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Le Togo déploie le vaccin antipaludique à l’échelle nationale

Le Togo est devenu le premier pays d’Afrique à déployer le vaccin contre le paludisme sur l’ensemble de son territoire. Lancée le 1er septembre, cette campagne marque une étape majeure dans la protection des enfants contre l’une des principales causes de mortalité du continent.

  • 23 octobre 2025
  • 6 min de lecture
  • par Nephthali Messanh Ledy
À Togokomé, dans le sud du Togo, une mère tient son enfant pendant qu’il reçoit le vaccin antipaludique, désormais intégré au Programme élargi de vaccination. Crédit : Nephthali Ledy
À Togokomé, dans le sud du Togo, une mère tient son enfant pendant qu’il reçoit le vaccin antipaludique, désormais intégré au Programme élargi de vaccination. Crédit : Nephthali Ledy
 

 

Sur le terrain à Togokomé

En ce jeudi de septembre, à l’Unité de soins périphériques (USP) de Togokomé, à une vingtaine de kilomètres à l’est de Lomé, les premiers enfants reçoivent le vaccin R21/Matrix-M, désormais intégré au calendrier de vaccination de routine.

« Nous avons mené des actions de sensibilisation dans la communauté par différents canaux, et aujourd’hui, nous sommes prêts à passer à l’action », explique Rafiatou Ruffino, assistante médicale et responsable de l’USP. Dans ce centre, les mercredis et jeudis sont consacrés aux vaccinations.

Le schéma vaccinal prévoit quatre doses : les trois premières à cinq, six et sept mois, puis une quatrième à 15 mois.

« Nous visons à vacciner près de 270 000 nourrissons chaque année dans les six régions sanitaires du Togo, afin de protéger les plus jeunes, particulièrement vulnérables face au paludisme », a déclaré le professeur Tchin Darré, ministre délégué à la Santé.

Un soulagement pour les familles

Pour de nombreuses mères, ce nouveau vaccin représente un immense espoir.

« On nous a informés il y a quelques semaines que la vaccination commencerait en septembre. C’est un grand soulagement pour moi et pour toute ma famille, car le paludisme nous touche énormément là où nous vivons », confie Akouvi Agnès, mère de quatre enfants.

« Quand l’un de mes enfants attrape le paludisme, je dois arrêter mon petit commerce pour rester à la maison avec lui », ajoute-t-elle. Depuis sa maison, à quelques mètres de l’USP, elle vend chaque matin de la bouillie à ses voisins.

Le gouvernement vise à vacciner près de 270 000 nourrissons chaque année dans les six régions sanitaires du Togo.
Crédit : Nephthali Ledy

Une autre mère témoigne : « Nous avons attendu ce vaccin pendant si longtemps, et nous sommes heureuses qu’il soit enfin là. Dès que j’en ai entendu parler, je me suis dit que je devais faire partie des premières à faire vacciner mon enfant. »

Mme Ruffino rappelle aux parents que le vaccin vient compléter les mesures déjà en place :

« Le traitement du paludisme est gratuit — les tests rapides, les médicaments, les moustiquaires pour les femmes enceintes et les nourrissons. Ce vaccin renforce ce que nous faisions déjà. »

Formation et mobilisation communautaire

À quelques kilomètres de là, à l’USP de Gbodjomé, Abou Gbati, agent de vaccination et point focal pour la promotion de la santé dans le district sanitaire des Lacs, décrit les préparatifs : « Nous parlons du vaccin antipaludique lors de nos séances éducatives, de nos consultations communautaires et de nos discussions. L’information circule en temps réel et à chaque occasion. Nous utilisons aussi d’autres relais : chefs de quartier, leaders religieux et agents de santé communautaires. »

Les vaccinateurs ont été formés à la gestion du vaccin, à la planification, aux stratégies et à la gestion des déchets.

Abou Gbati, agent de vaccination à l’USP de Gbodjomé (à environ 2 km de l’USP de Togokomé) et point focal pour la promotion de la santé dans le district sanitaire des Lacs.
Crédit : Nephthali Ledy

La mobilisation communautaire a également impliqué les responsables religieux.

« Nous trouvons ce lancement très salutaire, explique El Hadj Sagnadou Katakpao, président préfectoral de l’Union musulmane du Togo. Cette initiative protège nos enfants, et nous relayons ce message au sein de notre communauté à travers nos différents groupes. »

Le poids du paludisme au Togo

Selon les données du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), la maladie reste la première cause de morbidité au Togo : elle représente 40 % des consultations externes, 25 % des hospitalisations, plus de 2,18 millions de cas et 993 décès en 2024 — dont 70 % d’enfants de moins de cinq ans.

« J’ai traité plusieurs cas graves de paludisme, notamment chez les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes », explique le Dr Atassé Serge Koffi, médecin de santé publique à Lomé. « Je me souviens d’un enfant de deux ans admis dans le coma après plusieurs jours de fièvre non traitée. Malgré les soins intensifs, les séquelles neurologiques ont été importantes. Ces cas montrent à quel point le paludisme reste une menace majeure pour la vie. »

Une étape nationale et internationale

Dans ce contexte, le gouvernement togolais a franchi une étape décisive en introduisant le vaccin R21/Matrix-M dans son Programme élargi de vaccination (PEV) le 1er septembre 2025, avec le soutien de Gavi, de l’OMS et de l’UNICEF. Le Togo rejoint ainsi les 23 pays africains qui utilisent désormais un vaccin contre le paludisme.

Lors de la cérémonie officielle de lancement à Sokodé, le 4 septembre, le ministre délégué à la Santé, le professeur Tchin Darré, a rappelé que « malgré les efforts soutenus, comme la chimio-prévention saisonnière, la distribution massive de moustiquaires imprégnées et l’amélioration de la prise en charge, la lutte contre le paludisme nécessite des outils complémentaires et innovants ».

Le vaccin R21/Matrix-M est l’un des deux vaccins contre le paludisme recommandés par l’OMS, aux côtés du RTS,S. « C’est un vaccin sûr et efficace, dont l’innocuité a été démontrée par de nombreuses études menées à toutes les phases de son développement », a indiqué la Dre Erinna Corinne Dia, représentante de l’UNICEF au Togo.

Le déploiement togolais se distingue également par son ampleur et son modèle de financement. Le Togo est le premier pays à introduire la vaccination antipaludique à l’échelle nationale dès le départ, alors que la plupart des autres pays africains procèdent par étapes. Il prend aussi en charge 15 % du coût du vaccin, Gavi finançant les 85 % restants dans le cadre de son modèle de cofinancement.

Cette contribution nationale permet au gouvernement de proposer le vaccin à tous les enfants éligibles du pays — un signe fort d’engagement politique et une avancée vers la durabilité à long terme.

Le professeur Tchin Darré, ministre délégué chargé de la Santé et de l’Hygiène publique, lors de la cérémonie officielle d’introduction du vaccin dans le Programme élargi de vaccination (PEV), à Sokodé, le 4 septembre 2025.
Crédit : Nephthali Ledy

Partout en Afrique, de plus en plus de gouvernements assument une part croissante du financement de leurs vaccins. Selon la politique de cofinancement de Gavi, la contribution des pays augmente progressivement à mesure que leurs économies se développent. D’ici cinq ans, les pays soutenus par Gavi devraient financer près de la moitié du coût total de leurs vaccins, marquant une étape importante vers une plus grande appropriation nationale des programmes de vaccination.

Une ambition partagée

« Notre ambition est d’accroître progressivement la couverture vaccinale des enfants protégés contre le paludisme. Et nous voulons une forte mobilisation communautaire pour que chacun comprenne l’importance de ce vaccin », souligne le Dr Atekpe Payakissim Somiabalo, coordonnateur du PNLP.

Dans un pays où le paludisme représente encore 65 % des consultations pédiatriques, les enjeux sont considérables. Grâce à la mobilisation conjointe des autorités nationales, des personnels de santé, des leaders communautaires et des partenaires internationaux, le Togo entre dans une nouvelle phase de protection de ses plus jeunes citoyens contre l’une des maladies les plus meurtrières de l’enfance.