenzae b. Il a bénéficié de ce vaccin combiné, intégré au programme national de vaccination depuis le 1ᵉʳ juillet au Sénégal, contrairement à son frère aîné, qui lui, avait été vacciné selon l’ancienne procédure. 

C’est un « soulagement » pour cette mère, car auparavant, on administrait séparément les vaccins pentavalent et VPI aux nourrissons. « Sur la jambe gauche, on piquait deux fois », explique Aminata Laye Diagne, assistante infirmière d’Etat en salle de vaccination. « Les parents étaient un peu choqués. Le bébé criait. On piquait puis on repiquait sur la même jambe. C’était dur de faire ça sur un enfant d’un mois ! Même les plus grands auraient du mal à le supporter. »

Une meilleure adhésion des parents

Une expérience qui laissait souvent les parents inquiets pour les prochaines vaccinations. « Certains refusaient même de revenir à cause du nombre de piqûres sur leur bébé », raconte Fama Faye, Badiene Gox ou marraine de quartier. Parmi ses missions en tant qu’actrice communautaire : convaincre les parents d’emmener leurs enfants se faire vacciner, et les aider à suivre correctement le calendrier vaccinal.

Elle estime que la diminution du nombre d’injections facilite d’une part l’adhésion des parents au processus de vaccination, mais aussi le suivi du calendrier vaccinal : « Il y a des parents qui ne savent pas lire. Il y a des réalités qui sont difficiles à croire et que nous les Badienou Gox connaissons bien car nous sommes sur le terrain. Donc s’il y a moins de rendez-vous, le suivi est plus facile à gérer. »

Aminata Laye Diagne, assistante infirmière d’Etat.
Crédit : Allison Fernandes

Ce matin, l’affluence est modérée au service vaccination de ce centre de santé. Mais certains jours, les soignants accueillent jusqu’à 90 enfants en une seule matinée. Alors réduire le nombre d’injections, c’est aussi réduire le nombre de seringues et alléger la charge de travail de soignants parfois surmenés. « L’arrivée de l’hexavalent a facilité notre tâche. On économise des seringues et du temps », se réjouit Aminata Laye Diagne.

C’est aussi l’avis du médecin chef du centre de santé, le docteur Abdoukarim Diop. « Avant, il y avait beaucoup de rendez-vous et certaines mères ne pouvaient pas toujours venir. Celles qui travaillent par exemple au marché ne peuvent s’absenter, car leur revenu dépend de leur travail quotidien : elles doivent chaque jour rapporter de quoi nourrir leur famille et ne peuvent donc délaisser leur travail pour honorer tous les rendez-vous. »

Les défis logistiques en zone rurale

Avant d’exercer dans la capitale, le médecin chef a travaillé pendant huit ans en zone rurale, dans la commune de Vélingara en Casamance, dans le sud du pays. « Là-bas, c’est pire. Il faut parfois faire plusieurs kilomètres pour trouver un centre de vaccination. Pour les parents, le simple fait de se déplacer est un défi », déplore le médecin. Avant de poursuivre : « Un autre problème constitue également un frein à la vaccination. C’est la mobilité des personnes. Pendant la saison des pluies, les femmes issues du milieu rural quittent la ville pour retourner à la campagne et travailler aux champs. Là-bas, elles ne peuvent faire vacciner leur enfant, ce qui entraîne une rupture du suivi vaccinal. »

La diminution des doses permet donc de limiter ces difficultés, tout en réduisant les contraintes logistiques, moins marquées dans la capitale, mais toujours présentes dans les zones reculées. « Depuis des années, nous n’avons pas de problème de rupture de stocks ici à Dakar. Nous bénéficions des équipements, des réfrigérateurs et de l’électricité permettant de conserver les vaccins. Et il n’y a que 500 mètres entre le dépôt central du district et les postes de santé. Mais en zone rurale, cette distance peut aller jusqu’à quinze kilomètres et les équipements ne sont pas toujours là. Il peut donc être parfois difficile de maintenir la chaîne du froid », regrette le médecin. L’hexavalent offre ainsi un avantage précieux dans un tel contexte.

L'information reste clé

Tétanos, diphtérie, coqueluche, poliomyélite, hépatite B et haemophilus influenzae b sont des maladies encore présentes au Sénégal, même si elles sont en net recul. Maty Niang Seck, grand-mère de jumeaux de 15 mois, a déjà rencontré des personnes souffrant de coqueluche et de poliomyélite. Ce matin, elle se dit donc « rassurée » après avoir conduit ses deux petits-enfants au centre de santé pour se faire administrer leur dose de rappel.

Un vaccin qu’elle n’aura pas à payer. « Avant l’hexavalent, on prescrivait le rappel à l’âge de deux ans et les parents devaient acheter le vaccin à la pharmacie, explique Fama Faye, Badiene Gox. C’est à ce moment qu’ils connaissaient le prix des vaccins ! Mais maintenant le rappel est à 15 mois et les parents en sont bénéficiaires. Ils pourront garder cet argent dans leur porte-monnaie. »

Une mesure qui permet donc d’améliorer la couverture vaccinale, et qui rallie à la fois soignants et parents, souligne Alioune Diatta, chargé de communication au centre de santé. Pour lui, l’information reste la clé. « Nous avons expliqué ce qu’est l’hexavalent à travers les médias locaux, organisé des causeries avec des groupements féminins et mené des caravanes de sensibilisation dans le district avec un camion sonorisé. »

Résultat : les parents accueillent favorablement ce vaccin, moins contraignant, et les réticences sont rares. « C’est un pas de plus vers le développement sanitaire », se félicite Alioune Diatta.