Un vaccin six-en-un arrive dans les pays à faible revenu : une révolution pour la vaccination

Offrir la même protection avec moins de doses permet de maximiser l’impact de chaque dollar investi dans la vaccination.

  • 15 juillet 2025
  • 5 min de lecture
  • par Priya Joi
Le Sénégal introduit le vaccin hexavalent dans son programme national de vaccination, le 1er juillet 2025. Crédit : OMS.
Le Sénégal introduit le vaccin hexavalent dans son programme national de vaccination, le 1er juillet 2025. Crédit : OMS.
 

 

Le 1er juillet, le vaccin hexavalent a été introduit en Mauritanie et au Sénégal avec le soutien de Gavi. Il s’agit de la première fois que ce vaccin salvateur, combinant six antigènes en une seule injection, est déployé dans des pays à faible revenu.

Ce vaccin combiné protège contre six maladies : la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l’hépatite B, l’Haemophilus influenzae de type B (Hib) et la poliomyélite. Il remplace le vaccin pentavalent (cinq antigènes) et le vaccin antipoliomyélitique inactivé (VPI), qui étaient jusqu’alors administrés séparément.

Créer le marché

Katy Clark, cheffe de programme senior chez Gavi, explique à VaccinesWork en quoi cette introduction est une avancée majeure : 

« Le vaccin hexavalent, c’est bien plus que la somme de ses composants. Il ne s’agit pas simplement d’ajouter un antigène à un vaccin combiné existant. »

Elle précise que Gavi et ses partenaires ont mené un travail considérable de modelage du marché — en rassurant les fabricants et en posant les bases d’un marché viable — pour rendre ce vaccin accessible aux pays à revenu faible ou intermédiaire.

« C’est un exemple emblématique de la manière dont Gavi ouvre des marchés pour des vaccins qui, autrement, n’atteindraient jamais ces communautés », ajoute-t-elle.

« Ce qui est aussi fondamental ici, c’est l’équité vaccinale », souligne Katy Clark. « Il n’était pas juste que les pays à revenu élevé bénéficient de ce vaccin depuis plus de vingt ans, tandis que les pays à revenu faible devaient attendre. »

Un point clé concerne la formulation du vaccin : pour les pays soutenus par Gavi, il fallait que la coqueluche soit incluse sous forme à germes entiers inactivés (DTCe) plutôt qu’en version acellulaire (DTCa). La formulation à germes entiers induit en effet une réponse immunitaire plus forte et plus durable, ce qui est crucial dans les contextes à revenu faible.

L’évolution de la protection vaccinale

Le vaccin combiné contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos (DTC) est administré à des millions d’enfants dans le monde depuis plusieurs décennies.

Selon une étude récente publiée dans The Lancet, les vaccins contenant le DTC ont permis de sauver plus de 40 millions de vies dans le monde au cours des 50 dernières années. Depuis 2000, plus de 1,4 milliard d’enfants ont été protégés grâce à ce vaccin dans les pays soutenus par Gavi.

Gavi a commencé à soutenir l’introduction des vaccins pentavalents en 2001. Ce vaccin combiné intègre les antigènes du DTC (diphtérie, tétanos, coqueluche) avec ceux contre l’Haemophilus influenzae de type B (Hib) et l’hépatite B. L’objectif était d’améliorer la couverture vaccinale contre le Hib et l’hépatite B dans les pays à faible revenu, en les intégrant au calendrier de vaccination de routine.

Aujourd’hui, le déploiement du vaccin hexavalent représente « la suite logique de l’évolution vaccinale », affirme Katy Clark. « Et cela ramène à une question centrale : l’équité vaccinale. L’ambition de Gavi est de fournir aux populations les plus vulnérables les meilleurs vaccins disponibles, quel que soit leur statut socio-économique ou leur localisation géographique. »

Un progrès pour les individus comme pour les systèmes de santé

Le principal avantage du vaccin hexavalent est de simplifier considérablement le processus de vaccination. Regrouper plusieurs antigènes en une seule injection (trois doses au lieu de cinq) présente de nombreux bénéfices.

Même si les vaccins figurent parmi les investissements les plus rentables pour la santé publique, leur déploiement est souvent freiné par des obstacles logistiques : difficultés d’accès aux centres de santé ou complexité des calendriers de vaccination.

Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, les familles peuvent avoir du mal à se déplacer à plusieurs reprises pour faire vacciner leurs enfants — une difficulté encore aggravée dans les contextes de migration, de déplacement ou de conflit.

Pour certains enfants ayant peu de contacts avec le système de santé, un vaccin combiné comme l’hexavalent peut faire toute la différence : leur offrir une protection complète contre des maladies infantiles mortelles, ou les laisser exposés.

Utiliser plusieurs vaccins séparés coûte également plus cher à tous les niveaux — réactifs, stockage, transport, ressources humaines, etc. — ce qui constitue un frein à la couverture vaccinale, aussi bien pour les familles que pour les États.

Un vaccin six-en-un permet également de réduire les risques d’erreurs d’administration, en particulier dans les centres de santé ruraux ou sous-dotés en personnel, où les agents de santé doivent prendre en charge un grand nombre de patients.

Moins d’injections et de rendez-vous facilitent aussi le suivi du statut vaccinal : cela améliore la qualité des données et permet un meilleur repérage des doses manquées.

Un autre enjeu crucial est lié à la réduction du nombre d’injections : cela peut limiter l’hésitation vaccinale.
« Dans de nombreux pays, on observe une tendance claire : les familles veulent assurer la même protection avec moins d’injections », explique Katy Clark.

Moins de piqûres signifie aussi moins de réactions au point d’injection, moins de douleur pour les enfants, et moins de risques d’accidents d’aiguille — autant de facteurs qui rendent l’expérience plus acceptable pour les familles et renforcent la confiance entre les enfants, leurs proches et les professionnels de santé.

Mieux protéger les enfants, plus efficacement

Le passage au vaccin hexavalent représente également un coup d’accélérateur pour l’effort mondial d’éradication de la poliomyélite. Il permet au vaccin antipoliomyélitique inactivé (VPI) — pilier central de cette stratégie — d’atteindre plus d’enfants, plus rapidement et de façon plus efficace.

C’est un enjeu crucial, car jusqu’à présent, les enfants étaient protégés contre la polio soit par le vaccin oral (VPO), soit par le VPI. Or, le VPO est progressivement retiré au niveau mondial.

L’association du VPI avec le pentavalent, sous forme de vaccin hexavalent, permet donc d’élargir l’accès au VPI, notamment pour les enfants sous-vaccinés. Cela est particulièrement important dans les pays où la couverture du DTC est supérieure à celle du VPI : en moyenne, 83 % des enfants reçoivent les trois doses de DTC, contre seulement 42 % pour la deuxième dose de VPI.

« Le recours aux soins en lien avec la polio est déjà faible, car les programmes de lutte ont été très efficaces pour interrompre la transmission du virus, ce qui fait que beaucoup ne perçoivent plus la maladie comme un danger », explique Katy Clark.

Mais, ajoute-t-elle, si de moins en moins d’enfants sont vaccinés contre la polio, cela pourrait permettre au virus de circuler à nouveau et de redevenir une menace majeure pour la santé mondiale.

Le calendrier de vaccination du vaccin hexavalent pourrait justement améliorer la protection contre la polio. Dans la plupart des pays soutenus par Gavi, la première dose de VPI est administrée à 14 semaines, et la seconde à 9 mois. Or, la couverture de cette deuxième dose reste bien inférieure à celle de la première, sans doute parce qu’elle intervient plusieurs mois après le premier cycle de vaccinations et de contrôles de santé chez le nourrisson.

Avec le vaccin hexavalent, dont la dernière dose est donnée à 14 semaines, davantage d’enfants devraient compléter le schéma vaccinal.

Alors que les pays à revenu faible et intermédiaire connaissent une recrudescence de maladies comme la diphtérie, « il n’a jamais été aussi important de déployer des vaccins vitaux comme l’hexavalent », souligne Clark. « La santé publique fonctionne quand les enfants ne tombent pas malades. Ce vaccin, dans toutes ses versions, a prouvé son efficacité. C’est une victoire pour la santé publique. »